Qu'est ce que l'estimation du soi?
Lestime de soi en sociologie
Esquisse
La théorie sociologique doit progresser corrélativement sur les plans suivants : théories particulières portant sur des séries limitées de données, et élaboration dun schéma conceptuel plus général pour consolider des ensembles théoriques particuliers.
Robert K. Merton
( 1953. Social Theory and Social Structure, traduction Mendras in Eléments de théorie et de méthode sociologique ed Colin, p 15 )
Sommaire
Introduction générale
I. Quest-ce que lestime de soi en sociologie?
A. Lestimation en vue du monde : buts permanents et buts préférentiels, p
II. Le sens de lestime de soi
B. La corrélation entre le déploiement de laction, le développement de soi, et son estimation, p
C. La permanence de lestimation comme mise en valeur ( axios/logia : axiologie) orientant le développement de laction, p
Conclusion, p
Chapitre 1: délimitation hypothético-déductive
I. Lestimation comme effort
A. But de leffort, p
II. Estimation et désignation
B. Fonction de la représentation et universalisation de son activité sociale, p
C. Le contenu rationnel de lestime de soi, p
III. Expérimentation introductive
D. Lordonnancement de lestime de soi comme effort de maîtrise, p
Chapitre 2 : Les contours gnoséologiques
I. Universalité et scientificité
A. Fonction, limite, processus, de laction, p
B. Rationalité et scientificité, p
C. Objectivité et connaissance du soi, p
D. Sens de lhominisation, p
E. Hominisation et Histoire, p
II. Spécificité de lapproche sociologique
F. L écueil unicausaliste ou surdéterministe, p
G. Lapport de la sociologie de laction, p
H. En quoi le soi nest pas un substrat externe à lui-même, p
I. Agent, acteur, et estimation conflictuelle de soi, p
Chapitre 3 : Analytique
I. Les trois dimensions matricielles de lestime de soi : lorientation la conscientisation et lactualisation.
A. Lorientation nécessaire quoique faillible (positif) peut être altérée volontairement ( négatif ), p
II. Conscientisation-axiologisation
B. Les trois fonctions dappréhension : limite téléologique ( but ) entéléchique ( forme ), eschatologique, ( justification ), p
III. Actualisation. Les quatre fonctions.
C. La fonction de conservation, p
D. La fonction daffinement, p
E. La fonction de dispersion, p
F. La fonction de dissolution, p
IV. Lordonnancement de lestime de soi.
G. Linteraction entre fonctions dappréhension ( orientation et
conscientisation ) et fonctions dactualisation ( résultat ) dans lordonnancement de l estimation densemble, p.
H. La manipulation altérée des fonctions comme preuve compensatoire du manque dappréhension et dactualisation dans lordonnancement densemble, p
Chapitre 4 : expérimentation imaginaire
I. Introduction, p
II. Cadre protocolaire, p
Chapitre 5 : Le corpus épistémologique
Introduction, p
I. Signification fonctionnelle de laction.
A. Lexpérience fondamentale de Joseph Nuttin, p
B. La signification motivationnelle de laction, p
C. Stades cognitifs et sens du conflit dans lélaboration de laction, p
II. Architechtonique institutionnelle et préférentielle de lestime de soi.
D. Introduction, p
E. La fonction du concept et du langage chez Durkheim, p
F. Le concept comme matrice fonctionnelle, référentielle, préférentielle, multiforme de la mise en valeur des matériaux significatifs, p
Chapitre 6 : application
I. Elaboration dun guide denquête.
A. Les questions, p
B. La mise au point des réponses types conformes à la théorie des sept fonctions destimation ou limites rationnelles, p
Conclusion générale, p
Bibliographie, p
Pour la première fois les sociétés dites supérieures sont en train de vivre une seule et même histoire. Pour la première fois peut-être on peut parler de société humaine .
Raymond Aron.
1961. Laube de lhistoire universelle in Dimensions de la conscience historique, chap VII, ed Plon coll Agora, p 225.
Introduction générale
-I-
Quest ce que lestime de soi en sociologie ?
A
Lestimation en vue du monde : buts permanents et buts préférentiels
Partons de cette définition extraite dun manuel diffusé en France :
Le sentiment de lestime de soi. Ce sentiment peut être défini comme la valeur quun sujet attribue à sa personne propre. Il est un facteur déterminant du système de régulation du comportement.
( Raymond Chapuis, Que sais-je n°2287 in La psychologie des relations humaines 3ème édition corrigée 1992, p 50 ).
Demandons-nous déjà comment, dun point de vue sociologique, un sujet attribue-t-il à sa personne propre quelque chose comme une valeur dont le sentiment de lestime de soi découlerait et agirait comme facteur déterminant du système de régulation du comportement ?
Une partie de la réponse peut être trouvée dans un autre manuel qui traite, lui, des attitudes ( Que Sais-je n°2091 ed 1983, p 55, Raymond Thomas et Daniel Alaphilippe ) :
(...) Marx aussi bien que Durkheim ont parfaitement saisi le point faible de leurs théories respectives. Lun comme lautre ont laissé de côté le problème de la modalité de cette détermination des attitudes individuelles par lenvironnement social. Quels sont, en effet, les mécanismes en jeu dans la tête de lindividu entre la pression sociale ou économique et la manifestation des attitudes? Cest une des questions qui ont suscité les premiers travaux proprement psychologiques et on peut considérer quelle pose lun des problèmes majeurs de la réflexion dans ce domaine.
Un des premiers à apporter un élément de réponse fut lAméricain Musafer Sherif dès lannée 1934. Ses travaux sur la normalisation constituent, encore aujourdhui, une avancée théorique importante. Il part de lidée selon laquelle les individus ont recours pour décripter le réel à des cadres de référence auxquels ils rapportent les événements qui interviennent dans leur entourage, afin de les évaluer, de les comprendre et dagir en conséquence. Ces cadres de référence peuvent prendre aussi bien la forme dun système de normes qui permet lévaluation dun phénomène, que celle dun répertoire de réactions possibles face à une situation donnée. Il sagit alors de véritables modes caractéristiques de prédispositions à réagir selon les termes mêmes de lauteur.
