POUR L’OPINION PUBLIQUE

Je regardais à la télé l’engouement spontané pour les Irakiens. A travers l’Europe et même aux Etats-Unis, des marées de manifestants brandissaient leurs étendards contre la guerre et pour la liberté (que ca nous plaise ou non) du gouvernement Irakien.

La democratie stipule qu’un peuple a le droit de disposer de soi-même, comme il l’entend et d’imposer sa propre vision des droits et libertés. Saddam a été approuvé par un référendum, il doit donc être reconnu par la communauté internationale comme le président de l’Irak et nul n’a le droit, sauf le peuple irakien, d’en decider autrement. Les EU jugent qu’il ne respecte pas certaines ententes et qu’il est dangereux pour la sécurité internationale qu’un tel president soit au pouvoir.

Le president Hussein récolte toutes les sympathies, et des millions de manifestants, surtout dans les pays démocratiques et libéraux, manifestent contre la politique Americaine. On observe aujourd’hui une forte division, une faiblesse au sein des democraties occidentales… J’ai comme l’impression que l’opinion publique n’évolue pas avec l’histoire.

Lorsque Hitler arriva au pouvoir en 1933, il n’a pas d’emblée installé une dictature. Pour acquérir une certaine légitimité, il a proposé un projet de loi qui attribuait à son cabinet des pouvoirs dictatoriaux pour cinq ans. Vu la conjoncture économique et la confiance qu’il suscitait auprès du peuple, le projet fut adopté par le Reichstag à 441 voix contre 91, nettement plus des deux tiers exigés par la constitution. Hitler atteignait ainsi son objectif : la dictature par voix légales. Il avait maintenant plus de pouvoir que Bismark ou le Kaiser n’en avait jamais possédé… il n’hésita pas à s’en servir.

L’équivalent de la resolution 1441 qui empêche Saddam Hussein toutes prétentions territoriales et toutes formes de rearmement, était pour Hitler le Traité de Versailles. Mais, en plus, ce traité, formulé par les vainqueurs de la première guerre mondiale, obligeait le remboursemment des pertes qu’elle avait engendrées. La séverité du traité faisait douter, même les occidentaux, de la possibilité de le réaliser. Plusieurs reconnaissaient une flagrante injustice à l’égard du peuple Allemand.

Hitler utilisa ce doute qui siégeait au sein même des démocraties pour se débarrasser, subtilement, point par point, des clauses du traité. Chaque fois qu’il enfreignait le traité, l’occident se consolait en se disant que l’Allemagne ne voulait que corriger certaines des injustices les plus criardes commises a Versailles et appliquer “le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes”. A chaque “coup”, Hitler se repandait en discours pacifistes, proposait de nouveaux accords pour rassurer les Etats inquiets de sa gourmandise. L’occident ne voulait pas de guerre.

Le 16 mars 1935 il rétablit le service militaire obligatoire et reconstitua une armée. L’annee suivante, les troupes allemandes rentraient en Rheranie; un territoire qui lui avait eté retiré par le traité. Son intention était des plus pacifistes comme il le décrivait dans Mein Kampf, “rassembler tous les hommes “de sang allemand” dans un Grand Reich”. En toute liberté il réunissait des hommes libres, qui par referendum acceptèrent à forte majorite de se réunir à son empire pacifiste.

L’Occident fut surpris mais ne voulait pas risquer une guerre pour arrêter Hitler. Pourtant à cette epoque les stocks de petrole dont disposait l’Allemagne lui auraient permis tout au plus de mener une guerre de quelques semaines. Les géneraux vecurent dans l’angoisse jusqu’au jour ou le calcul d’Hitler s’avéra juste : divisées contre elles-mêmes, les democraties étaient prêtes à toutes les concessions.

