A Pascaline N

Photo de Frédéric Atlan

La fleur de Bakul

Quand Aymal vit l’étrange fleur aux doux pétales roses et bleus et au petit coeur jaune, il voulut s'en saisir malgré les balles au souffle sec, rasoirs taillaidant l'air.

La fleur était à deux mètres, peut-être trois, au flanc d'un petit talus surplombé d'immenses montagnes s'enfilant sans fin. Brusquement le claquement d'une roquette souleva une poussière âpre. Elle s'amoncela en voile qui vint envelopper la fleur.
Aymal crut y entendre un cri. Il serra très fort son fusil et resta accroupi,en face d'elle, protégé par un autre monticule. Une explosion à sa gauche le fit sursauter. Une mine. L'effroi le brûlant au plus profond lui donna soif.

Au loin le soleil rembobinait la lumière humaine pour l'autre côté de la Terre. Mais la lune lui sourit dans un hâlo paisible. Aymal profita de sa pénombre et du relatif silence pour glisser vers la fleur. Il en sortait un bruissement plaintif. Ses doigts s'étirèrent. L'influx à leurs bouts cherchait toujours plus loin. Un frisson soyeux se fit sentir. Un petit vent. Les doigts glissèrent vers la tige plus bas encore et tirèrent.

Le lendemain Aymal croisa une caméra quand il entra dans Bakul. La fleur au fusil. En guise de loi. Il se sentit léger, léger. Qui le croirait ?

La fleur le portait.

LSO