Pourquoi pas « La Maison Bleue » ?

Juppé n’a pas tort. Si la droite et le centre (mais aussi l’écologie responsable) veulent se moderniser, il leur faut s’ouvrir en profondeur à tout ce qui, depuis les années 60, marque les esprits : le désir de vivre sa propre vie, de refuser le sacrifice inutile, de savoir jeter la clé comme le dit la chanson, ouvrir les volets, et regarder les étoiles, les vraies, pas seulement celles de Cannes et de la TV réalité.
Ce qui doit évoluer dans les têtes, ce sont les idées de Nation recroquevillée sur son passé alors que la Nation européenne est à construire, d’Etat centralisateur et touche à tout alors que nous avons besoin de mieux d’Etat, de République hautaine, toutes ces habitudes de pouvoir trop imprégnées de rigidité et de morgue, alors que le pouvoir, public, doit être au service du citoyen et non l’inverse.

On le voit bien d’ailleurs avec la manière dont l’Etat évacue ses responsabilités dans les pertes de France Telecom, on l’a vu naguère avec le Crédit Lyonnais et aujourd’hui encore dans le quotidien des détresses lorsque les boîtes vocales glacées des Préfectures sont proposées en guise de réconfort lors des dernières inondations.

Être de « La Maison Bleue » signifierait donc que l’on connaît la chanson des temps modernes tissée par les dernières années du 20ème siècle, cette sensualité exacerbée du « je t’aime moi non plus » lorsque urbanité, technologie, point de vue, et solitude entrechoquent des corps ivres de vie, mais aussi de désarroi, surfant sur le fil des modes et des passions, ces rasoirs féroces guettant, à l’orée du rêve éveillé et de la réalité médiatisée, l’instant, en croyant que ce dernier peut tout, y compris changer de partenaire, de vie, d’envie, au détour d’un sourire croisé dans un reflet habillé par l’air du temps.

Etre de « La Maison Bleue » signifierait alors qu’il faille penser cette réalité du monde d’aujourd’hui, en y mettant du sien, du cœur et de l’espoir, en prenant à bras le corps les problèmes de l’époque, au-delà des façons de voir qu’il faut plutôt observer comme des points de vues plus complémentaires qu’irréconciliables.
Est-ce que, par exemple, le Service Public « à la française » doit être contre le Marché ? N’est-il pas possible au contraire de penser que pour mieux faire marcher le Bien Commun il faille l’aérer, l’ouvrir, justement ? Non pas pour introduire le loup dans la bergerie, mais pour faire advenir une nouvelle manière de vivre ensemble qui permettrait au Transport, à l’Instruction, à la Santé, d’aller mieux.

Comment ?

En faisant confiance à ceux qui le méritent. En permettant d’aider les bons qui savent innover et rendre dynamique le tissu économique et social, et en sanctionnant ceux qui prennent la Maison France uniquement pour un casino.
Être de « La Maison Bleue » signifierait ainsi que l’on serait capable de redonner de la couleur à la Maison France. Dans ce cas, un tel nom pourrait porter chance.

Mais il est à craindre que certains préfèrent verser leur vin dit «nouveau » dans de vieilles outres, sans s’apercevoir qu’au lieu de le conserver, elles l’éventent…et, peut-être, sans même avoir attendu cinq ans…

Si Juppé veut toujours de ce nom, il lui faudra l’expliquer, le justifier, raconter en quoi, pourquoi, comment cette Maison Bleue peut faire mieux que la Maison Rose et Verte pour que la Maison France rayonne encore de cette lumière civilisatrice porteuse de progrès et d’émancipation, deux termes qui mériteraient autre chose que de rester dans le vague des promesses électorales.