Les violations du traite de Versailles devinrent de plus en plus flagrantes. Puis il renia completement le traité et lança son pays dans une campagne de réarmement qui devait d’un coté, sortir l’Allemagne du marasme économique, et de l’autre, alourdir les négociations avec le Reich. L’opinion publique était partagé, les methodes hitleriennes étaient discutées, mais le resultat appouvé. Il avait sorti l’Allemagne de l’enfer de l’après guerre.

Pourtant à l’intérieur du pays, les nazis operaient une campagne de Gleichschaltung, le nivellement selon leurs vues de toute la sociéte allemande. Le parti intervenait dans chaque secteur social pour en faire un instrument docile : l’industrie, l’enseignement, le droit, la science, la presse, les syndicats (l’Arbeitsfront), etc.

Quand la propagande et la terreur ne suffisaient pas, la Geheime Staatpolizei, la Gestapo, entrait en action, avec les méthodes les plus brutales. Des milliers d’adversaires politiques furent parqués dans des camps de concentration, maltraités de facon atroce; les morts ne se comptaient plus. Les Juifs furent evidemment le groupe social le plus touché. Peut importe les atrocités commises par le parti, l’Occident se rassurait en se repétant que “la democratie stipule qu’un peuple a le droit de disposer de soi-même et d’imposer sa propre vision des droits et libertés”.

Le 12 mars 1938 les forces allemandes entrèrent en Autriche au cours de la nuit sans rencontrer de résistance si ce n’est qu’un gros aristocrate anglais fumeur de cigare. Le vieux Lord, Churchill, s’alarmait depuis déja cinq ans et son discours perdait de sa credibilité tant ses intérêts étaient évidents; maintenir l’Allemagne faible, pour une Grande-Bretagne forte.

Pour évincer tous les doutes et discréditer les discours guerriers de Churchill, les nazis organisèrent un referendum, non-secret, dont les résultats stipulaient que 99,73% des electeurs autrichiens étaient en accord avec Hitler. L’opinion publique était convaincu; Hitler voulait la paix, Churchill voulait la guerre. Il profanait un jugement tout à fait faux sur Hitler.

Le journal Le Temps écrivait le 1er septembre 1938, “M. Hitler s’est souvent posé en champion de la paix. On n’a aucune raison de mettre en doute sa sincerité”. Et l’opinion publique se disait que l’annexion de l’Autriche, ce n’est pas si grave, “les Autrichiens, ce sont des Allemands après tout?…”

Churchill protesta durement contre cet opinion a la Chambre des communes, des le 14 mars 1938 : “On ne saurait exagérer la gravité des evenements du 12 mars. L’Europe se trouve en face d’un programme d’agression, soigneusement preparé et minutie, qui s’éxecute étape par étape.

Un seul choix reste offert, non seulement à nous, mais aux autres pays : ou de nous soumettre comme l’Autriche, ou bien de prendre, pendant qu’il en est encore temps, des mesures efficaces pour ecarter le danger et, s’il est impossible de l’écarter, pour en venir à bout.

Si nous continuons d’attendre les evenements, quelle quantité des ressources encore utilisables allons-nous gaspiller pour notre securité et pour le maintien de la paix? Combien d’amis allons-nous aliéner? Combien d’alliés eventuels verrons-nous tomber un à un dans le gouffre hideux?

Combien de fois le bluff reussira-t-il, avant que, derrière ce bluff, des forces, sans cesse croissantes, aient dress" une redoubtable réalité?… Ou en seront nous dans deux ans, par exemple, lorsque l’armée allemande sera certainement plus forte que l’armée francaise, et que toutes les petites nations auront fui Genève pour rendre hommage à la puissance toujours grandissante du regime nazi, et obtenir de lui les meilleures conditions possibles?…”

Churchill croyait qu’Hitler était un dictateur. Le culte de la personnalité, la répression policière, le parti unique, les restrictions legislatives, le non-respect des droits et des libertés (au sens occidental), le gouvernement autocratique, les annexions territoriales, le référendum sous surveillance remporte à 99%, les purges… étaient les indices qui formaient sa conviction. Il etait egallement persuade qu’on ne peut mettre trop de pouvoir entre les mains d’un dictateur car il n’hésitera pas a en utiliser la totalité.

