Les grillons du métro


Quand on s’aperçut pour la première fois de leur présence dans les souterrains du métro parisien, on ne leur accorda aucune importance. Leur prolifération fut néanmoins si rapide que la municipalité lança un programme pour les détruire jusqu’à ce que quelques scientifiques, qui s’étaient penchés sur son cas pour étudier les moeurs de cette nouvelle espèce, déclarèrent que le grillon du métro parisien était d’une importance majeure dans l’écosystème des galeries. Ils démontrèrent en effet que le grillon, en se nourrissant de tous les déchets qui jonchent les voies et les tunnels, était devenu une sorte “d’éboueur écologique” dont il serait dommage de se passer.

Plus tard, forts des résultats des études scientifiques, d’autres formèrent des associations pour protéger le grillon.

A peine plus gros que son cousin des campagnes, le grillon du métro n’a d’autre particularité apparente que d’être aveugle. On a constaté néanmoins qu’il avait une propension à une reproduction très rapide et qu’il ne chantait pas. Ce silence est du à la voracité sans commune mesure de ces grillons qui tout de suite après leur naissance, s’entre-dévorent les ailes dont ils se servent habituellement pour produire le chant qui les caractérise.

Dans les années 80, la direction du métro parisien chercha à tirer parti de cette terrible voracité en favorisant la reproduction des grillons pour en faire le principal nettoyeur des voies.
Plus tard, à l’aube des années 90, commencèrent de courir des bruits qui faisaient allusion à une commande de la RAPT aux chercheurs du CNRS qui étudient les moeurs du grillon. Il s’agissait, disait-on, d’un projet qui favoriserait l’émergence d’une espèce de grillon créée en laboratoire, avec les mêmes caractéristiques que celle qui fut découverte à l’origine dans les tunnels du métro, mais plus grosse et plus vorace. Une espèce qui ne serait lâchée qu’à la période des fêtes de fin d’année.

En un mot, d’une espèce capable de dévorer les suicidés du métro.

Vincent Puente.