Nous verrons ici que la saisie du réel, et donc également de soi-même, c'est-à-dire cette intrication individu cadres de référence interagissant dans un environnement géosociohistorique donné par le biais, cependant, de tel ou tel " groupe de référence " (Merton, op. cit., chap. VII, théorie du groupe de référence, p 206) ou centre daction " (Baechler, 1985 démocraties ed Calmann Lévy, p 62), passe, nécessairement, par tout ce processus constant délaboration et destimation qui ne met pas seulement en jeu des normes mais des
valeurs cest-à-dire ce que Boudon avec Weber nomme des
raisons fortes (1990, 1995, 1999, le sens des valeurs ed Quadrige p 172) qui par leur conviction mise en forme dans les cadres de référence coextensifs aux dimensions permanentes de lactivité humaine et médiatisés par les groupes de référence historiquement situés orientent le soi (nous en reparlerons plus loin section II partie B ainsi que chapitre I et surtout chapitre V lorsque nous aborderons lacception durkheimienne du concept).
Ainsi il est devenu aujourdhui trivial de dire que lestimation de soi dans le réel met donc en effet en jeu lintrication ci-dessus entre un je donne des cadres et groupes de référence dans un environnement historiquement situé.
Et tout ce processus peut se déployer malgré des conditions qui certes peuvent en ralentir le rythme et en modifier lallure lorsquelles sont inégales mais ne sont pas à même den susciter, mécaniquement, le cheminement vers le réel.
Sauf que ceci, dit ainsi, ne semble pas, par contre, avoir atteint la banalisation adéquate... Aussi faut-il peut-être éclaircir les points qui peuvent achopper en commençant déjà par ce qui caractérise la spécificité de lespèce humaine parmi toutes les autres espèces vivantes :
Il est impossible de nier quun accord de base (a basic fit), entre lêtre vivant et son milieu, est indispensable au fonctionnement. Lêtre vivant doit être sensible à laction de lenvironnement et lenvironnement, à son tour, doit se prêter à laction de lindividu. Cest le point de départ théorique de la notion même dadaptation.
On reconnaît généralement que lêtre vivant commence par essayer de capter et dassimiler la réalité donnée à laide de ses structures fonctionnelles déjà existantes. Dans la mesure où cela ne réussit pas, il saccommode en changeant sa propre manière de fonctionner. Le processus dadaptation se déroule ainsi en deux phases qui aboutissent au rétablissement de laccord entre lêtre vivant et le milieu.
Toutefois, cette image de ladaptation sapplique difficilement à certaines formes de la motivation humaine qui ont pour but, non pas dadapter ou de conformer le fonctionnement du sujet à la réalité existante, mais de la changer carrément en créant quelque chose de nouveau.
Cest ainsi quà chaque instant la personne humaine agit sur létat des choses qui existe dans son milieu pour le rendre plus conforme à ses propres buts et projets.
De cette manière, lêtre humain a changé la nature en culture et devient cause de progrès, ce qui ne correspond pas à limage de ladaptation de lhomme à son milieu.
( Joseph Nuttin, 1980, théorie de la motivation humaine, seconde édition 1984, 3ème ed PUF 1991, coll psychologie aujourdhui, p 31).
Retenons donc que lespèce humaine se caractérise par le fait de
Changer carrément la réalité existante afin de la rendre conforme à
ses propres buts et projets ; ce qui ne va pas sans conflit et déjà confusion puisque daucuns ont considéré que cette capacité de changer le monde, pour le meilleur comme pour le pire, était seulement une donnée de lHistoire alors quil sagit, déjà, dune donnée intrinsèque au développement même de lespèce vivante nommée humaine et qui prend cependant en effet forme selon les circonstances traversées par lintrication du soi (je cadres groupes-- de référence environnement).
Nous en reparlerons plus loin (chapitre II section II parties D et E. Section III partie F).
Avançons pour linstant maintenant quil nous semble bien quau sein de ces buts et projets dont parle Nuttin sinscrivent deux principaux types de buts intricablement liés quoiqu étant tout à fait distinguables et qui semblent bien être au fondement même du développement du soi.
Les premiers sont des buts dont la mise en valeur est permanente car il sagit de raisons sine qua non permettant le développement même du vivant et de lhumain tels que le fait de préférer être aimé que détester, reconnu que méprisé, ( Nuttin , ibid pp 15-16, p 116 note 1, ), le fait de préférer plutôt la paix à la guerre, la liberté à la servitude, la justice à linjustice, le courage à la lâcheté, le fait de préférer entreprendre que de rester passif ( ce que Nuttin nomme le plaisir dêtre cause, voir ici lanalyse de lexpérimentation qui a permis daboutir à ce concept chapitre 5 section I partie A ).
Enfin le fait de posséder, ne serait-ce que quelques biens, est lui aussi coextensif au désir de se prolonger de manière autre et de sen servir pour mieux asseoir son développement ( Baechler, op cit pp 72 et 316 ).
Les seconds sont des buts mis en valeur de façon préférentielle tels que le fait de chercher à acquérir, selon les possibilités et les traditions historiques, du pouvoir du prestige et des richesses ( Baechler, op cit, p 39 ).
Ils savèrent être également des moyens permettant et justifiant la réalisation des buts permanents.
Tandis que la mise en valeur de ces buts préférentiels peut être aussi poursuivis seulement pour elle-même ( ibidem p 30 ) telle que celle mise en forme par les recherches artistiques, religieuses et scientifiques et ce au-delà du statut dont celles-ci permettent laccès mais dont elles ne peuvent pas être réduits puisque ce ne sont pas les raisons instrumentales de celui-ci qui valent mais dautres raisons plus fortes dont certaines peuvent même être sacralisés telles les vertus les commandements religieux les lois politiques fondamentales et la déontologie.
Retenons pour le moment que cette préférence dans les fins ou buts poursuivis ne peut se réduire à un simple utilitarisme ( Boudon ibid p 81 et suivantes ) ; ce qui désigne déjà pourquoi lindividu imprime justement au sein de son propre soi une préférence motivationnelle singulière quant à à la mise en valeur de cette intrication des buts permanents et préférentiels maillant son développement dans le monde.
