Le problème du bouclier anti-missile
En réalité les inquiets en la matière oublient toujours qu'au moment même où l'Ex-URSS n'eut plus les moyens de suivre "la course aux armements", Gorbatchev tenta de réformer, avec le succès que l'on sait...
Si la Chine veut suivre le même chemin, qui pourrait s'en plaindre, à commencer par le peuple chinois asservi par ses soi-disants libérateurs ?... Et puis il faut être naïf pour croire que les gangs tenant la Chine ou la Russie s'en prennent aujourd'hui à ce projet de bouclier anti-missile parce que la paix mondiale serait leur unique souci!
Leur propos consiste plutôt à préserver leurs moyens de faire chanter la Communauté internationale pour qu'elle continue de les arroser en crédits. Alors que ceci auraient surtout dû être utilisés en Afrique. Pour y financer déjà des projets urgents de santé...
De plus comment comparer la Chine, la Russie, à la démocratie (quasi) inexistante, avec les USA ? Quand bien même leur comportement de superpuissance peut agacer, -mais c'est là le lot historique de tout pays surpassant les autres-, et il est toujours bon d'en critiquer les excès ou les insuffisances, il n'empêche que les USA ont toujours été du côté des forces libres. Malgré leurs erreurs qui leur ont fait confondre d'authentiques mouvements de libération avec le feu communisme léniniste.
La fausse analyse d'un Tony Negri comparant par exemple ceux-ci à "l'Empire" (du film la "guerre des étoiles"?) dénote bien d'ailleurs du degré zéro atteint par la feu pensée post léniniste : incapable de comprendre pourquoi l'Est s'est effondré, elle tente vainement maintenant de subordonner les troupes fraîches de l'urbanisation et de la socialisation râtées à leur réflexion exsangue.
Il ne suffit pourtant pas de traiter Revel de paranoïaque lorsqu'il critique durement les errances idéalistes de certains aventuriers anti-mondialisation pour faire l'économie d'une analyse un peu plus objective...
Et puis il y a quelque chose d'autre.
Au nom de quoi avons-nous le droit d'empêcher un pays de se défendre ? Que je sache un bouclier n'est pas une épée, et même si une épée trouve toujours la faille, il n'est pas sûr qu'il y ait une main pour pouvoir la manier si l'épée est trop lourde (financièrement,technologiquement) à lever...
Voilà pourquoi l'Union européenne n'a pas à se mêler du débat russo-chino-américain. Mais doit cependant refuser que le bouclier américain (et dernièrement russe !) lui soit également réservée. Car l'Union doit avoir le sien en propre.
Ainsi elle rassurera les pays du Sud soucieux de voir que l'Europe reste une puissance encore trop timorée pour devenir une réelle alternative à l'attraction américaine qui, elle, se déploie comme toute autre puissance le ferait à place. Sauf peut-être l'Union.
Celle-ci en effet, expérimentée par son passé, peut sans doute mieux expliquer aux pays inquiets que l'existence à terme de son propre bouclier consiste à prévenir des dangers à venir. Ne serait-ce que le basculement du Moyen-Orient, en partant de l'Afghanistan, dans une unification anti-démocratique du style de l'Axe.
Il vaut mieux donc se protéger de certaines puissances hostiles dont personne ne sait par ailleurs si à terme elles persisteront encore sous la forme d'Etats et ne vont pas se transformer de façon irréversible en mafias multiformes agissant certes derrière des cadres encore légaux mais en fait définitivement devenus croupions comme le sont d'ors et déjà maints Etats dans le monde.
Il est alors regrettable que certains dirigeants européens, et non des moindres, étendent leur aveuglement, déjà visible pourtant lorsque l'on observe le résultat de leur politique intérieure, à leur politique extérieure : en critiquant les USA au diapason des dirigeants russes et chinois. Ce qui est pour le moins étonnant venant de dirigeants de pays démocratiques.
Or le meilleur moyen de contenir des gangs, qui ne jurent que par la force et ne plient, fascinés, transis, que devant et par elle, consiste à ne pas seulement parler de prévention.
Le fait que cela "relancerait la course aux armements" renvoie à la réfutation du début, à savoir mettrait plutôt en danger les finances des pays non démocratiques. Sauf si ceux-ci réussissent le tour de force d'arracher des crédits pour mieux s'armer contre ceux qui ne veulent pourtant que se protéger depuis que le défi commercial et culturel a remplacé le défi guerrier.
D'ailleurs contrôler le flux des crédits à de tels pays serait une autre forme de bouclier...
De même, mais c'est un autre sujet, il est vain de croire qu'il suffirait d'éliminer, en permanence, la dette des pays pauvres pour que leurs peuples puissent connaître automatiquement le développement durable et utiliser la mondialisation à leur profit. C'est ce que nous verrons dans un prochain article.
LSO.
Février 2001.