Respiro, comme son nom l'indique, insuffle à longue haleine de la pulpe de vie dans une sensualité à fleur de peau, au sens également littéral, puisque le metteur en scène prend un malin plaisir à filmer les corps, ceux de toute une famille, dès l'aurore, jusqu'à la pénombre des émois et de leurs inquiétudes.
Le spectateur inquiet (que je suis parfois) s'est cependant un instant étonné de l'insistance opérée autour du déséquilibre supposé épileptique de l'héroïne car il semble être la cause même de sa personnalité si attirante, débordante de curiosité et de bonheur croquant la vie dans chaque orange gorgée de secondes ou l'inverse.
Mais heureusement l'on s'aperçoit vite que ses yeux
son rire son amour pour ses enfants son mari et ses chiennes débordent d'une tendresse qui ne peut être produite par l'épilepsie. Celle-ci en serait seulement le défaut et non la pierre angulaire comme une lecture rapide pouvait le laisser croire.
Certes le village met sous pression sa hardiesse de vivre, il est prêt à y voir l'action du mal comme si l'excès de sensualité et la furieuse envie d'en rire dérangeaient fortement la lancinante coulée quotidienne des choses.
La scène finale résoud le conflit entre l'individualité et le groupe par l'osmose du bain primordial dans le liquide natal, l'océan, source et origine de cet autre personnifié par l'aura de cette femme qui renaît de rien et devient l'icône dans laquelle le village respire désormais.
Terra incognita, c'est tout le contraire.
C'est l'histoire d'un souffle supposé destroy, mais bien mal vécu, celui du post existentialisme errant et punkisé surnageant des quartiers huppés occidentaux et exporté en Orient, ne sachant pas quoi faire de ses dix doigts le matin à 16 heures au fond de la couette avant d'aller dîner en ville sous rails de coke,et avant la party, croyant ainsi savoir, et définitivement, ce qu'il en est de l'amour de la vie de la ville à l'ère du sida du viagra de el kaida et des désirs sans faim.
C'est cet habituel ronronnement de la désespérance d'un spleen en kit qui, brusquement, prétend comprendre l'effroyable destin d'une ville millénaire, Beyrouth, laminée par l'ignorance et la haine de ceux qui envient tout, mélangent tout, ratent tout parce que vivre la ville c'est aussi réussir à fusionner en elle, dans son esprit, et pas seulement lui reprocher tout et déjà les affres de son petit moi effrayé par la mue perpétuelle.
Dans ce film si gauche, que l'on croirait voir un documentaire de fin de stage d'un mauvais étudiant de la Femis, les acteurs se traînent dans leur propre nuit, surfant d'errance en erreur, prenant une crise de foie pour un appel mystique, implorant au fond que cela cesse en se transformant en lapidaire intégriste. La baffe monumentale que prend l'héroïne en désigne le tracé déjà immédiat.
Le seul bémol peut-être consiste en cette tentative désespérée de ne pas (encore) succomber dans la justification du talibanisme généralisé, supprimant jusqu'à la musique, en faisant chanter l'héroïne; c'est la seule concession de ce film dont ce creux salvateur explique malgré lui comment toute une génération élevée pourtant au biberon de la liberté occidentale n'en a retenu que le vent mauvais tout en dilapidant son nectar universel dans le nihilisme pour arrêter de souffrir alors qu'il suffirait de tourner la page du postmodernisme et de prendre dans les années 60 ce qu'il y a de meilleur au lieu de seulement ressasser les vieux poncifs néantisants, marchepieds pour monter, illuminé et transi de fatigue symbolique, vers l'abandon qu'offre les bras, morbides, du nouveau totalitarisme.