Le miroir mental des images urbaines

Quelque chose m'a frappé en regardant la foule et spécialement certaines femmes samedi soir lorsque j'attendais le métro gare ST Lazare en direction d'Asnières. Je me suis dit qu'en ville, lorsqu'il n'y a plus le clan ou la tribu pour créer le vivier dans lequel l'on rencontre et l'on se marie, mais souvent contre son gré, -d'où la ville aussi-, il ne reste plus que le lieu de travail, le club sportif, les rencontres amicales, et aussi le hasard des rencontres au creux des regards dans les interstices urbaines.

Celui-ci force alors à beaucoup plus d'attention à son apparence dans ces conditions données de solitude pour une part volontaire. Spécialement pour les femmes qui se doivent de se faire plus séductrices au fur et à mesure que leur temps propre est dévoré.

Et lorsque ainsi l'apparence devient le lien principal avec autrui -un peu comme à la Cour de Versailles- je me suis rendu compte qu'il fallait moins y voir une influence des modèles médiatiques qu'une acceptation délibérée de ceux-ci. Puisqu'ils répondent à ce besoin de plaire pour pallier aux manques de réseaux et de roueries.

Les éternels pourfendeurs de la société du spectacle oublient donc souvent de se demander pourquoi le public se laisse tant influencer par la pub, la tv, les médias féminins. N'est-ce pas plutôt parce que ceux-ci indiquent tout de même comment se mettre en valeur ?

Il en est de même pour l'engouement têtu envers la voiture. Il s'agit moins de posséder pour faire signe comme le croit l'école de Debray dans ses cahiers de "médiologie" que de prolonger son propre univers, faisceau chatoyant de symboles personnalisés au lieu de se retrouver réduit à l'état de nombres dans les transports urbains bien insuffisants.

Par contre l'entêtement de certains cyclistes à rouler contre vents et marées pourrait faire sourire s'il n'y avait pas cette opiniâtreté encore ouatée (mais pour combien de temps) à vouloir l'imposer. Comme si la frugalité des campagnes était agitée comme ostentation et refuge à l'attrait mystérieux des corps urbains, cette proximité qui fait d'autant plus fantasmer qu'elle tournoie à la façon d'un rêve.

En fait il faudrait reprendre ce que dit Simmel sur Venise en le généralisant : en se demandant si ce n'est pas cette ubiquité des corps aux apparences disponibles qui nourrit la capacité onirique des esprits et en même temps leur frustration. Et que justement ceux qui s'offusquent de cette eau humaine qui enveloppe les villes vont opter pour la religion du vélo pour faire fonctionner la dynamo du réel aux sillons des campagnes. La suppression de la pub sur affiche ou du moins sa restriction en étant un epiphénomène concret.