La crise sociale ou le miroir des impasses françaises

La querelle des chiffres et leurs questions concrètes, (qui ne peuvent surgir en France que dans la sourde confrontation et la souffrance), laissent transparaître au moins une chose: tout devrait être mis à plat.
Tout devrait être mis sur la table ? Tout. Des déficits comme des privilèges, qu'il s'agisse de ceux qui réussissent à ne payer aucun impôt alors qu'ils ne sont pas à plaindre, ou de ceux qui partent bien tôt et avec un pactole payé par le contribuable bien que leur situation de travail ait changée depuis la " Bête humaine"....
Mais aussi il faut parler des petits chefs qui empêchent les initiatives, des ministres qui ne discutent pas avant de faire leurs propositions, et des contrastes époustouflants qui voient cohabiter dans la même structure des acquis non négligeables et des vétustés d'un autre temps (retraite "spéciale" mais horaires mal faits, lieux de repos repoussants, manque de personnel dans certains services).

Ce sont ces manques, "locaux", plus que le reste parfois qui mine, qui tord tout le reste. Pourtant, vous donnez une autonomie d'initiative au fonctionnaire, vous emmenez ses représentants syndicaux observer ce qui se fait au Canada et en Suède, et il sera sans doute prêt à accepter des sacrifices tel que le fait de reconnaître que le service public appartient, d'abord, à la Nation. Mais si vous le laissez végéter, l'avancement se faisant de surcroît uniquement à l'ancienneté, si vous n’écoutez pas ce qu'il réclame dans son quotidien comme amélioration nécessaire, il se raccrochera aux avantages acquis, jusqu'à l'excès, alors qu'il ne suffit pas de dire que c'est acquis pour le légitimer: les nobles et le clergé, eux aussi, avaient des avantages acquis...

Tout devrait être mis sur la table ? Tout. Comme cette difficulté des administrations à être vraiment à l'écoute de leurs mandants ou cette sourde tendance à toujours vouloir réduire les citoyens à l'état d'administrés, d'assujettis, tic aristocratique qui se voit encore dans les grèves agressives, celle des transports, moyens collectifs, biens publics, et susceptibles pourtant de réduire la pollution et le stress (vive la ligne 14 ! qu'elle prolifère !), celle des enseignants qui font des autodafés de sinistre mémoire et bloquent les examens.

S'il faut remettre tout en cause, il faut dans ce cas aussi le faire pour ces solutions éternellement fausses mais qui continuent à être assénées, telle celle qui stipule qu'il faut "augmenter les cotisations" en les "adossant au PIB" et non plus aux finances publiques, (c'est-à-dire l'impôt et les cotisations sociales), ce qui veut dire que l'on tenterait d'effacer par les retraites les inégalités légitimes, dues aux différences de compétences, en s'emparant par exemple de toutes les richesses produites (ou le PIB précisément) aspirées ensuite selon les "réquisitions" (puisqu'en ajoutant les "ce n'est que 0,3% du PIB " à la fin l'addition devient salée... ).

Cela fait partie de ces rigidités quasi théologiques qui sont bien de fabrication Made in France, par exemple le fait de refuser de comprendre comment les autres pays fonctionnent, pourquoi en Suède il est possible de réduire l'impôt sur les bénéfices et d'augmenter l'impôt sur les revenus parce que la traçabilité de celui-ci permet d'éviter les gaspillages (si inutilement comptabilisés par la Cour du même nom en France) rassurant alors le contribuable sur le fait que les services publics sont, vraiment, au service du public.

Et que dire de cet autre dogme qui refuse la mixité des prises de décision tout comme la présence de capitaux privés alors que, dans le cadre juridique du cahier des charges, cette dernière ne pourrait guère "casser le service public" (qui se détruit bien assez tout seul en refusant d'analyser ses propres failles...) mais au contraire lui permettre de remplir sa mission? Qu'il s'agisse des hôpitaux, de l'enseignement, de la culture. Il leur faut des moyens ? De l'argent ? Soit ! Mais où le chercher sinon dans l'alliance public/privé sous strict cahier des charges ? Y compris dans l'enseignement où il ne serait pas incompatible de protéger par exemple l'enseignement général des langues et de permettre la création de diplômes adéquats au marché du travail. De plus avec la décentralisation cela permet d'élargir l'assiette financière comme on l'a vu avec la prise en charge de la construction et de la maintenance des établissements scolaires par les collectivités locales.

Pourquoi tant de rigidités ? De diabolisation ? C'est pourtant l'avenir national, et donc de chacun, qui est en jeu. Mais certaines bureaucraties ne veulent pas perdre le pouvoir et savent que l'arrivée de nouveaux entrants comme les collectivités locales, les entrepreneurs de l'enseignement, les mutuelles et les assurances, bouleverserait la paralysie savamment organisée, de part et d'autre, Administration et syndicats, ces deux dernières structures seraient en effet obligées de changer, de se moderniser, d'être, vraiment, au service de la Nation puisque celle-ci se protégerait des appétits démesurés par un strict cahier des charges surveillé par le Parlement.

Il en est de même pour ce refus, sacré, d'entendre parler d'épargne salariale collective nommée ailleurs "fonds de pension" alors que celle-ci, garantie par l'assurance, celle de l'actionnaire, peut être un excellent complément sur des périodes longues (au moins vingt ans).
Et l'on atteint le sommet lorsqu'il est refusé, d'une part, que chacun puisse choisir sa couverture santé via la montée en puissance des Mutuelles et des assurances, avec un minimum garanti par un Fonds spécial et un contrôle législatif des malus, et que, d'autre part, le Comité Central d'Entreprise soit associé à la stratégie d'entreprise (surtout s'il cogère l'épargne salariale), refus venant des deux côtés et obstinément soit dit en passant, certains syndicats voyant par exemple seulement dans le patronat un "interlocuteur" et non, aussi, un partenaire.

Les uns et les autres, les syndicats et les politiques, débattent, certes, de choses très concrètes et nécessaires, et il ne s'agit pas de généraliser dans un "tous pourris", mais ils ne le font pas assez, les débats devraient être télévisés, et puis les politiques n'utilisent pas assez le référendum par exemple. Tout ceci a été dit et redit mille fois. Répété sur tous les tons dans des articles et par des personnes de renom. Rien n'y fait.

Bien au contraire, lorsqu'il s'agit de se heurter au fond des questions concrètes, celles du travail, du capital, celles posées par la technique et la ville, par les moeurs et les angoisses solitaires, par les tensions entre les libertés, les égalités et les fraternités, la fuite en avant dans les excommunications à répétition semble être toujours préférée à la lente mise à plat, objective, des besoins et des contraintes, ce qui s'appelait, naguère, au temps de Rousseau, l'intérêt général. Non seulement nous en sommes loin, et c'est là une vraie régression sociale, mais nous nous en éloignons à vitesse grand V.

Jusqu'à quand ? Jusqu'à un 21 Avril bis ?

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