L’opinion publique, essentiellement pacifique, empêchait Churchill de déclarer la guerre à l’hitlérisme. Elle était à l’antipode, elle croyait que faire certaines concessions au Fuhrer le rendraient plus raisonnable. Et c’est ce que pensait le premier ministre de la Grande-Bretagne à cette epoque, Neville Chamberlain.

Pour sauver l’indépendance de la Tchécoslovaquie, il alla voir Hitler à trois reprises pour obtenir un compremis. A chaque fois, le Fuhrer sentit faiblir les Occidentaux et accentua ses exigences.

C’est sur la Tchécoslovaquie que la France et l’Angleterre accentuèrent leur pression qui elle, n’était meme pas présente aux reunions. Après de longues negociations ou Hitler défendait les “droits et libertés” du peuples Allemand, la Tchecoslovaquie dut céder à l’Allemagne quatre territoires ou les germanophones étaient majoritaires. Elle se retrouvait amputée, paralysée, sans défense. Quoi qu’il en soit, Chamberlain et Daladier connurent un retour triomphal à Londres et à Paris. Ils avaient sauvé la paix et avaient prouvé qu’on pouvait résoudre un conflit, même avec un dictateur, de facon diplomatique.

Le soir du 14 mars 1939 Hitler entre à Prague. Le lendemain, la Bohème et la Moravie sont declarées protectorats allemands. L’Etat tchécoslovaque a cessé d’exister. Et le 23 c’est le tour de la Lithuanie car elle aussi détenait un pourcentage de germanophone. Hitler accumula les armes, les vivres et l’équipement necessaire pour entrer dans sa deuxième phase, celle qui aurait une petite chance de reveiller l’opinion publique; envahir un peuple non germanique; la Pologne.

Les soviétiques non plus ne voulaient pas la guerre… ou bien ils l’espéraient mais pas chez eux. Ils signèrent un pacte de non-agression avec les nazis et declarèrent “criminel de faire la guerre à l’hitlérisme”. Pourtant Hitler expliquait clairement dans Mein Kampf qu’il allait offrir au peuple allemand toujours plus nombreux un Lebensraum, un “espace vital” à l’Est par une conquête violente.

Hitler voulait arrêter la marche éternelle des Germains vers l’Ouest et le Sud de l’Europe, retourner l’invasion vers l’Est, vers la Russie et ses voisins, vers cet empire sovietique qu’il jugeait mur pour la grande deliquescence. Le premier septembre 1939, a 4 h 45 du matin, Hitler lanca la Wehrmacht à l’assaut de la Pologne. Les Occidentaux tentent encore de négocier et de régler le conflit par des méthodes diplomatiques. La deuxième guerre mondiale commencait…

Churchill ne voulait pas tuer des enfants Allemands pour assouvir une soif de sang ou assurer la superiorité anglaise en Europe, il voulait arrêter un virus deja installe; c’est-a-dire couper un pied avant que la gangrène gagne le corps. Et pendant que les médecins occidentaux ne reconnaissait pas l’infection ou refusaient de porter la responsabilité d’une amputation, le cancer se renforca et l’operation fut beaucoup plus serieuse.

En six années de guerre les chiffres officiels estiment les pertes à 20 millions pour l’URSS, 6 millions pour la Pologne, un million en France (qui s’était battue que quatre semaines avant de rendre les armes) 400 mille en Grande-Bretagne… pour un total de 55 millions de morts sur une population mondiale de 2 milliards d’habitants (2,2% de la population planétaire).

En avril 1940 dans le camps adverse, le chef de la propagande nazi Joseph Goebbels, ne pouvait mieux résumer l’attitude des occidentaux : “Jusqu’a maintenant nous avons réussi à laisser nos ennemis dans la confusion en ce qui concerne nos vraies intentions.

