Pourquoi Arafat a "voté" Sharon ?

Il n'est peut-être pas si invraisemblable que cela de penser qu'Arafat ne voulait pas la paix. Il est en effet plus facile de se comporter en star internationale volant de capitale en capitale pour dessiner et palabrer sur des chimères que de rester modestement sur Terre à creuser des puits, construire des écoles, apporter la prospérité à la Palestine libérée. En attendant plus et mieux, peu à peu. Même Le Plus Haut n'a pas fait l'Univers en un jour.

Elie Wiesel, dans un récent article paru dans Le Monde disait également que c'était la première fois qu'il entendait les palestiniens nier la présence historique des juifs à Jérusalem. Arafat a en effet mis en doute l'existence du temple de Salomon sous l'actuelle esplanade dite des "Mosquées". Il a aussi insisté comme jamais sur la nécessité de voir revenir les trois millions d'exilés, en Israël même. On comprend alors que les juifs s'abstiennent et/ou votent massivement Sharon. Or une autre stratégie était possible.

Comme l'ont noté nombre de commentateurs, Arafat pouvait en effet d'abord se battre pour qu'Israël stoppe son protectionnisme et donc accepte une équité économique en cessant de taxer et de confiner la production palestinienne. Il fallait expliquer au monde entier qu'il n'existe pas d'Etat solide sans une économie prospère et que dans ce cas la politique économique israélienne était inadéquate avec cette perspective.

Tout indiquait que cette bataille politico-économique gagnée, les investissements étrangers allaient arriver en masse. Or Arafat, au lieu de jouer cette carte a préféré le jusqu'auboutisme guerrier méprisant la paix qu'apporte le commerce et les échanges multiformes. Sous la pression des déserteurs du communisme déliquescent passé corps et âme dans l'intégrisme blasphémateur Arafat a choisi de "khoméniser" et de "talibaniser" les palestiniens. C'est-à-dire de diriger toute leur énergie de vie vers la guerre. Non pas la guerre psychique intérieure contre la corruption permanente des solutions faciles. Mais la petite guerre extérieure entre égoïsmes qui fit que Mohamed excédé par son neveu Ali l'envoya guerroyer ailleurs, en Afrique du Nord, hélas! pour les tribus berbères divisées.

Ainsi Arafat a choisi son camp. Celui de la guerre idéologique. Commandité par tout ce qui compte en Europe et dans le monde d'haineux de la société démocratique devenue mondiale et basée sur une émancipation de ses membres malgré les volontés de puissance hostiles.

Car si l'on examine bien la situation on peut s'apercevoir que tout une frange d'idéologues occidentaux espère dans la réaction intégriste pour stopper l'évolution actuelle.

Il ne suffit donc pas de rejeter la faute sur Israël.

Certes Israël a aussi subi le joug des déçus de la modernité qui ont imposé Jérusalem au lieu de Tel Aviv comme capitale. Il aurait pourtant fallu continuer à jouer la judaïté moderne au lieu de se réfugier dans un "originel" qui ne peut pas être temporalisé contre l'Histoire. Or celle-ci spécifiait bien que Jérusalem devait rester ville sainte, certes, mais ouverte aux trois religions du Livre. Et aucune, devant l'Histoire, celle des hommes, n'a le droit d'imposer sa vision uniforme. Assez de morts au nom du Plus Haut ! Alors que jamais Celui-ci n'a levé la main sur Adam et Eve, voire Cain alors qu'ils lui avaient menti.

La dérive d'Israël s'est accentuée lorsque l'assassin de Rabin a pu continuer de porter sa kippa. Il aurait fallu un jugement religieux qui le lui interdise car non seulement c'est un comble qu'un juif tue un autre juif mais le fasse sous le couvert du Très Haut, cela devient un blasphème.

Qu'en sera-t-il maintenant ? Au dire de tout observateur sérieux jamais un dirigeant israélien n'a été aussi loin que Barak dans les concessions. Fallait-il en plus qu'il s'humilie en niant l'existence du Mont du Temple ? Ou qu'il accepte que reviennent sur le champ les trois millions d'exilés palestiniens alors que les centaines de milliers de juifs qui ont fui les pays arabes avaient tout abandonné ?

Et qu'en est-il de la première installation officielle des juifs en 1948 ? Sait-on que ce sont les féodaux arabes qui ont vendu à vil prix la terre de leurs paysans ? Que les juifs ont en fait bénéficié de rapports sociaux au sein même de la société arabe qui privilégiaient les chefs de clan ? Et que ces juifs venaient d'échapper des camps nazis ?

Il serait temps que les préposés aveugles et morbides de la cause palestinienne arrivent à admettre que les dirigeants actuels vont précisément contre les intérêts du peuple palestinien en roulant pour le compte d'idéologues anti-modernes se servant maintenant du religieux comme ultime arme fatale.

Il serait également temps pour les juifs éclairés de comprendre qu'il ne sert à rien de confiner l'économie palestinienne dans un carcan digne des réserves indiennes d'antan alors qu'il vaudrait mieux aider la société civile palestinienne à se détacher de son principal ennemi : l'intégrisme anti-moderne.

Paris le 7 février 2001.

LSO