Cette singularité, ce je , cest ce que Reuchlin nomme le conatif :
(...) il se trouve que chaque individu manifeste dans certains au moins de ses choix un certain degré de stabilité temporelle à court terme et une certaine cohérence dune situation à une autre, constats qui interdisent de considérer ces choix comme des aspects aléatoires de la conduite. Il en est peut-être ainsi, plus fondamentalement, en ce qui concerne des aspects communs à des choix se manifestant à des âges différents et à propose de conduites différentes. On pourrait mentionner, à titre dhypothèses, un mode de fonctionnement plutôt global ou plutôt analytique, une orientation préférentielle vers les personnes ou vers les choses, une acceptation ou un refus du risque, une priorité accordée au recueil dinformation ou à lémission de réponses, etc. (...).
Il fallait étiqueter dun mot cet objet. Nous avons choisi le terme conation, mais nous aurions sans doute du mal à justifier ce choix de façon tout à fait convaincante...si une justification convaincante était nécessaire en matière détiquetage, surtout dans un domaine où la terminologie est dune extrême fluidité. Essayons cependant de donner nos raisons.
Si le mot conation sapplique à la manifestation active dune tendance, il peut, nous semble-t-il, être utilisé pour désigner lorientation des conduites. Le terme dénote aussi un effort exigé par cette manifestation. Cette dénotation est acceptable ici : la mise en oeuvre de façon suffisamment durable et cohérente, sur un matériel et dans une direction déterminés, de la machine cognitive suppose bien quune certaine difficulté adaptative existe dans la situation considérée et que le sujet agisse pour la vaincre. (...)
( M. Reuchlin, 1990, les différences individuelles dans le développement conatif de lenfant, ed PUF, pp 10-11 ).
Et pour développer sa préférence motivationnelle ou conative nous verrons amplement ici questimer aurait précisément pour le soi la fonction ou rôle de sauto évaluer agissant.
Cest-à-dire de sapprécier, de sestimer, ce qui implique dobserver ce que vaut cette mise en valeur, dans tous les sens du terme, ( doù les divers italique ), malgré les conditions et la diversité des formes qui lactualisent.
***
-II-
Le sens de lestime de soi
B
La corrélation entre déploiement de laction développement de soi et estimation
Nous commençons à dégager peu à peu que leffectivité de linteraction au sein du soi entre je conatif-cadres et groupes de référence-environnement, -quand bien même serait-elle pour une part implicite cest-à-dire
fonctionnerait de manière métaconsciente , ( Boudon in lart de se persuader... ed 1991, ed Point/Fayard p 110 )-, est donc, et en premier lieu, motivée par le développement de soi comme dailleurs lanalyse de façon décisive Nuttin -
( analyse dont Reuchlin se dit proche, op cit 1990, p 11 )- dans sa théorie de la motivation humaine , ( op cit, ici chapitre 5 ) .
Et nous verrons plus loin ( chapitre 5 ) que cette motivation savère être un besoin non pas appréhendé comme manque ( sauf sil en est empêché )
mais nécessité fonctionnelle ( chapitre 2 section I partie A ) qui peut être saisiexpérimentalement, par le fait que le soi se développe dautant mieux quil y associe le plaisir dêtre cause ( causality pleasure ) ( Nuttin ibid pp 154-161 , ici chapitre 5, section I partie A ) le plaisir de se sentir actif et qui ainsi prouve que lon ne vit pas pour la seule réitération génétique.
Ce qui implique que ce besoin de développement est un plaisir dêtre cause car il ne fait pas que reproduire lespèce tout en saccommodant au monde mais transforme celui-ci en le mettant en valeur cest-à-dire en le développantet en hiérarchisant les significations.
Ainsi le besoin de développement en tant que plaisir à créer de la valeur non réductible à la reproduction biologique serait sans doute comme la pierre angulaire voire même la clé de voûte du développement du vivant arrivé à son optimum dans l humain.
Cest pour ainsi dire le sommet de lévolution du vivant cest-à-dire la signification ultime du vivre qui trouve sa pleine compréhension dans lhumanité historiquement située.
Seulement cette motivation, dernière, du développement du soi qui se traduit en buts permanents et préférentiels, nous lavons énoncé, ( voir chapitres 1 et 5 ) doit, pour être possible, déployer laction.
Le déploiement de laction, qui actualise le plaisir dêtre cause propre au développement du soi par le biais de la mise en valeur de buts permanents et buts préférentiels, seffectue au sein de divers cadres et groupes de références coextensifs aux dimensions permanentes de lactivité humaine, nous lavons dit-ce que Baechler nomme les ordres sociaux ( 1985, p 63 ) - comme le juridique le religieux léthique le logique le technique le politique léconomique le médical...
Ces cadres et groupes de référence sont structurés dans une tradition historique multiforme et une division donnée du travail qui, selon lefficience de l actualisation suscitée par linteraction entre lestimation et lenvironnement, permet alors datteindre, au delà de sa forme historiquement située, un développement du soi qui permet son déploiement nécessaire malgré les erreurs ( positif ) et les accidents
( pathologie ) qui peuvent être cependant altérés volontairement ( négatif ).
Nous verrons alors ici que lestimation du développement peut être objectivement classé selon la façon dont il oriente la conservation, laffinement, la dispersion , la dissolution du soi ; les deux premières caractéristiques déployant le soi tandis que les deux secondes lui permettent de temporiser et de changer, du moins lorsquelles ne sont pas altérées.
Nous arriverons alors à la conclusion suivante :
L objectivité dune telle estimation du développement et de son altération
accidentelle et volontaire sétend non seulement dans lévaluation des comportements et des objets choisis mais aussi dans lappréciation des cadres et des groupes de référence qui en permettent leffectuation.
En un mot cette objectivation apparaît comme une nécessité incontournable qui sous-tend en permanence le déploiement de laction et donc conditionne le développement du soi.
Ce qui implique ceci quil nous faudra démontrer :
Plus lestime de soi, lorsquelle nest pas altérée, se conserve et s affine en maîtrisant les processus de dispersion et de dissolution plus laction se déploie au mieux, malgré le pire, ce qui permet au soi de développer non seulement le maximum instrumentalisable ( conservation ) mais aussi de viser loptimum.
C est-à-dire affiner dans lensemble des aspects propres aux buts permanents et préférentiels certains éléments qui seront visés au delà de leur dimensionnement statutaire et qui de ce fait permettront de développer ce que vise le soi sans quil soit astreint à des compromis tenant uniquement compte des rapports de force ( conventionnalisme ) et qui peuvent altérer sa motivation et surtout son résultat.
