Petite contribution à la " Feuille de route "

Imaginons que les colonies (5% de l'étendue territoriale), même les nouvelles, ne soient pas démantelées mais qu' elles s'ouvrent, peu à peu, aux palestiniens et même payent au futur Etat de ces derniers un impôt foncier...

Imaginons que les produits agricoles palestiniens ne soient pas surtaxés, qu'un marché commun à terme s'organise, que des entreprises aux capitaux mixtes puissent voir le jour...

Imaginons que Jérusalem ne soit ni la capitale d'Israël, ni celle de la Palestine, mais que TelAviv le (re)devienne pour Israël, et Jéricho pour la Palestine...

Imaginons que Israël aide le nouveau ministre palestinien à désarmer ses extrémistes et calme les siens rêvant de façon similaire à un monde sans l'autre en croyant qu'auparavant il y avait un Age d'Or, un Eden permanent et sans conflit.

Imaginons donc que soit privilégié l'intérêt commun au-delà des égoïsmes nationaux, est-ce trop demander ? Sans doute. Tout ce qui vient d'être énoncé semble être de plus en plus au fond hors de portée sans un désir profond d'affinement de soi.

Nous en étions pas loin pourtant il y a trois ans lorsqu'il existait un aéroport international à Gaza, financé par des capitaux libanais! lorsque il aurait été possible de choisir le développement économique plutôt que la guerre, lorsqu'il était encore possible de s'en prendre, d'abord, aux extrémistes islamistes afin de placer Arafat devant ses responsabilités, telle celle, entre autres, d'assurer le monopole des armes.

Et que dire de ceux qui, en France, ont soutenu le jusqu'auboutisme en conseillant à Arafat de ne pas signer les accords finaux de camp David tant que les trois millions de "réfugiés" palestiniens (la majorité étant partie volontairement) n'étaient pas réintégrés en Israël même!

Ne serait-il pas tant de tourner la page en arrêtant de faire le jeu des extrémistes pseudo-religieux qui, de part et d'autre, -(mais plus d'une part que de l'autre : il n'y a pas eu de bombes humaines fabriquées par les extrémistes juifs)-, cherchent à mettre à bas la société moderne, celle de la liberté de penser et d'entreprendre dans le respect de soi et d'autrui ?

Parce que c'est de cela qu'il s'agit lorsque l'on met une bombe dans une discothèque : c'est, aussi, celle-ci, en tant que telle, qui est visée. Et c'est cela, cette attaque, viscérale, prétendant agir au nom de Dieu, (ce qui est blasphématoire), qui est insupportable et doit être condamnée, écartée, combattue de part et d'autre pour que cette Feuille de route puisse enfin trouver le terrain d'entente nécessaire pour une paix durable et susceptible d'ouvrir une ère, réelle, et non pas seulement imaginaire, de prospérité.

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Les racines réactionnaires de la haine anti-américaine

La vive polémique que j'ai entamée hier soir avec l'ami d'une copine m'a beaucoup appris sur l'une des raisons profondes qui justifie cette haine, à la limite du rejet viscéral : le fait que les USA aient été, à tant d'occasions, l'objet d'accusations fondées quant à leur rôle peu glorieux au Vietnam, au Chili et ailleurs, sans oublier leur soutien à diverses dictatures.

J'ai eu beau dire que ce faisceau d'accusations n'était pas suffisant pour les condamner jusqu'à la fin des temps, surtout lorsqu'ils pouvaient, aussi, soutenir des causes justes, rien n'y faisait. Tout ce que peuvent dire, faire, les USA, est condamnable à l'avance ou est automatiquement réduit à la recherche d'intérêts inavoués.

Cette opposition, tenace, inflexible, intemporelle, fonctionne un peu à la façon d'une condamnation à perpétuité, y compris lorsque le criminel a purgé sa peine. Il n'y a pas de seconde chance. Mais une double peine perpétuelle. La condamnation est de plus sans appel. La tache du crime est, une fois pour toutes, placée au front, et il n'y a pas de rémission, pas de pardon.
Je lui en ai fait part, cela n'a pas eu l'air de le toucher plus que cela.

Je lui ai alors demandé s'il n'y avait pas deux poids deux mesures: que je sache, si l'on prend tous les crimes que l'on suppose américains depuis disons 50 ans, ils ne sont tout de même pas l'équivalent des crimes staliniens et maoïstes de la même période.

Il n'y a pas eu des goulags américains dans lesquels des millions de gens pourrissaient, étaient tués avec l'exigence que la famille rembourse la balle qui a servi pour la sentence, sans oublier les trafics d'organes en ce qui concerne les prisonniers chinois.