En 1932, l’opposition à l’intérieur meme du pays n’a jamais su determiner ou nous allions et que nos sermons sur l’égalite n’étaient qu’un leurre…

Ils pouvaient facilement nous réprimer. Ils pouvaient arrêter quelques-uns d’entre nous en 1925 et ca aurait ete la fin. Mais ils ne l’ont pas fait, ils nous ont laissé passer dans la zone dangereuse.

C’était exactement la même chose pour la politique etrangère… En 1933 un ministre francais a dit (et si j’avais été a sa place, j’aurais dit la même chose): “Le chef de l’Etat Allemand est l’homme qui a ecrit Mein Kampf, il explique clairement ses intentions. Cet homme ne peut être toléré à notre proximité. Ou il disparaît ou nous l’attaquons!”. Mais ils ne l’ont pas fait. Ils nous ont laissé seuls.

Ils nous ont laissé glisser dans la zone dangereuse et nous avons éte capable de franchir tous les obstacles. Et lorsque nous les avions tous franchis, que nous étions bien armés, mieux qu’eux, alors, là, ils ont commencé la guerre!”

Hitler connaissait très bien les lacunes du systeme democratique. Il les a utilisées pour construire, en plein milieu d’une Europe libérale et democratique, un regime de destruction. La logique de l’opinion publique empêcha de detruire le parti nazi dans son nid.

La démocratie stipule le choix du peuple, et ce même s’il est répressif. De cette facon la démocratie est aussi vulnérable que le communisme dans un monde de consommation. Elle se ferme et se transforme en une dictature de la majorité. Elle ne s’effoce plus d’elargir ses horizons en respectant les differences.

Il serait peut-être temps d’adapter la démocratie avant qu’elle ne s’effondre comme le mur de Berlin. Pour survivre, les démocraties libérales ne pourraient qu’appliquer l’aphorisme paradoxal de St-Just : “Pas de liberté pour les ennemis de la liberté!”. C’est un peu ce qui resume la politique americaine mais l’opinion publique ne voit pas les choses du meme oeil.

Les protestations contre la guerre n’ont malheureusement rien à voir avec le peuple Irakien. Deja dix ans qu’ils vivent sous embargo dans un régime de repression et ils n’ont jamais fait la une de l’opinion publique. C’est depuis que les EU s’en mêlent et que la tension a monté d’un cran que le commun des mortels peut s’identifier a une arithmétique diplomatique qu’il comprend ; un peuple veut se battre pour voler du petrole, et l’autre ne veux pas et ne peut se defendre. De plus l’opresseur c’est quelqu’un qu’il connait bien et qu’il deteste par tradition.

Quel joie de pouvoir s’intégrer au monde politique en se portant défenseur de la paix lors d’une parade annimée comme le carnaval de Rio entre deux sandwichs au gorgonzola et un p’tit espresso italien. Personnellement, je me demande bien la paix de qui ils défendent? Celle des Irakiens ou celle de la conscience morale du militant?

L’opinion publique est souvent paradoxale et opportuniste. Elle se joint toujours au parti de celui qui donne et n’a jamais voulu prendre la responsabilite d’amputer. Elle mange l’omelette en condamnant celui qui a cassé les oeufs. Elle se borne souvent à renier les deux partis sans trop être consciente de ses propres interets a long terme. Elle manipule l’information jusqu’à ce qu’elle s’ajuste à ses convictions et son incontrolable besoin de ce plaindre, de manifester son mal de vivre dans une société qui ne s’adaptera jamais à son ideal.

La lutte effective contre l’ordre établi est pourtant simple; se reduire a une consommation de survie. Une politique de boycott aurait des repercutions baucoup plus serieuses sur la politique américaine mais l’amour du peuple Irakien n’ira jamais jusque-là. Les manifestations d’aujourd’hui assouvissent un besoin, demain le supermarché en assouvira un autre.