Ainsi l optimum nest pas seulement posé au sens de maximisation mais aussi, et surtout, au sens de déploiement de laction et du soi dans leur pleine dimension ( ou déhiscence ) ce qui explique pourquoi nous verrons que laffinement est une fonction dactualisation du développement qui dépasse la seule conservation.
En conclusion c est la saisie même de cette circularité, -plus lestime de soi se développe de manière non altérée plus laction sactualise pleinement plus le développement du soi se déploie au mieux-, cest elle que nous viserons comme loi nécessaire du développement du soi que la mise en valeur permanente de lestimation oriente de manière historiquement située lorsquelle nest pas altérée.
Ainsi cette corrélation entre loi du développement et mise en valeur conjugue, comme dans la locution vraie , une estimation objective qui retient une régularité de fonctions nécessaires ( jugement de fait ou loi ) et une actualisation choisie ( jugement de valeur ) dont la forme varie selon les préférences motivationnelles et les circonstances historiquement situées mais pas le fond dont une part bascule en principes inamovibles, tels les buts permanents, et en valeurs sacrées, tels les vertus, car il sagit de déployer objectivement et donc pleinement le devoir être et non pas de laltérer.
Ce qui implique que si lapparence du soi évolue puisque la valeur qui le met en forme est sans cesse critiquée et donc contestée/affinée en tenant compte de ce qui est reconnaissable ou compris comme certain, il nen reste pas moins que le reste est écarté, en effet, dans les poubelles de
lHistoire lorsque précisément loin den renforcer lêtre il en altère le mouvement....
*
C
La permanence de lestimation comme mise en valeur ( axios/logia : axiologie) orientant le développement de laction
Nous considérons donc quil existe tout dabord dans une action humaine quelque chose comme une régularité de tâches préliminaires à remplir et à réussir, -du moins si laction veut, au minimum, arriver déjà à émergence.
Cest ce que nous nommerons lois de lactualisation des buts permanents et préférentiels du développement telles que :
le but de laction, la forme et les moyens mises en oeuvre pour réaliser ce but et aussi la justification de ce but car laction en tant quhumaine némerge pas sans tenir compte dautrui au sens institutionnel y compris
( Bourricaud 1977 ).
Cette trilogie, but, forme, justification doit être mise en valeur
Ce qui exige un effort non négligeable destimation afin de trier en vue dordonnancer de hiérarchiser cette mise en valeur au sein des cadres de références spécialisés pour ce faire car la propre mise en valeur effectuée par chaque soi doit se confronter avec ce qui est conseillé par lexpérience des autres soi comme étant objectivement le mieux, du moins si lon admet que la mise en valeur proposée nest pas le résultat arbitraire dune convention mais bien lensemble des solutions historiquement situées dont une part peuvent concerner tous les hommes tant elles atteignent une dimension nécessaire universelle pour le développement.
Il ne sagit donc pas de suivre une tradition par réitération mais bien parce quelle a prouvée son efficience jusquà ce quune autre tradition plus à même de développer certaines hiérarchisations de valeurs la supplante
( chapitre 2 section II ).
Avançons maintenant quà la différence des autres espèces dont la liberté destimation est assez minime malgré quelques variations éthologiques le développement au niveau humain ne se déploit pas uniquement mécaniquement mais selon, au moins, trois dimensions matricielles qui permettent de l orienter, le conscientiser, l actualiser.
Ainsi nous verrons que par leur biais et au sein bien entendu des cadres et des groupes de référence qui lui permettent de laider à estimer selon certains stades dapprentissage et de maturation ( chapitre 5 section I partie C ) le soi peut apprendre à connaître en premier lieu :
- langle nécessaire ( positif ) ou altéré (négatif ) qui oriente dès le départ tout développement.
Le positif sapparente au développement objectif nécessaire ( chapitre 2 section I partie A ) des buts permanents et préférentiels dont les accidents
( pathologie ) et les erreurs font parties ( le faillible baechlerien, 1994 ) car tout nest pas prévisible ou nest pas conscientisé mécaniquement et sur le champ comme il faut .
Le négatif exprimerait surtout les altérations ou les dysfonctionnements volontaires qui ont pour objet tout ce qui peut nuire au développement nécessaire et dont les raisons pour une part sans doute conatives ne peuvent pas être seulement réduites aux circonstances qui les phénoménalisent.
En second lieu le soi déploie :
- l acte de conscientiser ou axiologie ( Weber-Boudon in Boudon 1995, 1999, axios : qui vaut et logie/logique : logia : théorie , de logos discours in petit Robert )
d une perception appropriée selon quelle se déploie sous langle nécessaire ( positif ) ou altéré ( négatif ) afin de définir comment les buts permanents et préférentiels vont émerger et se justifier ( nous le nommerons aussi conscientisation ).
Enfin en troisième lieu le soi effectue :
- lactualisation cest-à-dire le résultat effectif atteint qui peut être saisi selon quil conserve affine disperse dissout le soi de façon nécessaire ( positif) ou altérée ( négatif ) .
Ces trois dimensions matricielles ( orienter, conscientiser, actualiser ) de lestime de soi sintriquant interagissant rétroagissant lune lautre vont se déployer sous la forme au moins de sept relations requises à même de permettre lémergence effective de toute action et par là de développer le soi en ses buts permanents et préférentiels.
Ces sept relations seront également nommées ici fonctions destimation agissant comme limites rationnelles car cest bien parce quelles fonctionnent en permanence en vue, en raison, de laction quelles lui donnent une signification dont la mise en valeur ou conscientisation orientée en positif ou altérée et ordonnancée par lestimation de soi permet lactualisation donnée du développement tout en étant élaborée au sein de cadres et de groupes de références historiquement situés.
Précisons ce que nous entendons par fonction et raison nous présenterons ensuite succinctement ces sept fonctions destimation ou limites rationnelles permettant laction et partant le développement du soi.
La fonction est entendu ici au sens de nécessité permanente et conditionnelle qui forment processus irréductible à la somme de leurs éléments constitutifs puisquil lui donne un sens quaucun des éléments pris séparément ne détient seul ( chapitre 2 section I partie A ).
