Le périple de Paul se suit selon les dates d'envoi situées toujours en début de texte.

Montréal le 20 septembre 2001 17h45

Après Montréal, Québec, l'île verte et New York, après
2500 km, 30 heures de voiture et d'autobus, après
quelques anecdotes et galères, après 7 semaines au
total je pars demain pour Banff, 54 heures et 4200 km
de bus consécutifs, passage de 6 à 9 heures de
décalage horaire avec la France...

Je suis toujours incapable de définir le stéréotype
québécois, j'ai dépassé celui du bûcheron qui boit de
la bière, qui conduit des grosses voitures et qui a un
accent de la mort...je ne sais pas...

J'ai l'impression que le Québec, Montréal en
particulier, a une position culturelle assez
particulière et quelque peu paradoxale : à la
frontière des E.U, anglophone et francophone,
multi-ethniques, attaché a la France, très peu
d'histoire, à la recherche d'une identité propre...

Révolté, lent, apeuré, fier, cultivé, simple, sans
prétention, susceptible, délicat, égalitaire,
féministe, gaie, généreux, lent (une deuxième fois)...
Bref...

Par contre ce que je sais c'est que la France
fait l'unanimité autant au Canada qu'aux États Unis :
culture, Paris, vins, bonne bouffe... mais les
Français passent, en partie, je dis bien en partie,
pour des personnes hautaines et prétentieuses, qui ont
tout vu, tout fait, qui ont une grande bouche...sans
parler des parisiens qui sont plutôt mal aimés, j'ai
tout fait pour démentir cette réputation, je vous
rassure...

Nous sommes victimes d'une injustice nous
gentils et beaux parisiens...

J'ai rencontré des personnes super intéressantes,
arrangeantes et généreuses, ce séjour au Québec a été
particulier et bien sympa.

Après quelques galères assez incroyables et ma
première grosse enculade de 40 dollars par la
compagnie Haïtienne de bus, de raison sociale "Les
autobus Canus"(pour de vrai), je suis allé 5 jours à New
York où j'ai retrouvé Céline, ma soeur, qui en a
profité pour faire le séjour avec moi, super cool...

Nous avons dormi dans une auberge de jeunesse plus que
rustique dans Harlem, le quartier où il faut éviter de
se balader tard la nuit et où il faut éviter de crier
que les noirs ont des petites bites...

Cette auberge nous a permis de rencontrer de véritables routards,
des personnages bien captivants et souvent folklos,
une expérience bien forte et bien marquante.

New York est une ville de oufs, vous marchez toute la journée
la tête en l'air, vous hallucinez sur un truc à chaque
coin de rue...vous êtes dans la ville de la démesure
et du toujours plus vite, toujours plus haut, toujours
plus fort...

On a vu pas mal de choses et on a eu pas mal de
contacts avec les new-yorkais qui sont des personnes
plutôt sympathiques et avenantes, contrairement à ce
qu'on pourrait penser...un super séjour.

Voilà, je vais diviser mon sac en deux, car comme je vous le
présentais, je suis bp trop chargé, le faux voyageur de
base, je sens que la traversée du canada en bus va
être un peu casse couilles, mais bon.

Pour répondre à la question, ma démarche virile, mon
regard déstabilisant, ma corpulence d'étalon et mon
torse velu n'ont pas encore séduit de jolies
canadiennes, mais il est vrai que les québécoises ne
sont pas des plus féminines et puis il y a tjs et
encore cet accent...

J'avoue que les françaises sont à un niveau supérieur, mais bon ne prenez pas ça pour
acquis...

Je pense bien à vous, je me demande :
si vous avez trouvé une moitié qui masse les orteils
et qui lèche les lobes et les tétons à vote guise,
si vous êtes tjs avec le ou la même chéri(e),
si vous avez enfin quitté votre chéri(e) qui était
vraiment pas drôle,
si vous allez bientôt vous fiancer ou marier,
si vous allez devenir papa ou maman,
si vous avez trouver du boulot,
si votre stage ou boulot se passe bien,
si vos études se passent bien,
si vous avez déménagé,
si vous avez trouvé votre voie,
si vous êtes toujours aussi craquante,
si vos crises d'acné sont enfin terminées,
si vous avez enfin changé de coupe de cheveux,
si vos problèmes de champignons ont cessé,
si vous trouvez que la vie est belle...

à bientôt

petit caribou


Banff le 04 decembre 2001 13h50

(
Banff se trouve ds les rocheuses canadiennes proche de
Calgary )

De la neige en veux-tu, de la neige en voilà.
Je pouvais difficilement faire plus dans le
changement de paysage,je passe des quartiers parsemés
d'immenses buildings de New York, à un décor
montagneux où l'attraction s'est retirée des taxis jaunes
pour aller vers
les montagnes, la neige et la présence de divers
animaux sauvages comme le Wapitis (famille du caribou
ou peut-être de l'original, un genre de cerf quoi).