Il existe donc bel et bien un formidable non-dit sur ces crimes de "gauche", et ce non-dit est si enfoui, si refoulé que je viens à me demander si les USA ne servent pas de défouloir et en fait de bouc-émissaire permettant d'évacuer cette incroyable omission.

Comme si l'on demandait aux USA de prouver qu'ils sont purs, beaux et braves comme l'étaient décrits les chevaliers communistes, et, comme ils ne le sont pas, et comme personne ne l'est, du moins en permanence, alors cette inexistence de pureté alimente cette irrationalité consistant à ne jamais leur pardonner quoique ce soit, parce que, justement, le travail de deuil sur les millions et les millions de morts communistes n'a jamais été fait en France alors que le PCF était membre de la direction communiste internationale et savait pertinemment qui l'on tuait et pourquoi.

Prenons un exemple récent avant de vous quitter: tout le monde a entendu parler de ce qui s'est passé dernièrement à Cuba. J'attendais deux choses: d'une part que les grands pourfendeurs du "buschisme" se réunissent pour organiser une manif vers l'ambassade castriste. D'autre part que le numéro de Mai du Monde diplomatique en parle. Rien de tout cela n'est arrivé bien entendu et, en substitut, la logorrhée anti-américaine a redoublé d'ampleur (alimentée par la gauche radicale à la Chomsky également).

Ainsi les USA restent des condamnés à perpétuité, et plus les crimes de gauche sont refoulés, plus les USA restent les parfaits bouc-émissaires.
Il en est de même au Proche-Orient : plus la misère, la gabegie se déploient en ayant pour cause l'omnipotence des dictatures militaires, plus celles-ci alimentent l'idée que les trois causes véritables sont Israël les USA, et l'Occident, car les dictatures savent se mettre au goût du jour.
J'ai donc beau eu expliquer à cet ami d'amie qu'au-delà des reproches et des critiques, nécessaires, à faire, il faut savoir, aussi, balayer devant sa porte, (j'étais assez zen dans mes réponses), rien n'y faisait. J'en ai conclu que les USA, Israël, l'Occident, représentaient le bouc-émissaire parfait pour refouler fébrilement ce que l'on ne voulait pas voir. A ce stade, lorsque cela devient si passionnel, plus aucun dialogue n'est possible.

J'ai bien peur que ce cas là soit hélas si répandu en France que l'on peut ainsi observer que des anciens gauchistes invétérés se mettent à défendre un Chirac, tout en appelant au respect de la légalité, alors qu'ils étaient les premiers à s'en prendre au supermenteur et à souligner que la loi peut être franchie lorsqu'elle ne repose pas sur une légitimité démocratique suffisante.

Aujourd'hui Supermenteur se prépare pour un troisième mandat et l'Onu, qui repose sur une Charte et non sur un Traité ratifié par des Parlements, permet toujours à des dictatures de parader et même de se faire élire à la Commission des droits de l'homme !
Mais à quoi bon aligner des arguments, puisque, de toute façon, ils seront noyés dans la boue des haines qui se déversent sans discontinuité.

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L'étoile, la croix, le verset, et la laïcité.

Détenteur d'une croix chrétienne autour du cou, bien qu'étant d'origine kabyle (tous les originaires d'Afrique du Nord ne sont pas musulmans et cela ne date pas de la colonisation...voyez St Augustin, de mère et de père berbère...), je me vois mal la retirer à l'entrée d'une école si je viens y donner ou recevoir un cours.

Si je la porte ce n'est pas, nécessairement, pour me réfugier dans une identité d'emprunt, mais parce qu'elle est, pour moi, une sorte de mémoire externe, un souvenir fort, qui me rappelle que mes racines spirituelles sont aussi religieuses, même si ces dernières ont été récemment effacées de la mémoire européenne, dans leur appelation même, par certains adeptes du rétrécissement de l'Histoire, par exemple Chirac et Jospin en France.

Il serait en fait plus judicieux de ne pas confondre les signes, discrets, d'appartenance et les signes ostentatoires. Que la croix proéminente de 20 cm de long, le voile et la kippa soient proscrits, cela peut se plaider, mais que l'étoile de David et la croix chrétienne, soient considérées comme étant aussi ostentatoire que le voile, cette proposition du député Yves Jego, membre du Haut Conseil à l'Intégration, est exagérée tant elle passe d'un extrême à l'autre.