La raison sera appréhendée au sens densemble instrumental et significatif ( Weber, 1922, Boudon, 1995, 1999, Terré, 1998 ) cest-à-dire corrélant des fins des moyens et des justifications (ici chapitre 1 section II partie C et chapitre 3 section section I partie A ) qui ne sont pas nécessairement raisonnables ou seulement instrumentalisables puisqu il est dabord question de signification qui mettent en jeu des valeurs non directement déductibles en intérêts immédiats car elles ont plutôt une fonction dorganisation en ce sens quelles mettent en forme l orientation la conscientisation et lactualisation du développement cest-à-dire permettent lestime que lon élabore du soi comme conservation et comme affinement tout en maîtrisant sa dispersion et sa dissolution, nous le verrons amplement.
Si nous insérons maintenant ces deux termes dans lanalyse de lorganisation propre à lestime du soi nous observerons ici en premier lieu le fait que les orientations nécessaires ( positif ), ou altérées ( négatif ), ont un fonctionnement incompatible puisque lune développe alors que lautre détruit.
Cest que leurs raisons se trouvent antinomique lune vis à vis de lautre.
En effet autant le positif est rationnel cest-à-dire corrèle de façon compréhensible des fins des moyens et des justifications non réductibles à leur instrumentalisation, -ce qui ne se fait pas sans erreur et accident dans lestimation de ce qui est objectivement nécessaire-, autant le négatif est irrationnel voire antirationnel en ce sens que pour le premier terme
( irrationnel ) lun des trois éléments de la corrélation ( fin moyen justification ) peut être non pas inadéquat ou erroné qui font partie des tâtonnements de la recherche rationnelle mais volontairement faux ; et le second terme ( antirationnel ) en accentue les données jusquà même avoir comme unique souci la volonté du faux et du détruire visée pour elle-même (ici chapitre 1 section II partie C ).
Observerons ensuite ce que nous nommons les sept fonctions destimation qui permettent la mise en valeur et donc lordonnancement et lestimation du soi selon que le développement se déploie nécessairement ou se trouve altéré.
Trois de ces sept relations requises conscientisent ( axiologisent ) laction orientée nécessairement ou altéré en posant un fond ( but ) en le mettant en forme ( émergence ) et en le justifiant ( signification et hiérarchisation de la valorisation ) tandis que les quatre autres actualisent cette orientation et cette conscientisation en permettant que le développement se conserve saffine en priorité et aussi se disperse se dissolve selon les conditions démergence .
Voyons les successivement.
A/ Les trois relations qui conscientisent laction orientée ont des domaines de définition qui traversent lensemble des activités humaines tout en étant déclinées par cadres et groupes de référence historiquement situés et donc ayant un contenu évolutif :
Il sagit pour le but de la limite téléologique puisquil faut bien penser ce que définir tel but mobilise comme moyens ou instruments divers.
Quant à la mise en forme même du but nous nommerons cette nécessité la limite entéléchique car il sagit dévaluer tout un processus de mise à disposition et de procédure en vue du but projeté.
Enfin pour la justification la limite sera dite eschatologique en ce sens quil faille bien reposer le déclenchement même de laction, et donc tout leffort qui en résulte, sur un principe et/ou un axiome dernier, quand bien même celui-ci serait-il nié, et dont la signification ne repose pas seulement sur son utilisation comme norme daction mais surtout comme mise en valeur, cest-à-dire qui confirme la hierarchisation, lordonnancement, de lorientation et la conscientisation du développement sactualisant .
Nous les nommerons, au sein des sept fonctions destimation déployant les trois dimensions de lestime de soi, fonctions dappréhension.
B/ Les quatre autres fonctions déterminent, elles, le résultat ou lactualisation effective atteinte à lintérieur ( orientation et conscientisation ) et à lextérieur ( comportement et objet ) du soi.
Nous les nommerons fonctions dactualisation.
Ce seront elles que nous étudierons pour lessentiel car il s agit pour nous ici de saisir du point de vue sociologique non pas seulement comment laction sélabore et se met en valeur mais aussi, et surtout ici, ce quil en résulte comme actualisation conceptuelle et comportementale susceptible de créer de la réalité à même de déployer ou pas le développement du soi .
Cest-à-dire à même de le conserver, laffiner, le disperser, le dissoudre selon le nécessaire ( positif ) et malgré laltéré ( négatif ) tout en sachant que les deux premières fonctions caractérisant lactualisation, à savoir laffinement et la conservation, matricent lensemble alors que les deux autres en sont les auxiliaires.
Développons quelque peu puisque cest ceci que nous étudierons ici essentiellement.
Nous avons en effet supposé et démontrerons que le développement de soi, et déjà par définition, se déploie, de fait, en continu, cest-à-dire, de fait, en positif malgré les écueils accidentels, les erreurs ; tandis que les décisions négatives, elles, brisent à terme la continuité ou sen emparent volontairement pour se dissimuler de façon vicariante tout en nous persuadant, absolument, du contraire en affichant parfois un visage dange
( lange de Pascal...).
Ce développement en continu a pour fonction de mémoriser et donc de valoriser ( axios/logia ) cest-à-dire de discriminer, de filtrer, trier, en chaque interaction, tout ce qui, dune part, renforce quantitativement la cohérence et le déploiement de laction, et, partant le développement du soi en ses buts permanents et préférentiels ( fonction de conservation ) se distribuant à lintérieur comme à lextérieur du soi dont la distinction nest que fonctionnelle puisque le soi est une sorte dinterface qui sactive quen tant quelle se déploie au sein dinstitutions et dun environnement donné.
D autre part le développement de soi se déploie qualitativement par la mise en valeur de certaines appréhensions plutôt que dautres, car elles en permettent un niveau donné d optimisation, la mise en valeur seffectuant jusquà mémorialiser la mémorisation cest-à-dire la ritualiser, lallégoriser, linstitutionnaliser ( fonction d affinement ).
Ce continu connaît néanmoins sous forme de fonction auxiliaire le discontinu puisquil ne peut dune part se déployer tel quel ce qui nécessite des stratégies et des tactiques de contournement et de suspension ; dautre part du fait que le soi nest pas unidimensionnel ceci implique la nécessité de développer également ses autres aspects, ( fonction de dispersion ).
Mais cette discontinuité nest quun moment qui peut cependant basculer en vecteur majeur de changement ( fonction de dissolution ) selon la nécessité appréhendée par telle ou telle conscientisation et plus profondément par telle ou telle estimation densemble du soi qui coordonne ou ordonnance le tout.
