Diplomatie française : la politique du pire

Le Président Chirac a lancé un avertissement sévère aux pays de l’Europe de l’Est en leur reprochant leur « alignement sur la politique américaine ». Pourtant, nos dirigeants feraient bien de ne pas trop être grisés par la drogue des sondages, qui sont souvent l’instrument artificiel d’une opinion publique pré-fabriquée qui se fracasse bien facilement face à la dure épreuve des faits.

Il y a, en effet, un comble à voir la France et l’Allemagne, les deux pays de l’Europe de l’Ouest qui ne sont plus en état de respecter les fameux critères de Maastricht qu’ils imposent aux autres tellement ils se trouvent écrasés par des décennies de socialisme larvé et de collectivisation rampante de leur économie (qui ont finit par briser les ressorts internes de leur propre croissance), faire la leçon aux anciens pays communistes.

Les pays de l’Europe de l’Est savent ce qu’il en coûte de croire aux chimères interventionnistes. Ils sont, en effet, plus réceptifs aux actes américains qu’aux discours technocratique de la France. Car ces pays, ruinés et disloqués par l’expérience criminelle de l’économie administrée à grande échelle, se sont libérés par eux-mêmes, sans pouvoir compter sur les européens de l’ouest dont la plupart des intellectuels et dirigeants approuvaient et cautionnaient l’expérience soviétique qui était présentée, à l’époque, comme un modèle face à « l’enfer capitaliste ».

Mais beaucoup ont la mémoire courte. Ils imposent un devoir de mémoire quand cela arrange leur propagande mais nous invitent à ne pas remuer éternellement le passé quand celui-ci dérange l’idéologie.

Par contraste, les U.S.A. ont contribué à accélérer l’effondrement du régime soviétique et ils ont massivement investi dans le processus de transition alors que la France est dramatiquement timide, brillant par son absence aux dernières festivités de commémoration de l’effondrement du mur de Berlin.

Il faudrait donc faire preuve de plus de modestie lorsqu’on s’aventure à donner des leçons à des pays qui ont souffert du totalitarisme (dans leur chair et dans leur économie) alors même que la France se distingue à cautionner partout et toujours de dangereux dictateurs. En Afrique, le gouvernement français choisit systématiquement de défendre les régimes que les peuples rejettent (Madagascar, Côte d’Ivoire) et où la France est en train de perdre toute autorité morale.

Et lorsque la position des dictateurs devient intenable, ceux-ci trouvent asile confortable et doré en France. Notre pays est en train de perdre toute autorité morale et politique en Europe et en Afrique où la France prétend jouer pourtant un rôle historique de premier plan à force de systématiquement rater les rendez-vous de l’histoire.

En politique étrangère comme en politique économique, la politique des sondages est la politique du pire. Dans l’affaire irakienne où la propagande française a montré la capacité de l’ensemble de nos médias à perdre tout sens critique par rapport au pouvoir politique, les journalistes se faisant les ambassadeurs dociles du gouvernement, l’Etat français en se cachant derrière une position présentée comme «pacifiste» défend en fait des intérêts commerciaux qui le lie avec le régime de Bagdad.

La sagesse aurait commander de ne pas faire commerce avec le diable de la même manière que l’on impose certains préalables à des pays qui sont candidats à l’adhésion dans l’O.M.C. Toutes nos «Pravda» nationales présentent Bush comme un dangereux va-t-en guerre motivé par des considérations économiques et alors qu’il ne saurait être question pour la France vertueuse de « faire la guerre pour le pétrole ».

Pas un média pour souligner que dans cette guerre, le gouvernement américain a plus à perdre sur le plan électoral et économique alors que la position française est bien moins désintéressée qu’il n’y paraît.

La thèse marxiste, qui réduit l’histoire des hommes à de vulgaires considérations économiques (le fameux matérialisme historique), imprègne tellement l’esprit de nos faiseurs d’opinion qu’ils sont pour la plupart aveugles aux enjeux bien plus grands qui se jouent dans la crise actuelle. Car, le prix du pétrole et le pétrole lui-même se négocieront toujours sur des marchés pas la liberté.

Les pays de l’Europe de l’Est se sont débarrassés tout seul du totalitarisme rouge et ont donc toute la légitimité pour entrer non seulement dans l’O.M.C mais aussi dans l’Europe. L’Etat français, qui coule sous les dettes et les déficits et n’est plus en mesure de piloter son propre budget, ne peut pas s’imposer comme un pilote crédible de l’Europe à moins de vouloir faire de toute l’Europe un enfer socialiste.

Mais, je doute que c’est dans cette Europe que veulent s’épanouir non seulement les pays de l’Europe de l’Est mais aussi l’Espagne, l’Italie, l’Irlande, le Royaume-Uni. La popularité apparente du président Chirac n’est qu’une maigre consolation si elle conduit à ne pas voir le piège dans lequel la France est en train de s’enfermer.

JL Caccomo, le mardi 18 février 2003