Après deux jours de recherche intensive et un peu de
chance j"ai reussi à trouver un job, je pense que vous
allez rire bande de salopiots : et oui je suis "custodial"
au Banff centre.

Un énorme complexe qui accueille des conférences et divers séminaires.

Je fais pour être plus clair du ménage : je suis la personne qui nettoie
la cuisine et certains espaces aux alentours comme la
cantine, les halls de reception, les salles du
personnel et bien sûr les chiottes, yes, j'apprends à
manipuler balai, serpillière, savon, chiffon,
aspirateur..trop fort j'adore.

Après la boue et le froid, voici venir la graisse et les sales odeurs de bouffe
vomitives.

Je travaille de nuit de 20h a 5h30, ça aussi c'est
décadant.

Par contre ce qui est cool c'est que je fais
mon tps plein en quatre nuits. J'ai donc trois jours
de congés pour aller faire du surf et ça c'est trop
fun mega cool super wiiizzz, sa mère, si je peux me
permettre l'expression.

Le mec avec qui je bosse est le genre qui
pourrait tout à fait jouer dans la série « Marie, deux
enfants » : la caricature du black americain qui me
parle comme si j'étais bilingue et qui alimente toutes
ses phrases par des "fuck", des "dick" ou des "shit", qui
mange comme un porc, qui rote et qui pue, une grosse
blague.

Durant la saison d'hiver il y a un énorme phénomène
de migration vers Banff de la part des jeunes
canadiens : tout le monde vient checher du boulot ici,
c'est hallucinant. C'est pourquoi, c'est bête à dire,
je suis plutôt chanceux d'avoir trouvé mon taff de
Custo...

Je loge dans le "staff accomodation", une petite
chambre que je partage avec un mec qui ne parle pas un
mot de francais et qui a 18 ans, un peu jeunot mais
assez sympathique.

Je savais depuis longtemps, sans que cela me dérange
ds mon quotidien, que j'étais tres mauvais en anglais,
mais je me rends compte, à chaque instant de la
journée, que je suis une merde en anglais.

Malgré le grand nombre de québecois sur le centre, les
communications ne sont pas toujours évidentes et très
claires. Je prends ainsi des cours d'anglais gratuits à
la Library de Banff, deux heures par semaine, avec une
fille qui ne parle pas un mot de francais.

J'ai le statut de l'immigrant qui débarque dans un pays totalement
inconnu ; intéressant comme position. Je me rends
compte que la communication est l'outil de base, voire
le plus important pour se faire une « place sociale »
convenable, si cela veut dire quelque chose.

Prenons un exemple; celui de Bob.

Bob est un jeune homme Polonais qui parle très peu anglais voire pas du
tout, qui ne connaît personne sur Banff et qui est
très timide, qui recherche du travail, une copine si
possible, en plus de ça, Bob est très moche ; Bob
ressemble un peu à Shreck, pour couronner l'ensemble.
Bob a un gros cheveux sur la langue et il ne lui reste
plus que deux doigts à sa main droite (du à un
accident bête, ds la portière d'une voiture).

Je vous garantis que Bob est dans la merde et que ça
ne va pas être simple pour lui. Moi je suis un peu dans
la même situation de petit étranger que Bob, sauf que
j'ai mon physique de maître nageur qui me sauve, que
je réussis tout de même à me faire comprendre grâce à
quelques notions et grâce au superlivre de Mathurin « Pratique de l"anglais de A a Z», et que je peux parler avec des francophones.

Tout ça pour dire que vous avez intérêt à être gentils et avenants avec les
hommes ou femmes de ménages de votre entourage, qu'ils
soient portugais, croates, sénegalaises. Pensez à moi.

Donc voilà tout va bien, mon objectif
maintenant est d'acheter un surf et un forfait pour
la saison d'hiver (j'ai trop hâte, j'ai trop envie de
bouffer de la poudreuse) et de découvrir les fêtes
Banffiennes.

A+ polo

Banff le 13 Décembre, 2001 14h00

Voilà. Après plus de deux semaines dans les Rocheuses,
je prends mes petites habitudes au Banff
Centre.

Je crois que les gens qui vivent dans la montagne
ont leur rythme de vie qui ralentit durant l'hiver, au
même titre qu'ils ralentissent leur vitesse de
conduite sur les routes enneigées.

Ceci pour dire que mes semaines sont assez
tranquilles ; en fait elles sont clairement divisées
en deux ; non pas par un debut et une fin de semaine,
car j'ai totalement perdu la notion de jours, mais par
mes days "in" et mes days "off".