Or le voile peut être aisément remplacé par le pendentif représentant le premier verset du Coran, l'étoile et la croix de petite dimension ne posant pas de problèmes ostentatoires.

Concédons, néanmoins, que cela reste à l'évidence guère suffisant pour signifier l'idée de laïcité qui m'est aussi chère que mon appartenance au Christ. Non pas parce que j'ai été entre 17 et 25 ans marxien tendance gaullo-luxembourgiste (blague mise à part, Rosa Luxembourg fut cependant la seule des théoriciens marxistes à ne pas considérer la liberté de penser comme un droit formel bourgeois mais un acquis imprescriptible...). Mais bien parce que la laïcité c'est l'esprit démocratique pensé dans sa forme républicaine, celle qui permet de vivre ensemble tout en se singularisant selon ses penchants et ses désirs.

Seulement celle-ci ne doit pas se manifester en basculant tout de go de la versatilité au raidissement.

Une proposition, positive, constructive, pourrait être trouvée qui ferait une pierre deux coups: d'une part signifier à chacun que le lieu d'instruction n'est pas la rue, qu'il existe bien une distinction à faire entre le dehors et le dedans; d'autre part signifier qu'il existe une égalité de droit entre tous les élèves et que ceux-ci ne doivent pas afficher plus qu'il ne faut leur appartenance sociale, idéologique, et religieuse. Quelle proposition serait susceptible d'avoir autant de fonctionnalité ?

J'ai pensé un moment au retour vers une une espèce de vêtement, une blouse, une chemise, qui soulignerait, voire renforcerait le sentiment d'appartenance, chaque établissement aurait ses motifs, chacune et chacun se le procurerait pour qu'il soit à sa taille...

Les consultations autour de moi, ont été négatives, Mai 68 a eu raison de la blouse 3ème République, et l'argument fort qui m'a fait changer d'avis consiste à faire remarquer que l'élève, l'étudiant, va tous les jours s'instruire, qu'il s'expose à la vue d'autrui, qu'il a besoin de se sentir à l'aise dans une identité qui ne le terrasse pas, ne le dépouille pas de sa singularité, mais l'accompagne dans son développement personnel.

Il m'a été également rétorqué que porter la laïcité c'est précisément rester discret sur ses accointances privées, puisqu'elle se porte à l'intérieur de soi, dans l'esprit, et, si elle est forte, elle n'a pas besoin de se redoubler dans un signe distinctif pour le rappeler.

Ces deux arguments sont décisifs et je les partage en fin de compte, mais doivent-ils pour autant aller jusqu'à prohiber tout signe d'appartenance sous le seul prétexte que la laïcité ne doit pas en avoir besoin pour s'exprimer ? Je n'en suis pas si sûr parce que nous ne raisonnons pas sur le même plan: la laïcité est la condition nécessaire pour tous, mais est-elle suffisante ? Non parce qu'il ne s'agit en fin de compte que d'une sorte de Code de la route qui n'apprend pas en même temps comment conduire, tenir un volant, changer de vitesse. L'instruction doit remplir ce rôle. En particulier une instruction civique renforcée qui expliquerait bien plus qu'aujourd'hui ce qu'est l'esprit laïque. S'agit-il pour autant d'effacer ce que nous sommes avant d'entrer à l'école, surtout lorsque notre sensibilité diffère de celle d'autrui et nécessite des réconforts concrets?

Si l'affirmation de soi se fait de façon provocante, il est clair qu'il faut au moins suspendre celle-ci à l'entrée de l'école. Par contre lorsque cela reste discret, comme peut l'être un pendentif, le vivre ensemble ne doit pas être ablatif.

La laïcité, si l'on veut que cela marche, ne peut pas en effet être vécue comme une contrainte, un garde fou, mais une limite qui permet, tel un trait dessiné, qu'un visage, celui de la démocratie républicaine, puisse surgir pour le bien de toutes et de tous.

Marianne n'est pas une geôlière mais une proue, celle de l'espérance en la nécessité d'un être ensemble permettant, par son existence limpide, de s'affranchir des flots tumultueux internes et externes sans cesse à l'affût pour nous arracher l'être raisonné, cette flamme de l'universel qui nous évite de rester avec nos seuls tourments en nous permettant de sortir de nous-mêmes pour les observer plus objectivement, dans l'absolu, en, et au-delà du religieux, invitant ainsi les athées et les agnostiques à la Grande Interrogation.

Telle serait aussi la fonction, émancipatrice, de la laïcité qui permet de choisir son mode d'appartenance symbolique, plutôt que de se le voir imposer ou effacer.

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