Ces quatre fonctions se déploient en un soi humain ce qui implique quelles ne doivent pas être lues de façon linéaire allant seulement dun niveau plus vers un niveau moins ou le contraire comme il est tentant de le faire lorsque lon emploie le terme fonction de façon analogique aux fonctions organiques ou mécaniques ( cest pourquoi nous en préciserons encore plus lemploi ici plus loin, chapitre 2 section I partie A ) .
Ainsi nous nous sommes aperçus, au fur et à mesure que nous élaborions cette contribution qu il nest pas vrai que la meilleure serait, mécaniquement, laffinement et la plus mauvaise la dissolution.
Car selon que celles-ci soient visées positivement cest-à-dire en fait objectivement même si ceci nest pas toujours atteint, ou négativement cest- volontairement destructif, il savère, par exemple, que laffinement en tant que fonction exprimant une grande maîtrise et optimisation des sept relations requises pour déployer l estimation peut êtreutilisée de façon volontairement négative et donc basculer en sophistique et casuistique tandis que laspect pathologique du positif pourrait se percevoir dans la méticulosité tournant à vide.
A lopposé la fonction de dissolution qui détient demblée une connotation négative peut être pourtant un moment positif nécessaire pour se séparer de ce qui est estimé comme sinon nuisible du moins inutile ( au sens large) par exemple lorsque le soi décide de se métamorphoser et donc de se ré-ordonnancer.
De même la fonction de dispersion peut savérer positivement nécessaire tactiquement ne serait-ce que le fait tout simple de penser à autre chose ou de se détendre alors que demblée le terme peut faire penser à son aspect négatif tel que le refus volontaire de sorganiser, darrêter une détermination, ou, pour laspect accidentel du positif, le fait de de sempêtrer pathologiquement dans léparpillement de laction en empêchant alors la
synthèse ( Janet 1889, lautomatisme psychologique, pp 473, 478, bibliothèque de la
Sorbonne ).
*
Il sagira donc ici de concevoir ces trois dimensions matricielles ( orientation conscientisation actualisation ) se distribuant en sept fonctions destimation
( trois dappréhension et quatre dactualisation ) ou limites rationnelles, cest-à-dire dont les aspects instrumentaux et significatifs en terme de mise en valeur sont compréhensibles, comme étant sans cesse intriquées à chaque pas de laction interne et externe.
Et cest précisément le rôle de l ordonnancement densemble de l estime de soi que de juger comment ces dimensions et leurs fonctions ou limites se
mettent en valeur afin que le soi se déploie .
Mais ce rôle dordonnancement ne doit pas être vu à la façon du fameux cocher qui maintient dune main les sens et de lautre la raison pensée uniquement comme coercition.
Car nous verrons ici ( en particulier chapitre 5 section I partie B ) qu il ny a pas dun côté une énergie plus ou moins consciente et/ou sauvagement laffût, et, de lautre côté, des valeurs qui lencadrent pour la raisonner afin de lui faire uniquement la morale , de peur quelle ne déborde.
En fait le soi ne peut sactualiser dans le cadre dune société donnée quen sappuyant sur des estimations dont la mise en valeur donnée et élaborée est à même ou pas dorienter le soi afin d atteindre effectivement le nécessaire malgré lerreur ( positif ) ou daller contre lui en mettant en valeur plutôt laltéré ( négatif ).
Mais ce ou/ou ne peut cependant être mis en équivalence. Car le développement, sil veut atteindre son optimum, ne peut saltérer sous peine de se subordonner et donc là en effet dêtre encadré au sens servile du terme.
Ainsi sept fonctions/limites rationnelles ou relations requises distribuent donc les trois dimensions matricielles de lestime de soi ( orienter conscientiser actualiser ) sous forme de trois limites dappréhension
( but/téléologie, forme/entéléchie, Justification/eschatologie ) et de quatre fonctions dactualisation évaluant un résultat et ce qui en est déductible pour le développement du soi en conservation affinement ( continu ) dispersion dissipation ( discontinu ) nécessaire cest-à-dire non altéré.
Nous en aborderons laspect rationnel chapitre 1,
fonctionnel/nécessaire chapitre 2, développerons certaines nous concernant ici chapitre 3, nous les expérimenterons chapitre 4 et les justifierons épistémologiquement chapitre 5 tout en les présentant sous forme dun questionnaire chapitre 6.
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Conclusion
En résumé nous montrerons donc ici que lobjectif ou encore la raison dune estime de soi, au sens sociologique, savère être l appréhension de ce qui permet d élaborer, de déclencher, d ériger, de mettre en valeur, effectivement, laction et également ce quil en résulte comme contenu de développement que lon peut alors classer .
Seulement l estimation du soi au quotidien ne fonctionne pas pour le seul plaisir archéologique de la classification et/ou la nécessité morale de juger les résultats de laction, surtout lorsque leur lettre ne correspond pas formellement avec ce qui est conservé-mémorisé, mais bien parce que laction se déploie, déjà, en vue de lautodéveloppement et que celui-ci na pas seulement comme raison forte le fait de se reproduire mais aussi dêtre créateur de valeurs qui donnent un sens à leffort du devoir être cest-à-dire le déploiement non altéré du soi que lon peut alors saisir dans son résultat en évaluant si celui-ci renforce ou altère le développement.
Car si le développement du soi est cette tendance au déploiement et à lactualisation de ses potentialités latentes ( Nuttin, op cit, p 165 ) pour le meilleur ( positif ) comme pour le pire ( négatif ) le meilleur savère être préférable au pire puisquil permet le développement effectif dont lorientation la conscientisation et lactualisation ne peuvent être réduites à leur utilité statutaire.
Ainsi il sagira donc ici d évaluer lécart existant entre loptimum possible de ces sept fonctions ou lois nécessaires mises en valeur en vue du déploiement effectif de laction, et, par récurrence, en vue du développement non altéré du soi, avec ce quil en résulte lorsquelles sont actualisées, par les groupes et tout un chacun, dans des comportements et des possessions dobjets puisque en analysant ceux-ci lon peut observer si le soi est conservé affiné dispersé dissout en positif ou altéré (négatif).
Ceci implique alors quune fondation objective et scientifique de lestime de soi est possible, cest-à-dire dont la vérité est déduite universellement, et ce malgré les applications contingentes et les localisations historiques singulièrement situées. C est ce que nous allons maintenant approfondir de plus en plus.