Le militantisme est un hobby comme un autre, il occupe le temps libre et rempli un vide existentiel comme la philatélie ou les modèles à coller. L’éventail des sujets de protestation est infini, il peut même être contradictoire. Un militant peut à la fois protester contre la souffrance inflige aux animaux et pour une politique protectionniste sur la viande bovine.

Pour la liberté d’expression et contre la liberté de commerce. Pour l’échange culturel et contre l’échange economique. Pour l’annulation de la dette du tiers-monde et contre l’augmentation des impôts. Pour un meilleur salaire et contre l’inflation et la société de consommation. Pour le chatiment de ceux qui se sont enrichis aux dépens de leur peuple et contre l’intervention internationale armée...

En fait il a besoin de militer pour militer, de protester pour protester, il est contre tous les instances supérieures parce qu’elles sont des instances supérieures. Tout ca pour se sentir utile et important. Il a vu et découvert ce que l’administration n’a jamais pensé. Il voit ce que seul les esprits éclairés peuvent voir. Il peut maintenant se dire qu’il a donné un peu de sa vie pour les opprimés sans toutefois se demander si ce qu’il a fait a vraiment servi a quelqu’un. Il veut détruire l’ordre établi mais ne peut changer la plus futile de ses habitudes.

Il se croit défenseur de la vierge et de l’offensé après avoir placé son nom et sa vraie adresse au bas d’une petition contre la guerre. Et pour finir sa journee, il crie à qui veut l’entendre que les américains n’agissent qu’en fonction de leurs intérêts.

Dire “je suis contre la guerre” n’a pas de sens, c’est complètement ridicule ; tout le monde est contre la guerre! Hitler, Mao, Staline et Ben Laden apportent un message de paix… leur paix . L’état de paix qu’ils jugent convenable a leur vision de la vie. Une vision souvent étroite et restreinte qui ne peut embrasser la totalité des desirs du peuple mais qui souvent, avec acharnement, finit par convaincre la majorité.

Les manifestants occidentaux se croient en pleine dichotomie entre ceux qui veulent la paix et les américains qui veulent la guerre. L’opinion publique met tout de suite la faute sur celui qui commence la guerre et n’a pas la volonté d’observer celui qui la fomente. Cette logique veut qu’il y ait toujours un opresseur et un opressé. L’opresseur est toujours le plus nanti et l’opressé n’est jamais victime de lui-même, de son manque d’organisation et de son obsession à faire passer son honneur avant son sens pratique et sa raison.

L’opinion publique se retrouve donc dans une impasse, elle ne peut se débarrasser de l’opposition du “bon” et du “mauvais”. Prisonniere de son besoin de certitude, elle porte un jugement categorique sur une réalité qui s’avère trop complexe pour cette simplification.

La politique de l’Irak, comme les politiques de l’Islam, des communistes, du Tiers-monde… ne doivent pas être observées en fonction de leur état actuel mais en fonction de leur direction. Le concept “bon/méchant” deviendra “possibilité d’amélioration / direction sans issue ”. Pour déterminer de quel côté se trouve une politique, il faut bien connaître l’histoire et la conjoncure actuelle dans le but de créer des scénarios de developpement. Pour développer quoi? Pour développer des possibilites (au sens large du terme).

Ce qu’on entend par, “un monde libre” c’est un monde ou les possibilités sont en expansion et non en stagnation ou en régression. Les EU profitent de l’évasion des cerveaux, ce n’est pas seulement à cause des salaires mais grâce à l’abondance de possibilités qu’offre ce pays. Mais tout ça c’est peut-être trop en demander à l’opinion publique, ce n’est pas aussi excitant que d’incriminer un politicien. Elle est donc condamnée à constater un problème que lorsqu’elle a les deux pieds dedans.

