No Logo...en matière de religion et d'idéologie à l'école.

Une fausse alternative peut émousser la nécessité d'une loi renforçant la laïcité en la limitant à la question des signes religieux. Car il s'agirait aussi d'introduire la laïcité au sein même des établissements confessionnels en ajoutant dans leur contrat la nécessité de voir tous les enseignements suivis, tout en vérifiant par divers audits d'où vient l'argent, suspendant sine die l'agrément le cas échéant au cas où tout ne serait pas clair.

Par contre, l'idée de "confessionnaliser" l'accès aux hautes fonctions administratives revient à marquer les préposés issus de l'immigration d'une identité censée constitutionnellement se limiter au domaine du privé. Parlerait-on de préfet chrétien, juif, que cela ferait sinon sursauter au moins hausser les épaules; comme si l'appellation religieuse, même contrôlée, définissait originellement la personne, ce qui serait là une vision ethnique voire raciale, que d'aucuns entretiennent du point de vue religieux, mais ce n'est pas une raison pour les suivre dans cette voie qui ne repose pas sur l'universel, source de la laïcité (même si elle n'est pas la seule).

A contrario, l'on peut demander pourquoi dans ce cas un tel universel autoriserait les écoles confessionnelles. Au risque de paraître trivial, rappelons seulement que la liberté ne permet pas une telle interdiction : on a déjà trop fait couler de sang en son nom pour croire que l'on impose la lumière de la raison, surtout si elle est présentée comme unique source du sens, ce qui est faux.

Mais si l'on veut, vraiment, c'est-à-dire, réellement, faire en sorte que l'esprit critique puisse accompagner, s'il y lieu, la foi dans le révélé, l'accent devrait être mis dans l'école en soutenant par un enseignement et des bourses appropriées un tel effort en direction des plus démunis. Parce qu'il est faux de croire que puisque tout se passe dans les familles et les réseaux, l'instruction devrait être simplifiée au possible alors qu'il s'agit de faire tout le contraire, comme le conseille M. Raymond Boudon lorsqu’il note ceci dans L’axiomatique de l’inégalité des chances, (L’Harmattan, 2000 ) :

"(…) l’influence de l’origine (…) dépend de la réussite : plus faible lorsque la réussite est bonne, elle devient plus forte lorsque la réussite est faible."

Il préconise d’une part (p. 30) de se méfier d’une "prolongation excessive du tronc commun " car "si elle peut abaisser dans une faible mesure les inégalités, (elle) a surtout pour effet de donner à un nombre croissant d’élèves l’impression fondée que le système scolaire ne répond pas à leurs attentes."

Il propose d’autre part (p. 31) d’agir "sur les coûts : ils pèsent davantage sur les familles défavorisées que sur les autres. Des bourses d’études peuvent venir corriger le système ».

Il estime également que « peut-être la seule manière vraiment efficace d’agir sur les inégalités, consiste à renforcer la dépendance de la carrière scolaire de l’élève par rapport à ses résultats. (…) "

Il conclut ensuite (idem, et aussi p. 32) en soulignant qu’il « paraît avisé de faire l’inverse de ce que recommande le rapport Gros-Bourdieu : « l’importance excessive accordée à la trilogie "lire,écrire,compter »(…)mettant l’accent sur les performances (…), peut, à bon droit, être considérée comme l’un des facteurs de l’échec scolaire (…). « Il semble que l’examen n’est ni nécessaire ni suffisant. »

Boudon commente : "(…) Si ces avis étaient pris au sérieux, l’on voit facilement les conséquences qui en résulteraient. (…) si l’école n’était plus définie par une fonction et un objectif principal, la transmission du savoir, il en résulterait un désarroi encore plus grand des «enseignants», qui ne percevraient plus le sens de leur activité et de leur vie professionnelle. De manière générale, les établissements deviendraient encore plus ingérables. « L’anomie » s’y étendrait. De plus, ces coûts individuels et collectifs considérables seraient imposés pour rien. Destinée à renforcer l’égalité, cette politique contribuerait à augmenter «l’inégalité des chances». ».

Sauf que pour parvenir à un tel programme préconisé par Boudon il faudrait que l'école, le lycée, l'université, aient des moyens que conjointement l'Etat et les syndicats leur refusent. Ainsi l'Etat n'explique pas clairement que l'autonomie de la structure d'instruction n'est pas incompatible avec le maintien d'un cadre national des diplômes, et un prorata des moyens via la région et l'Europe, au sein néanmoins d'une sorte de charte des obligations, ce qui nécessitera des efforts d'adaptation.

Les syndicats, de leur côté, préfèrent en fin de compte l'austérité budgétaire plutôt que l'ouverture qui pourrait la compenser et même plus encore parce que cela contredirait leur idéologie étatique supputant que le Service Public doit être subordonné au pouvoir central et uniquement financé par lui car cela permet de ponctionner les "riches", l'éducation n'étant qu'une pompe à fric et un moyen de se constituer des rentes (comme à l'époque de l'Ancien Régime), alors que le Service Public peut fort bien être décentralisé d'une part, tout en étant inclu dans les cahiers des charges de structures mixtes ou privées d'autre part.

Les syndicats ont d'ailleurs peu de contre exemples à se mettre sous la dent, vu que les universités américaines n'ont rien à voir avec Enron ou le rail anglais, qui eux-mêmes sont le résultat non pas d'un excès de libéralisme mais d'une confusion entre politique et économique en ce sens par exemple où l'instance de régulation doit rester publique, quoique indépendante de l'appareil d'Etat (sans oublier qu'en Angleterre il y avait 30 ans de non investissement public dans le rail lorsqu'il fut privatisé en 1980).

Tout est lié parfois. Si l'on veut plus de laïcité, il faut plus de liberté dans l'adaptation de l'Esprit Public, plus de moyens par l'ouverture sous contrat, d'autres règles pour accompagner le tout.

En France, nous sommes loin, très loin, du compte.

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