Nous présenterons la problématique au chapitre 1, dessinerons son importance gnoséologique au chapitre 2, détaillerons son architectonique chapitre 3, l expérimenterons chapitre 4, la contextualiserons épistémologiquement chapitre 5, et nous la formulerons sous forme dun questionnaire chapitre 6.
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(...) le dynamisme dirige des phénomènes quil ne produit pas, tandis que les agents physiques produisent des phénomènes quils ne dirigent point.
Claude Bernard
( cité par Joseph Nuttin Théorie de la motivation humaine ed puf, p 143 )
Chapitre 1
Délimitation de lestime de soi
-I-
L estimation comme effort
A
But de leffort
La notion même destimation et donc dévaluation de la mise en valeur
nécessite au préalable un tel travail délaboration, un tel effort comme le remarquait Pierre Janet ( 1926, de langoisse à lextase, ed 1975, TII, pp 110-127 ) en sappuyant sur Maine de Biran ( 1811 le fait primitif du sens intime in la vie intérieure, ed Payot, p 53 ) que Biran note Janet disait que le sentiment de la liberté et le sentiment même de lexistence ne peuvent pas être mis en question au moment de leffort moteur
( Janet, op cit, p 111 ) .
Or pour arriver ainsi à ne pas remettre en question de tels sentiments
au moment de leffort moteur il faut être à même décarter toute sous-estimation et rester tout autant sourd aux tentations pathologiques qui peuvent résulter dune compensation paradoxale ( comme le fait de sauto-punir davoir trop souffert dans telle ou telle élaboration et donc échouer au dernier effort... ) quaux raisonnements altérés comme par exemple ceux du nihilisme du XXème siècle soucieux dabattre tout effort, hors du sien, tel celui que nous avons étudiés dans notre thèse de Doctorat ( 1997 bibliothèque de la Sorbonne ) et qui considère que manquer léchec est plus grave que manquer de réussir ou quil faille échouer de manquer léchec ...
Si donc il nest pas rien damorcer un tel travail destimation demandons-nous à nouveau quel en est le but.
En quoi la nécessité dun tel effort se justifie-t-elle en effet quand bien même serait-elle possible fonctionnellement ?
En un mot pourquoi leffort existe-t-il, se déclenche-t-il, pourquoi vient-il par exemple puiser dans certains cadres de référence, et, plus profondément encore, pourquoi sestimer ?
Le sociologue peut confirmer les données psychologiques expérimentalement déduites que nous analyserons plus loin ( chapitre V ) en soulignant quau delà des contextes socioculturels qui lui donne cependant le matériel historique de signification nécessaire pour en dessiner la contingence, toute cette élaboration est activée en vue de mettre continuellement en forme buts permanents et buts préférentiels.
C est ce que Max Weber, semble-t-il, nomme les motivations ( 1922 in économie et société, ed Agora-Plon, tome 1, les catégories de la sociologie, chapitre premier, les concepts fondamentaux de la sociologie, paragraphe 5, p 34 ) dont il sagit pour lui de comprendre
( p 34 )le sens ( p 28 ) comme ensemble significatif ( p 38 ).
Cest-à-dire comme motif ou encore raison :
Nous appelons motif un ensemble significatif qui semble constituer aux yeux de lagent ou de lobservateur la raison significative dun comportement . ( ibid para. 7 p 38 ).
La psychologie scientifique la plus récente quelle soit cognitiviste ou
neuro-éthologique ( J. Paillard in Reuchlin 1995 totalités, éléments, structures ed puf p 240 ) semble également se poser ce même genre dinterrogation.
Cest-à-dire intégrer la problématique morphologique propre à la locution
en vue de que nous avons rencontré ici à plusieurs reprises et déjà lorsque nous avons indiqué que la permanence de linteraction je conatif-cadres et groupes de référence-environnement était motivée en vue du développement donné de soi .
Ainsi le psychologue de la conduite Maurice Reuchlin cite ( ibid, p 240 ) dune part le neuropsychologue Paillard lorsque celui-ci souligne que :
(...) si nous aspirons à comprendre le comportement naturel du système total, nous devons entreprendre son analyse fonctionnelle en terme dinteraction des sous-systèmes qui le composent en précisant le rôle de chacun deux. Toute interprétation du rôle dun sous-système suppose référence à lopération du système global ( but assigné à laction ) et à la signification biologique que cette opération revêt pour lorganisme ( approche éthologique). (...).
Limplication dun tel point de vue pour le neurobiologiste (...) est quil doit être disposé à adopter une position téléologique et à accorder une attention prioritaire à lidentification du répertoire comportemental habituel des espèces quil étudie et des stimulations naturelles auxquelles ces espèces sont normalement sensibles ( J.Paillard, 1978, p 161 ) .
Dautre part Reuchlin signale ( ibid, p 246 ) la manière dont les collaborateurs de Jean Piaget poursuivent sa recherche, en particulier Bärbel Inhelder, en citant les propos de celle-ci et de lun de ses collègues ( D. de Caprona ) :
(...) Le sujet psychologique nous intéresse en tant que sujet connaissant, mais avec ses intentions et ses valeurs. Nous sommes conduits à donner une part importante aux dimensions téléonomique et axiologique de lactivité cognitive, cest-à-dire aux finalités et aux évaluations produites par le sujet lui-même. Il sagit donc denvisager le sujet avec les fins quil se donne et les valeurs quil sattribue ( B.Inhelder et D. de Caprona, 1992, p 22)...
Le sujet en examen doit éprouver le besoin de réussir , la tâche qui lui est proposée doit avoir pour lui un sens ( p 25 ).
