A travers linteractivité, une
écriture nouvelle se cherche, qui associe aussi bien le texte, limage, le son que le langage programmatique. La question, qui, en filigrane se
pose dans notre investigation est celle de savoir si ce langage nouveau utilise un système de figure pour organiser son discours.
Nous avons choisi les arts interactifs comme domaine de recherche pour plusieurs raisons.
La première dentre elles est quil fallait circonscrire celui-ci à un ensemble bien identifiable,tant au plan formel quau niveau, notamment, de linvention des formes : en effet, nous
aurions très bien pu partir des jeux vidéo qui sont lautre lieu dinvention important du langage interactif.
Ce choix du domaine de lart simposait ensuite naturellement à nous parce quil est la matière que nous connaissons sans doute le mieux; en tant quartiste tout dabord, créateur dinstallations interactives, en tant quenseignant
en arts, mais aussi en tant que visiteur et donc critique dexpositions.
A la recherche des figures interactives, nous essayons de procéder, comme dans toute recherche, de manière logique. Nous tentons de dresser un portrait-robot de la figure. Nous nous intéressons aux différents sens du mot depuis son origine grecque sous les traits de la Figura.
A travers ses divers emplois sémantiques se dégagent des points communs qui, reliés entre eux forment une sorte didentité du mot : la figure est une forme, imprimée par le modeleur, qui est
une trace faite dans la matière.
Cette identité de la figure sapplique à la rhétorique, à la littérature, au
cinéma, au son et à la danse.
Nous pouvons ainsi mettre en évidence, à laide de nombreux exemples que la matière scripturale, visuelle, sonore et spatiale est bien organisée suivant des systèmes de figures qui définissent des langages.
Cette image de la figure est un modèle valide pour organiser des formes de discours. Il nous permet d'interroger lidée dinteractivité. Nous devons, en
effet, nous assurer que là aussi, la notion de figure peut être appliquée suivant la définition qui nous a servi précédemment de point de repère.
Nous posons comme hypothèse que
linteractivité est une relation et que comme toute relation, elle est indépendante de ses termes. Cest ce qui nous permet de définir linteractivité
comme une image virtuelle, comme le
diagramme qui représente lensemble des
interactions possibles et que linteractivité, en fait, est leur
mise en forme.
Ce qui précède nous amène à définir une
figure de linteractivité comme le modèle dune forme de relations spécifiques. Les figures sont repérées, isolées, prises, fabriquées par observation du réel ou par construction spéculative. La figure de linteractivité va donc être élaborée par
analogie avec un modèle dinteraction existant ailleurs.
Les figures que nous considérons, comme
les figures littéraires, cinématographiques,sonores, gestuelles, apparaissent par conséquent, elles aussi, comme des formes dune matière
spécifique, à savoir linteractivité.
A partir de ce constat, il nous est
possible de dresser, dans le troisième chapitre, un inventaire des figures. Nous pouvons en décrire une quarantaine, en veillant à mettre en évidence leurs mécanismes internes.
Les figures nommées
et listées peuvent faire lobjet dune description détaillée à partir des uvres interactives dans lesquelles on les repère. Généralement, nous nous
efforçons de les aborder sous différents
points de vue afin de mettre en évidence les diverses formes sous lesquelles on pouvait les rencontrer et donc les analyser.
Pour mener à terme notre investigation, il nous faut descendre au plus près des figures, là où le sens sincarne dans une forme. Nous pouvons partir de notre travail dinstallations artistiques afin de montrer comment à partir dune
idée dimage-relations, des images, des sons, des textes et des programmes peuvent être organisés dans linvention de figures expérimentales de linteractivité.
On constate finalement que lobjectif fixé,qui consiste à démontrer la validité de la notion de figure, notamment à travers létude des uvres
dart interactives, est bien atteint. Néanmoins, et parce que lexercice est nouveau, nous ne sommes pas tenté de classer ces figures comme le ferait une typologie même si, malgré tout, nous pouvons parfois constater lapparition de lignes directrices qui forcent le passage, accrochent des ensembles.
Cest dans létablissement dune telle typologie et dans la confirmation des figures que doit maintenant sorienter le travail de recherche.
Ce travail de recherche serait dune grande portée pour développer le langage de linteractivité car il permettrait den élaborer une syntaxe plus riche.
Dun point de vue pédagogique,il nous permettrait dans lenseignement de
linteractivité de disposer dun ensemble doutils théoriques et pratiques, apte à donner aux étudiants les bases nécessaires à la compréhension
des principes qui sous-tendent linteractivité et son esthétique, sinon son art.