J'ai 3 jours qui sont, quasi-entièrement, alimentés
par l' excitation d'aller faire du "snow" et de me relaxer.
Ainsi je profite de la montagne toute la journée et le
soir je vais me détendre mes petits muscles en faisant
mon petit 45 minutes de natation, sauna, bain
bouillonnant au centre sport du banff centre, suivi
d'un peu de lecture, un peu de conversation, un peu de
tele, un peu d'internet (je crois que je suis devenu
accroc de cet outil).

Les 4 autres jours sont, dirons nous, à l'opposé.

Je commence mon travail le soir vers 20h00, je fais mon boulot sans que cela ne me fatigue trop jusqu'à 5h30, je me couche le matin
entre 6h00 et 9h00, je dors jusqu'à 16-17h00, je
mange, je me lave si j'ai le temps et je repars pour
ma cuisine pour 20h00, ainsi de suite pour quatre
nuits et ça, cela calme. Mais bon... le fait de faire son
temps plein en quatre jours vous change toute la
configuration de votre semaine.

Je suis toujours dans mon rôle d'observateur, car j'ai
un peu de mal à rentrer dans les delires des
canadiens, anglophones ou francophones. Je les trouve,
je ne sais pas, pas dans la même ligne que nous.J'ai
vraiment l'impression de découvrir un autre de style
de vie, comme si, auparavant, je ne savais pas que la
différence de culture pouvait être aussi forte ; sans
pour autant parler de rythme et d'habitudes de vie,
mais peut être plutôt de phénomènes idéologiques et sociaux.

Bref, je n'ai pas encore réussi à faire de gros
delires avec la jeunesse d'ici, juste des petits.

Alors, je prends du plaisir en faisant du "snow"
bien sûr, mais aussi en decouvrant diverses choses assez
surprenantes ou peut être tout simplement pas si
habituelles.J'ai par exemple été surpris par la piscine.

Avoir accès au quotidien à une piscine l'hiver
est super agréable. Lorsque vous avez fini vos
divers jeux aquatiques, vous allez prendre une douche
dans votre vestiaire, histoire de vous rincez du chlore
et de l'urine des petits enfants ou des grands mères
et histoire de se nettoyer d'eventuels champignons jusqu'au moment où vous vous rendez compte que vous êtes le seul avec votre maillot de bain et
que les dix autres personnes autour de vous, sont
totalement nues, leur gros zizi à l'air libre.

La personne à côté de vous
peut être votre collègue ou votre manager
et qu'elle peut entamer une
conversation sur la vie et le beau temps.

C'est en voyant tous ces hommes entamer des
conversations de tous les jours en tenue d'adam, que
je pense à notre ami Pierre Perret : sa chanson sera
toujours d'actualite mais il me semble, après
observation, qu'il a oublié quelques caractéristiques.

Ainsi, après quelques réticences, je me confonds avec
la masse des vestiaires, nu comme un ver,je me fais à
la couleur locale, allons y gaiement : à vrai dire,
après quelque temps, je pense être au dessus de la
moyenne... enfin...

La piscine est un exemple, il y en a d'autres.

Une fois de plus, tout ne va pas trop mal : je crois que la
cohabitation dans la petite chambre va me prendre la
tête; à voir...mon "room matte" de 18 ans est assez cool,
mais il dort toute la journee, pue des pieds, se lave
quand ça lui prend, se défonce la tête à longueur de
journee et va se prendre des rails de coc chez nos
voisins de couloir, une vie assez passionnante.

Ecrire mes petites aventures devient un réel plaisir
et une habitude et peut être que cela nourrit mon
narcissisme.
Bref, je me donne le droit d'envahir l'espace de votre
messagerie, après vous interpréterez, réagirez,
répondrez ou pas..comme vous voulez, poils au nez.

Je ne vois pas pourquoi l'on donnerait la possibilité
d'écrire un livre à des DJ blonds, aux blondes "lofteuses" qui s... des
b... dans les piscines, ...alors que moi je
n'aurais pas le droit d'écrire une petite page de
nouvelles de temps en temps...non ?...

A+ polo

Banff le 23 décembre 2001, 15h05

Je mange avec une Russe, je côtoie des Mexicains, il
m'arrive de travailler avec un Philippin, je bois un
verre avec un Hongrois, j'écoute les histoires d'un
Americain, je passe mes soirées avec des Canadiens du
Quebec, de l'Ontario, du Saskatochaw, de
L'Alberta, de la Colombie Britannique.

La population est constituée de 2/5 de personnes
locales, de 2/5 de jeunes qui viennent depenser leur
énergie à faire la fête et à profiter de la neige, et
de 1/5 de personnes, souvent des voyageurs, qui
viennent pour économiser de l'argent pour leurs
projets futurs.

Tout le monde vit dans cette espèce de cohabitation.
Le Banff Centre fait office de point de ralliement et
l'anglais de code de communication.Tout le monde
découvre tout le monde. « Ah, c'est comme ça dans ton
pays ! » « Vous avez ça dans votre pays ? » « Comment
ça se passe dans ton pays », j'exagère un peu, mais
s'en n'est pas loin.