Cette recherche de sens cette importance accordée à une position
téléologique ( Paillard, 1978, p 161 in Reuchlin op cit p 240 ) cest-à-dire en fait à la locution en vue de ainsi qu aux dimensions téléonomique et axiologique de lactivité cognitive, cest-à-dire aux finalités et aux évaluations produites par le sujet lui-même ( ci-dessus ), ce qui na rien à voir avec un fixisme puisque la finalité peut ne pas être actualisée, explique pourquoi Reuchlin insiste dans le même ouvrage ( p 258 ), et ce jusquà reprendre ce quil avait déjà formulé identiquement dans un ouvrage précédent ( 1980, différences individuelles dans le développement conatif , ed puf, pp 16-17 ), sur le fait que les processus cognitifs mis en évidence ne se déclenchent pas pour eux-mêmes mais en vue de réaliser des fonctions propres aux êtres vivants :
Un cognitiviste représentatif, D. A. Norman, en vient à considérer ( 1982 ) que les processus intercalés entre stimulus et réponses constituent dabord un système régulateur chargé dassumer les fonctions propres aux êtres vivants, et donc absents chez les ordinateurs : survivre, trouver de la nourriture, se protéger contre les agressions, former des familles et des sociétés, se reproduire, protéger et éduquer les jeunes, etc. Le système purement cognitif nest pour Norman que lauxiliaire de ce système régulateur, même si cet auxiliaire est devenu capable dans une certaine mesure dun fonctionnement autonome. La position de Norman nest quun exemple de lévolution de lattitude de certains cognitivistes. On en trouvera plusieurs autres dans M. Reuchlin, 1990a, chap.I, et dautres encore après cette date. Dans un ouvrage publié sous la direction de R.G. Lister et H.J. Weingartner (1991) sur les perspectives de la neuroscience cognitive, un chapitre est consacré à la modulation de la cognition sous leffet, par exemple, du stress, de lanxiété ou de lémotion.
Cette prise en compte du sens et donc de la fonction de la cognition comme moyen en vue dune actualisation permanente et préférentielle dans le monde ( et qui peut avoir létude de la cognition, au sens boudonien, 1995, 1999, comme but ) est la suite en fait de ce que Paul Fraisse nomme lintroduction de la variable P ( personnalité ) entre S ( stimulus ) et R ( réponse ) ( in la psychologie expérimentale ed que sais je n°1207 pp 18-21 ed 1979 ) après que Woodworth ( 1925 ) ajoute Fraisse ait introduit la variable O ( organisme ) et Tolman ( 1932 ) la notion de variables intermédiaires entre S et R comme la motivation et le but .
Ce qui prolonge les études de Claparède ( 1917 ) qui dit Piaget (1967, la psychologie de lintelligence, ed Colin, p 11 ) considérait que les sentiments assignent un but à la conduite, tandis que lintelligence se borne à fournir les moyens ( la technique ).
Sauf que Piaget ajoute : Mais il existe une compréhension des buts comme des moyens, et elle modifie même sans cesse la finalité de laction. Dans la mesure où le sentiment dirige la conduite en attribuant une valeur à ses fins, il faut donc se borner à dire quil fournit les énergies nécessaires à laction, alors que la connaissance lui imprime une structure.
Mais précisément pourquoi cette dernière imprime-t-elle laction par de la
connaissance dont par ailleurs la finalité peut être sans cesse modifiée par une compréhension donnée ?
Soulignons seulement pour le moment que toute structure en tant quorganisation au sens large relève dune genèse et néchappe pas à la notion de fonction ( Piaget 1968, le structuralisme, que sais-je n° 1311 p 122 ).
Ceci alors implique que si la connaissance imprime une structure ( supra ) à laction elle leffectue dune certaine façon et en vue de quelque chose , ne serait-ce déjà quelle réussisse et soit conforme à la compréhension qui la justifie.
Or une structure nous dit par ailleurs Boudon résulte dune théorie ( 1968 in à quoi sert la notion de structure ? ed gallimard, p 214 ) à savoir, remarque Bourricaud en citant Parsons, un cadre de référence ( 1977 l individualisme institutionnel, ed puf, p 9 ) qui peut donner un sens ( Weber op cit, p 28 ) à laction et donc sa justification.
Cest-à-dire y compris jusquà lui donner une autre compréhension comme le remarque Piaget à la suite de Weber en fait. Cest ce que Boudon nomme
lart de se persuader ( 1986, 1990,1992 ).
Ainsi ce nest pas le contenu final en tant que tel de laction qui change sans cesse, un meurtre reste un meurtre, mais la signification quon lui donne et la légitimation référentielle qui la justifie.
Cest-à-dire lexemplarité et lobligation selon Weber ( ibid, §5, concept de lordre légitime, p 65 ) qui peut alors rendre sinon normal ce meurtre du moins
compréhensible sil est conçu comme sacrifice et référencé comme tel.
Nuttin dans son ouvrage fondamental théorie de la motivation humaine auquel Reuchlin se refère avons-nous déjà dit ( op cit in les différences...p 11, voir ici chapitre 5 ) remarque sur la signification ( pp 49-50 ) :
(...) même pour les besoins organiques, les sensations fournissent à lindividu des informations, informations qui sont interprétées dans le contexte dautres informations arrivant de sources diverses. Ainsi, dans le cas où je sais quune impression de faim est leffet trompeur dun médicament, ou si jai fait le projet de participer à une grève de la faim, les mêmes sensations auront des effets comportementaux tout autres que dans le cas où je crois devoir manger beaucoup pour vaincre une menace de maladie. En un mot, cest la signification de la situation dans son ensemble qui entre dans la détermination dun comportement ; le stimulus du besoin éprouvé est un des éléments dinformation et sinterprète dans un contexte cognitif et motivationnel global.
Cest ce qui faisait déjà dire à Husserl au début du siècle que la perception bien quétant un acte déterminant la signification nest pas un acte contenant la signification ( 1901, recherches logiques, recherche VI, volume 3, ed puf coll épiméthée, p 34 ).
Ce qui implique quil faille selon lui diriger lattention vers lintention qui
remplit et unifie par des actes de pensées ou jugement la perception
( p 36 ).
Seulement Husserl va plus loin car en se demandant ce qui unifie ces actes il souligne quil ne sagit plus seulement de signifier mais aussi de
connaître ce qui implique que les actes de pensées deviennent également des actes de classifications ( p 39 ) :
(...) Lobjet perçu est reconnu comme encrier et, en tant que lexpression signifiante ne fait quun, dune manière patrticulièrement intime, avec lacte de classification, et que celui-ci à son tour, en tant que connaissance de lobjet perçu, ne fait quun avec lacte de perception, lexpression apparaît en quelque sorte comme étant posée sur la chose, comme si elle était son vêtement.
Et c est précisément cette possibilité destimer ainsi le sens donné à laction cest-à-dire darticuler signification et classification, ou connaissance réelle telle que, semble-t-il, Baechler et Boudon la conçoivent dans leurs travaux, cest cette nécessité destimer la mise en valeur du point de vue du développement non altéré du soi qui nous permet d intervenir dans ce débat afin de contribuer à lédification dune connaissance du sens effectif de son devoir être.