Le château dans le ciel

Ce château est à multiples entrées. Dans un premier temps il enveloppe d'espoir le spectateur soucieux de rêver à une réconciliation entre la technique et la vie, le ciel et les hommes. Le feu mystérieux des origines enfin découvert dans l'avenir pour forger le présent.

Mais l'apparence est trop dense d'autre chose.

Ou plutôt un secret hante les fleurs et se faufile dans les circuits sans fils des machines sans fin.

Sous la face cachée de ce qui pourrait n'être seulement qu'un conte sur le côté obscur de la force, se cache l'espoir perdu d'un Japon impérial qui aurait été capable de concilier les valeurs éprouvées de l'honneur d'être et l'implacable férocité de la volonté de puissance. Du moins s'il n'avait pas suivi la vélocité vorace de gouvernants dévorés d'avidité.

Seuls les villageois et les pirates semblent préserver ce code de l'honneur perdu, noyé.

Un espoir demeure: la réconciliation entre l'homme la nature et une technique non guerrière qui permettrait de voguer, léger, comme âme du monde.

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Gangs of New York

L'étonnant se drape d'Histoire déversant férocement , dégorgeant, d'Irlandais affamés, perdus, grains de vie ballotés entre les morts, tout ne tient qu'à un fil

suspendu entre les souffles pressés de la foule aux aguets. La vie ne tient qu'à un fil tissé de gouttes de temps celui du clan portant le masque retraçant les encoignures et les entailles de ce qu'il faut faire pour être en lui, et y dompter sa peur.

Que la guerre de sécession éclate entre-temps n'est qu'une scène de plus, même si elle est plus forte et semble rendre désuète toute autre violence. Mais cela reste trompeur. Car il y a bien plus de sens pour l'immigré fraîchement débarqué à mourir sous les couleurs d'un gang, que par une balle sudiste le cueillant anonymement au fond d'une tranchée déjà labourée de sang.

La texture du film est rauque, autant que le froissement âpre des tissus et des regards s'arrachant des bouts de pause aux confins des solitudes humides et de l'humour froid s'aiguisant à la lueur des plaisirs et de leurs cauchemars.

Martin Scorcese en retrace bien les affres aux contorsions sournoises, lorsque le travesti n'a pas besoin de se dire tel pour l'être au détour des différences qui s'affichent par myriades entre l'opium et l'amour tarifé et débonnaire scandés de paris sanguinaires.

C'est la lutte sauvage des damnés s'enfuyant d'une Europe ravagée. Les Amérindiens, dans ce contexte, n'y sont pour rien, mais payent pour les autres.

Ne pas comprendre cela, reprocher aux "Américains" la mort des "autochtones", le "racisme", la "mafia", c'est continuer à s'enfouir, toujours et encore, dans le faux raisonnement de "la" cause unique, celle d'un "système" broyeur d'humanité, sans se douter que celui-ci amplifie celle-là tel un miroir grossissant. Ou le dilemme de l'oeuf et de la poule: qui a pondu qui ?

Scorcese signe là une oeuvre majeure, bien supérieure à son Christ qu'il avait un peu trop confiné dans les affres humains trop humains des passions alors que le Message, celui de la Bonne Nouvelle, reste tout de même ailleurs et au-delà de Marie Madeleine. Mais ceci est une autre histoire...

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