Grève enseignante vue de l'intérieur

Une amie enseignante au collège, gréviste, m'a avoué qu'elle ne comprenait plus grand chose à ce qui se passait parce qu'elle n'arrivait pas à savoir " où était la vérité", qu'en fait tout l'incitait à voir tout noir ou tout blanc, elle était donc obligée de simplifier les choses et de bien plus s'arcbouter sur ses doutes que sur ses convictions pour être en paix avec sa conscience (professionnelle).

Par exemple elle voit bien que dans son collège l'aide éducatrice recrutée en emploi jeune ne fait rien, alors que dans un autre établissement les personnes préposées à cette tâche font des prouesses. Pourquoi ne serait-il pas possible d'en changer ou de proposer une formation en la matière à l'aide éducatrice ? La question est hors sujet : le projet gouvernemental n'en parle pas, il n'en est pas question pour les syndicats. Un autre exemple: sa conseillère en orientation ne fait pas grand chose, elle se contente de donner des brochures, et ses horaires sont mystérieux. L'amie en question est donc obligée, comme prof principale, de se renseigner elle-même pour informer les élèves. Conclusion, elle ne verrait pas d'un mauvais oeil le fait que la région, le département, puissent s'en occuper, déjà en formant les conseillers d'orientation....

Elle m'a dit aussi que la grève se joue " à l'affectif", qu'elle se sent plus d'affinités avec ceux qui font grève parce que ce sont les seuls qui "bougent" pour le collège, font des choses, proposent, ont encore des idéaux, tandis que les non grévistes sont grincheux, vieux, antipathiques. Elle déplore cependant l'action de certains militants syndicaux, (elle n'est pas syndiquée, comme beaucoup de jeunes profs), par exemple une sorte "d'adjudante-chef" qui a interrompu le cours d'une non gréviste (jeune et gentille, l'exception, me dit mon amie en souriant), et l'a sommée, devant ses élèves, de se mettre en grève parce qu'il s'agissait de "l'avenir des enfants", la classe a bien entendu hué cette jeune prof non gréviste.

Si j'ai bien compris les propos de cette amie, elle est ballottée entre ce qu'elle entend le soir en rentrant chez elle et ce que lui disent les syndicats le matin, lui parlant par exemple de la décentralisation du personnel non enseignant comme "première étape" avant de "privatiser" et donc "éliminer les cours non rentables", "avoir un droit de regard sur le recrutement des profs, selon le bon vouloir de la couleur politique dominant à ce moment là la région" etc.

Je lui ai demandé s'il n'y avait pas moyen, grâce à une future autonomie accrue de l'établissement, y compris donc vis-à-vis de la région, que celui-ci puisse se préserver des pressions en gagnant lui-même de l'argent, du moins en plus des dotations nationales et régionales, par exemple en faisant en sorte que certaines formations pointues nécessaires pour les entreprises, certains BTS et BEP, puissent être effectuées en collaboration avec celles-ci, ce qui permettrait une pierre deux coups : d'une part former à l'emploi des jeunes de moins de 16 ans qui ne veulent plus suivre seulement des cours généraux, d'autre part gagner ainsi un argent qui servirait à améliorer l'enseignement des cours généralistes, tout en apportant un bonus à certains profs désireux d'aider des élèves en difficulté par des cours particuliers gratuits.

Elle m'a répondu que si elle proposait ce genre de choses elle se ferait immédiatement taxée de "néolibérale", partisante de la "casse du service public". Car il ne s'agit pas de remettre en cause la loi immuable stipulant d'une part que le Conseil d'Administration ne fait que gérer l'argent octroyé par les instances du Ministère et du département, et que d'autre part les profs voient progresser leur statut par l'ancienneté et non grâce au mérite. Or, m'a dit également cette amie, tout le monde sait que certains profs ne sont pas à leur place ou qu'ils ne sont pas bons, que le Conseil d'Administration devrait donc être à même de faire une évaluation, aidée par une instance extérieure pour en garantir l'objectivité.

Imaginons également, ai-je alors persisté, que dans ton collège, des cours du soir à distance, via internet ou la télé spécialisée, cablée ou hertzienne, puisse être diffusés, cela ferait également une pierre deux coups : de l'argent supplémentaire entrerait, et les citoyens qui le désirent pourraient améliorer leur français, leur anglais, mais aussi faire de la philo, de l'éco, de l'histoire, du latin, du grec...parce que c'est plus facile de chez soi. La formation continue, la région, par le biais de la taxe professionnelle, pourraient également dans ce cas financer la procédure.

Imaginons enfin que des concours inter-lycées, intervilles européennes, mondiales, puissent inciter certains élèves à mieux travailler, via par exemple la rénovation des concours généraux, un jury composé de stars du moment récompensant les heureux gagnants.

Cette amie prof est restée sans voix, puis elle m'a souri, voyant en moi un doux rêveur. Son sourire était très agréable.

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