Le pétrole et la guerre

Le gouvernement français prétend justifier sa position «pacifiste» en partant du principe que le gouvernement américain veut à tout prix partir en guerre pour une vulgaire histoire de pétrole, décrédibilisant ainsi le prétexte de guerre préventive. Pourtant, la position officielle française s’explique précisément par de puissants intérêts commerciaux que l’Etat français a noué depuis un certain nombre d’années avec le régime de Bagdad.

Mais, si l’on l’introduit l’économie dans le débat, alors parlons-en sérieusement. Il est beaucoup moins cher d’acheter le pétrole aux irakiens que de vouloir le prendre par la force si l’on prend en considération le coût des forces armées envoyées à des milliers de kilomètres des U.S.A., ce qui retire toute légitimité à la fameuse « explication économique » de la guerre.

Les faits ont toujours démenti la pseudo théorie des retombées économiques de la guerre ou de la colonisation qui n’est qu’un avatar de la théorie marxiste de l’histoire. Même si elle a nécessairement des conséquences économiques – qui sont plutôt dommageables puisque l’on détourne des ressources en hommes et en capital dans un objectif de destruction -, la guerre est avant tout et toujours politique, idéologique ou religieuse.

Elle se fait pas, au nom de ressources que l’on peut toujours échanger, mais au nom de valeurs philosophiques ou religieuses qui font, elles, difficilement l’objet d’un échange.

Les pays producteurs de pétrole sont donc condamnés à vendre leur pétrole sur les marchés mondiaux pour en tirer des recettes (en dollars) et le pétrole n’a de valeur que tant qu’il y aura des acheteurs, qui sont précisément les pays industrialisés. Ce sont les pays producteurs qui sont donc dépendants des pays consommateurs et non l’inverse. Même les tentatives de cartellisation au profit des producteurs ont toujours échoué, se brisant sur la réalité de lois économiques que personne ne peut anéantir ni contrôler.

Au passage, rappelons que le pétrole n’est, à l’état naturel, qu’un déchet fossile qui n’aurait aucune valeur marchande si un innovateur n’avait pas mis au point, quelque part en Europe, le principe du moteur à explosion. A la suite de cette innovation, les pays détenteurs - et non producteurs - de pétrole se sont trouvés, du jour au lendemain, immensément riches sans qu’ils ne soient aucunement responsables de ce fait.

Ils bénéficient donc d’une rente pétrolière qui est loin d’être le signe ni le moteur de la croissance économique laquelle résulte toujours d’un effort d’investissement et non de l’exploitation d’une rente. Le jour viendra où l’on pourra produire de l’énergie à partir d’autres sources que le pétrole, et les pays consommateurs d’énergies achèteront moins de pétrole. Alors ce dernier finira par connaître le sort du charbon.

Ainsi, la meilleure façon pour se procurer des ressources que l’on n’a pas soi-même, c’est d’innover et d’encourager les échanges et non de faire la guerre.

La perspective de guerre en Irak est à la fois très impopulaire auprès de l’opinion publique et très coûteuse pour l’économie, ce qui se traduit par un reflux important des marchés financiers.

C’est donc une grande erreur de considérer que M. Bush cherche, dans cette affaire, à gagner des voix à l’approche des élections américaines ou à relancer l’économie, alors que le marasme économique provient précisément de l’incertitude que la menace de guerre fait planer sur le monde.

Si M. Bush s’en tenait à des considérations bassement électorales et commerciales, il n’aurait aucun intérêt à déclencher les hostilités. Autrement dit, soit M. Bush est fou ; soit il voit beaucoup plus loin. Sauf à penser que la plupart des pays dans le monde se laisserait manipuler par un fou, il faut alors reconnaître que les motivations du gouvernement américain relèvent des missions essentielles qui sont attribuées à un Etat fort et responsable dont on n’attend qu’il garantisse la paix et la sécurité à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières.

Certes, les préoccupations économiques ne sont jamais absentes mais elles sont considérées ici dans le meilleur sens du terme, c’est-à-dire dans le sens où une économie ne saurait se développer dans un contexte d’insécurité et de guerre comme l’a tragiquement illustrée l’histoire de l’Europe dans son XX° siècle. Les fameuses « trente glorieuses » n’ont pu se produire qu’après la pacification de l’Europe et la création d’un espace de libre échange.

De même, à l’intérieur de notre pays lui-même, l’économie n’a aucune chance de prospérer au sein de quartier de non-droit où la police n’ose même plus s’aventurer et dans lesquels l’autorité publique est tous les jours bafouée.

L’Etat n’a pas à défendre des intérêts commerciaux particuliers, comme se compromet à le faire l’Etat français à l’abri d’une opinion publique mondiale «pacifiste» qui arrange bien nos «affaires». Sa responsabilité est de défendre les conditions de sécurité et de liberté qui sont seules propices à l’épanouissement de l’économie (et qui font précisément la force de l’économie américaine bien plus que toutes les politiques de relance artificielles ou de protectionnisme).

Le terrorisme international s’attaque précisément aux valeurs humaines fondamentales qui ont permis l’épanouissement économique et social de l’Europe puis de l’Amérique ; et ce sont ces valeurs qu’il nous faut préserver à tout prix.

Le gouvernement américain assume donc toutes ses responsabilités dans cette affaire au risque d’en faire pâtir à court-terme l’économie et sa propre image de marque – mais qui doivent toujours passer au second plan dans les périodes de crise majeure - tandis que la France ménage un dictateur (un de plus) au risque de perdre toute autorité morale et politique dans l’avenir.

Jean-Louis Caccomo
Perpignan, le vendredi 14 février 2003