On me demande s'il existe un hiver en France, si on a
des montagnes, si la vie est chère, si la France est
un pays dangereux, si les francaises sont mignonnes.
Et moi, petit inculte que je suis, je demande au
Philippin s'il dort sur sur le dos ou sur le ventre
dans son pays, au Mexicain s'il fait pipi debout ou
assis, au Hongrois s'il préfère les oeufs à la coque
ou les oeufs sur le plat.

Les situations sont assez drôles, nouvelles et
enrichissantes. Vivre dans ce micro melting-pot me plaît assez.
Le jeu de "quelle est la plus grosse et plus belle
insulte dans ton pays" devait forcement arriver après
réflexion. Je ne savais pas trop quoi repondre et
j'hésitais entre :
« Je te pisse au cul, couille molle, vas sucer un ours» ou « Sale bouffe de merde, vas te faire mettre par un âne,
t'es trop moche »

Ce n'est pas facile comme question&Mac183;

On s'installe, mon coloc et moi; des conversations de
plus en plus longues et une relation plutôt agréable.
Je me rends compte que c'est un gars assez sympa,
assez ouvert ; que c'est loin d'être un drogué comme
pourrait le penser ma maman.

J'ai parfois l'impression d'être au coeur d'un
scenario comme si on m'avait projeté dans cette
chambre de 10m 2 avec ce garcon qui est physiquement
comme moi, mais qui ne parle pas la meme langue,tout
ça pour dire que les situations de communications
peuvent être cocasses.

Mais je progresse petit à petit, mes cours m'aident un
peu...j'ai parfois l'impression de jouer le rôle de
Jean Pierre Bacri dans "Le Gout des Autres" quand il
apprend l'anglais....
Je traine très souvent avec un québecois de 37 ans, un
voyageur qui travaille 6 mois pour voyager 3 mois. Un
gars un peu special mais tres drôle et généreux.
D'autant plus drôle qu'il s'appelle Claude, comme mon
pere, Claude Dupont, je ne sais pas si vous trouvez ça
drôle mais moi cela me fait beaucoup rire d'avoir un
pote qui porte le même prénom que mon père.

Claude ne s'attache pas au relatif, il me dit que dans
la vie il faut aller à l'essentiel. Il veut
uniquement vivre des experiences, tout ce qui est
materiel comme une maison, une voiture,ça ne
l'intéresse pas. Il me dit qu'il a juste besoin
d'argent pour ses voyages et pour prendre du plaisir.
Il part, le 9 janvier
* pour 3 mois au Guatemala avec
son sac à dos et son courage.

Le plaisir que j'ai d'aller faire du "snow" est de plus
en plus important, je deviens complètement amoureux de
ce sport, à défaut de sexe.

Rien que pour cela la vie à la montagne me plait
assez. Vous avez tres peu de preocupations, juste à
faire attention au Wapitis quand vous vous balladez,
tres peu de bruit, juste les ronflements de votre
colloc.
Vous devez par contre adapter votre marche à l'état du
sol, car cela peut devenir dangereux... vous allez
peut être trouver ça bête mais je vous assure qu'il
faut faire attention...j'ai eu l'occassion de me
prendre une ou deux grosses buches assez ridicules, en
public, à cause de plaques de verglas.

En 2.5 secondes vous vous retrouvez à terre, complètement couché, en
train de gemir en faisant un gros ahhhhhh , alors que
vous parliez tranquillement avec votre ami.
Vous devez aussi vous armez contre le froid. Il est
impensable de sortir àl'air frais sans son gros
bonnet, sans ses gants, sans son collant mega moulant
en gortexe mega chaud, trop fort.

Il ne faut pas jouer avec le froid car vous êtes susceptibles d'attraper
soit un gros rhume, ou soit une diarrhée chronique
carabinée compulsive, celle, quand vous l'avez,vous n'êtes pas content....celle qui vous fait penser à "la cite de la peur " des que marchez...

Voilà il me reste plus qu'à vous souhaiter un joyeux
noël plein de bonheur...vous allez encore recevoir un
cadeau qui ne vous plaît pas du tout et vous allez encore
dire "oh merci, j"aime beaucoup" , votre grand père ou
votre oncle va vous raconter la meme histoire que
l'année dernière et que l'année d'avant, mais voulez
encore l'écouter ...c'est peut être pour ça que c'est cool noël...

Je vous dis bonne année, pleine de bonnes choses, de
choses nouvelles et excitantes, et pleins de machins et
pleins de trucs.....

a +
petit caribou


* Cette date fait, par le biais des hasards, office d'aide-
mémoire pour les personnes mals attentionnées qui
oublieraient mon anniversaire...