Bien sûr le message est beaucoup plus joli lorsqu’on crit “paix à tout prix!” mais en réalité c’est se débarrasser de la responsabilite de trouver une solution. C’est surtout une bonne facon de gagner le coeur du publique qui voit dans la paix la solution ultime à laquelle aucun dirigeant n’avait pensé. Hitler aurait continué “pacifiquement” sa conquête de l’Europe si la Grande-Bretagne ne lui avait pas declaré la guerre. Doit-on mettre la responsabilite de la deuxième guerre mondiale sur la Grande-Bretagne? Pour une paix durable il faut que toutes les nations aient la meme vision de la paix et des droits et libertés.

Pour les manifestants du monde entier, la paix c’est quand les américains ne se mêlent pas de la politique de Saddam (quoique les jours passent et l’opinion publique s’ajuste. Maintenant on parle de “ceux qui veulent prolonger les inspections”). Pour ma collègue Kurde qui s’est refugiée à Moscou après avoir perdu sa famille, americain ou pas, elle ne voit pas de perspective de paix en Irak sous le régime de Saddam. Et resolution 1441 ou pas, Saddam pense et agit en dictateur; une logique très mal comprise par les nouvelles générations de l’occident. La logique de dictateur c’est quand l’honneur devient la priorité; son honneur, et ensuite l’honneur de son peuple, au prix du confort, du bien-être et de la liberté.

Il existe un standard de dictateur, ils se ressemblent à peu près tous. Ils enfreignent les mêmes lois, les mêmes valeurs et commettent les mêmes aberrances. Ils sont facilement reconnaissables et ils sont presque tout le temps ignorés. Ils peuvent donc commettre des atrocités sans que l’opinion publique ne s’en occupe. Ils ont l’immunité des masses et même sa protection.

Si une instance supérieure tente de se mêler à sa politique, elle sera automatiquement incriminer et ses intérêts économiques seront pointés du doigt pour discréditer ses intentions. Et lorsque les doutes sur le dictateur deviennent des faits, l’opinion publique se réajuste, change, se repositionne… l’opinion publique a toujours su negocier avec sa conscience.

Respecter un dictateur parce qu’il est approuvé par son peuple, c’est respecter Staline, Hitler, Pol Pot, Tito, Mao… qui ont tous connus un soutien majoritaire… c’est avec la minorité que l’Occident n’a pas voulu ouvrir les yeux. Une politique de l’autruche justifiee par un certain “respect des différences” qui n’a rien a voir avec la culture. La liberté et la démocratie est maintenant synonyme d’americanisme; les EU s’en sont tellement servis pour justifier leur politique exterieure que l’argument n’est plus valide.

Le “mass media” est tellement concentré sur toutes les imperfections du système americain que beaucoup de pays se permettent des aberrences sans la moindre attention de l’opinon publique, delaissant ainsi Amnesty international et quelques militants maginaux le soin de faire des pressions sur le reste des injustices.

Je ne crois pas que le “mass media” soient coupables, il donne à ses clients ce qu’ils demandent. De son côté le télespectateur n’a qu’à se choisir un bon, un méchant et un parti a defendre. Tout ca dans le but de se créer des certitudes de plus en plus rigides et de moins en moins remises en question. Le besoin d’admirer, de détester et de croire en quelque chose d’immuable, subjuguent la raison.

Ainsi la paix, la guerre, le capitalisme, les Etats-Unis, le terrorisme, la diplomatie, le pouvoir, la démocratie, la liberté, la mondialisation… deviennent des symboles que l’on traite machinalement sans se demander ce qu’ils peuvent vraiment signifier ou ce qu’ils pouront signifier dans quelques années. “L’homme, disait Baudelaire, est un enfant égaré dans les forêts de symboles” et Kundera ajoute dans l’art du Roman “ Le critère de la maturité c’est la faculté de résister aux symboles. Mais l’humanité est de plus en plus jeune.”

Patrice Laperriere
Moscou,
nouxious@hotmail.com