Insomnia

Ce film n'est pas banal, déjà par son scénario planté en Alaska dans un réel hors du monde, malgré une apparence de déjà vu trompeur qui peut le cataloguer de manière superficielle. Car ce qui le rend étrange et à la longue lancinant, c'est sa langueur, sa profondeur toutes en surface: en écume; elles s'étirent telles un long rêve mélant de plus en plus jour et nuit, cauchemars, fictions, et réalités, passé et présent, vrai et faux.

Mais la distinction reste, elle ne meurt pas, elle affirme une permanence de leurs structures, un éternel retour de leurs affrontements. Telle cette jeune policière toute admiratrice de ce limier que campe Al Pacino, et qui s'aperçoit peu à peu que ce dernier ment grâce aux indices que lui-même lui indique: tout le film est là, dans ce souci de rester fidèle à soi-même, dans le meilleur, comme dans le pire, puisque l'assassin que traque Al Pacino connaît le secret de ce dernier, et lui propose même de l'en débarrasser et Al Pacino succombe dans le piège.

Mais il le fait comme s'il s'en servait de repos éternel, d'abandon, comme un lâche soulagement, il a tellement sommeil. Seulement le mal n'est pas le seul rongeur, il y aussi le bien, son bien : tout ce qu'il a construit.

Al Pacino résiste donc, patauge, refuse, mais l'étau se resserre, et, dans une derniere violence d'être (qui vaut bien plus que la bande annonce d'une Vie nouvelle que je viens de voir sur RD/RG, j'en reparlerai), une rage de vivre, vraie, surgit, s'empare de sa haine.

Peut-être qu'il fait défiler les images comme si elles étaient des secondes de feu, treissées d'espoirs, brûlés, mais, pourtant, se hélant, avec, Al Pacino se hisse, péniblement, jusqu'au bout de sa nuit, en plein jour, à la poursuite de l'assassin qui a pris en otage la jeune policière, la conscience de Al Pacino.

Le plein jour, sa lumière, une vérité, qui n'en finit pas de courir, puisqu'il n'y a pas de nuit (en Alaska), sauf dans le coeur, humain, qui devient sec et froid à force de confondre non pas rêve et réalité, mais le rêve lorsqu'il s'impose comme réalité unique, univoque, unidimensionnelle; le rêve qui se métamorphose en un alien bien humain et qui se faufile partout, jusque dans la palpitation des secondes qui manquent, dans le souffle qui manque et qui s'arrête, faute d'esprit qui s'en est allé: le limier dort, pour l'éternité, soulagé, dans les bras de sa conscience : rêve et réalité s'y estompent dans un songe pour de bon.