Racismes anti-américains, anti-israéliens, anti…

(Bloc-notes)

Par Jeffrey Robert Arsham

Il y a quelque temps (cf. Le Nouvel Observateur du 3 au 9 juillet 2003) un excellent poète (oserais-je dire un « pote » ?) irakien réfugié en France depuis 27 ans, Jabbar Yassin Hussin, a longuement évoqué son récent retour au bercail :

« … Les gens sont reconnaissants envers les Américains. Ils dénoncent la France. Je me retrouve seul avec mon antiaméricanisme, mais j’accepte leurs arguments… »

Ecrivain américain installé en France depuis 27 ans, cette série de constatations appelle quelques observations :

- Jabbar a l’honnêteté d’admettre son parti pris et de se remettre, le cas échéant, en cause ; après tout, il n’a pas vraiment connu la dictature (qui privait les gens du «dire» ; aujourd’hui, ils «pourraient parler ainsi pendant des années») «de l’intérieur».

- Cet homme avoue sans renâcler son antiaméricanisme, et nul ne semble trouver à redire. Imaginons le tollé si Jeffrey Arsham avait eu l'idée saugrenue de faire état d’un sien «antiarabisme» agrémenté de méfiance à l’égard des Irakiens, voire de rejet viscéral de la fibre fanatique imputée à de très nombreux Musulmans…

- En France, il est possible de s’afficher «pro-Palestinien» sans se faire traiter de noms d’oiseaux, alors que les «pro-Américains», eux, ont mauvaise presse (comme si la cause américaine était devenue indéfendable…).

Puisque l’Amérique est le melting pot immémorial des assoiffés de liberté et des chercheurs de fortune de la quasi-totalité des races et ethnies répertoriées, l’allusion à un soi-disant « racisme anti-américain » tient de prime abord du non-sens insigne. L’ennui, c’est qu’à l’instar des racistes pourfendeurs de différentes minorités, les détracteurs systématiques de la puissance d’outre-mer – par « puissance » ils entendent tantôt les dirigeants tantôt les péquenots du pays – perdent rapidement le sens de la nuance, englobant beaucoup de monde dans leur rejet systématique et sont amenés à proférer d’énormes contre-vérités. En un mot, ils délirent.

Pendant tant d’années, je prenais leur ignorance confite avec une certaine philosophie ; après tout, faire du Goliath des temps modernes une « victime émissaire » (R. Girard) entrait dans l’ordre des choses, au même titre que la présentation des Palestiniens d’Intifada I, ces lanceurs de pierre, comme des David – de la Terre sainte ! - n’opposant que leur acharnement aux chars du soi-disant occupant israélien.

Jusqu’aux attentats plus qu’abominables du 11 septembre 2001 ! Pendant les premiers jours, mes nombreux amis français de longue date ont exprimé leurs condoléances sincèrement désolées. J’en garde un souvenir ému et suis d’autant plus désolé d’avoir à constater que suite à nos désaccords sur ce que je persiste à considérer et à présenter comme la tardive libération d’Irak – libération qui connut son point culminant le 9 avril 2003 -, certains des mêmes n’ont pas voulu rester en contact épistolaire avec un homme naguère contestataire (mais j’aime toujours Jimi Hendrix, the Doors…) dont ils estimaient qu’il s’était mué en apologiste éhonté du sinistre locataire actuel de la Maison Blanche, voire de l’amalgame infamant « Bush-Sharon ». (Du point de vue de nombreux contributeurs à divers forums de publications françaises, je ne peux être qu’un «suppôt» à la solde des «américano-sionistes»…).

En un mot, les débats ont pris une tournure passionnelle. Je peux pardonner à mes correspondants de s’être trompés ; par contre je leur tiens rigueur de la méconnaissance têtue de la personnalité et des motivations de George Bush dont ils font journellement preuve. Et tant pis si je passe pour un partisan ardent de ce dernier, alors que je me définis depuis toujours comme «démocrate américain de trois générations» (Dans certains de mes envois j’évoque l’exemple si édifiant de ma mère, de son père à elle ; là où j’habite, ma démarche gêne…).

Il y a une semaine, j’ai revu Jabbar. Suite à un nouveau séjour dans son pays natal (il est d’origine chiite), il m’a parlé d’une recrudescence de l’espoir et surtout de l’amenuisement de la peur ; sait-on que la peine capitale a été abrogée en Irak, début mai ? Quel organe de presse français en a parlé ? Par la suite, on m’a parlé de « l’hypocrisie » de Bush qui a tant fait exécuter au Texas, quitte à supprimer la peine de mort à l’étranger.

The double standard : Deux poids, deux mesures… Mais les Irakiens ? D’après Jabbar, ils sont souvent reconnaissants, ils savent gré au Président des Etats-Unis. Et il se trouve qu’ils redoutent le départ prématuré, voire précipité des forces armées américaines !

Jabbar raconte également l’anecdote suivante. Lors de sa dernière visite auprès des siens, il a été accompagné et interviewé par l’envoyé spécial d’un grand quotidien français, qui a attiré son attention sur un homme déjanté qui gesticulait. Il lui a dit qu’il s’agissait d’un fou isolé alors que la plupart des concitoyens se comportaient tout à fait normalement, et vivaient dans l’ensemble en bonne intelligence avec « l’occupant ». Or, le journaliste tenait absolument à axer son « papier » sur les viriles dérives d’un être ivre ; c’est l’une des raisons pour lesquelles un reportage, a priori passionnant, n’a pas encore vu le jour.

Il est évident que les derniers témoignages de Jabbar, qui n’a pas viré sa cuti, vont à l’encontre des idées reçues selon lesquelles l’intervention des Américains, qui ne seraient motivés que par la primauté des appétences pétrolières et la mainmise des accointances sionistes (la transformation du patronyme « Sharon » en « charogne » est une marque par trop répandue d’idiotie obtuse…), était vouée dès le début à l’échec cinglant et cuisant. Les constats qu’il dresse sont par conséquent irrecevables dans la mesure où ils peuvent difficilement être intégrés à l’ensemble de présupposés qui tiennent jusqu’à nouvel ordre le haut du pavé.

Last but not least, mon ami le poète parle de nouvelles écoles qui ouvrent leurs portes, les premières en Irak depuis … 1973. Son épouse, qui est française, a fondé une association dont le but actuel consiste à distribuer dans ce pays des fournitures scolaires collectées en France. Mes vis-à-vis français virtuels me disent que c’est de la pure propagande et que si l’éducation stagnait en Mésopotamie, c’était à cause de … l’embargo (dont le début date pourtant des années 90).

En tant qu’Américain j’ai été transformé en tête à claques, j’ai à endosser le mauvais rôle, je suis le méchant de service.

Poitiers, France, le 26 octobre 2003
Au souvenir de ma mère, Selma Klein Arsham (26 octobre 1920 – 10 avril 2003)

(A suivre...).

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