Brûleurs de bus et classes dangereuses
Lorsquun camion de pompiers brûle à Strasbourg, peut-on dire vraiment que la pauvreté pousse le lanceur du cocktail Molotov à un tel acte ? Si lon répond oui, comment se fait-il que cela se passe uniquement en France ? Or en Amérique du sud, en Afrique, dans les pays bien plus dans le besoin que la France, rien de tel ne seffectue. Au lieu de se poser ces questions, il semble bien que certains préfèrent ressortir un vocabulaire du 19ème siècle, et accuser le gouvernement davoir comme unique objet dattaquer les « pauvres ».
Sauf quau 19ème siècle, les pauvres nattaquaient pas dautres pauvres
Et pourtant la misère y était bien plus visible.
Certes, il est toujours possible daccuser les médias, la pub, le cinéma, le manque dintégration, la crise économique
Mais tout cela existait aussi il y a vingt ans et sil y avait de la fraude dans les transports, il se trouve que les attaques, aussi systématiques, dagents des services publics étaient tout de même rares.
Que sest-il passé de si crucial qui aurait induit la situation actuelle ?
Deux raisons majeures semblent sous-tendre le phénomène.
Dune part le fait que les Pouvoirs et les Services Publics incarnent plus en France quailleurs limage du Père, comme lont souligné certaines études.
Il est alors aisé de le prendre comme bouc émissaire quand quelque chose ne va pas dans sa propre vie et que les freins associatifs et familiaux qui empêchaient le passage à l'acte sont usés.
Dautre part il faut bien voir la situation de ces quartiers où les taux de chômage, certes, mais aussi de déscolarisation et de vente de drogues montent régulièrement. Il nest alors pas surprenant dy observer des sortes de crises aiguës de ras-le-bol mixées à de la culpabilité diffuse émanant des adeptes de lécole buissonnière et de la destruction de soi. Avec, en toile de fond un tissu affectif tiraillé entre des habitudes culturelles traditionnelles et les murs daujourdhui basées sur lépanouissement individuel, en particulier des femmes.
Or quel est le moyen qui semble à portée de main pour croire quil est possible de se défaire de tous ces nuds coulants sinon en sen prenant à des figures comme le pompier, le chauffeur de bus, le policier, le prof ? Ils expriment non seulement lAutorité de lEtat comme il a été avancé plus haut, mais aussi un statut, une vie structurée, mais, en même temps et contradictoirement, des professions qui ne font pas la une des médias à la mode.
Seulement expliquer est une chose et excuser en est une autre. Le débat est bien là en ce point même puisque la pauvreté nexcuse pas tout et certainement pas le passage à la criminalité. À moins de considérer quêtre pauvre soit une tare génétique, ce que le projet Sarkozy ne dit pas, ou que lêtre humain ne serait quinstinct ou encore matière plastique que nimporte quelle pulsion pourrait chauffer vers lagression.
Comment agir néanmoins, en dehors des mesures de coercition, avant que certains de ces jeunes ne décident de justifier leur comportement avec des principes qui vont de lapologie du gangstérisme au totalitarisme intégriste ?
Quest-ce quil serait possible de faire pour ces jeunes qui préfèrent ainsi décharger leurs angoisses ?
Car, pour eux, il ne sagit plus de changer le monde ou de maîtriser leur rapport à la TV et raisonner leurs désirs, ou encore de faire en sorte de se former tout en se battant pour une meilleure intégration (comme le clame avec excellence le président de SOS racisme) que ce soit dans le travail et dans la vie urbaine (boîtes de nuit), tout cela semble de plus en plus exclu lorsquil est préféré des postures plus radicales qui réalisent ce qui est « vu à la Tv » ou lexècrent à lexcès.
Pour contrer cette dérive, lidée serait de proposer autre chose que les seuls terrains de sport et la voie de garage de lemploi jeune, dautant que le dealer moyen gagne la même chose en quelques jours.
Il faudrait par exemple imaginer quune cité soit jumelée à un lycée, lui-même lié à une université, lensemble connecté à plusieurs entreprises. Ainsi une initiation à linformatique dans un lycée et une cité (cours du soir) pourrait être épaulée conjointement par une université et une entreprise. Un concours final serait organisé et les gagnants seraient récompensés à la façon de « questions pour un champion » ou la « dictée » de Pivot avec des vedettes à la clé, institutionnels compris, pour remettre les prix.
Il ne sagit pas de transformer lenseignant ou le maire en animateurs Disney mais de bien signifier que les temps changent et quil sagit dharmoniser la pédagogie aux conditions formelles du temps, tramées précisément par limage télévisuelle et la radio.
Il nest d'ailleurs pas normal par exemple que des radios et des TV lycéennes, collégiennes, naient pas vu le jour alors que ce phénomène est monnaie courante aux USA. De même la multiplication des visites en entreprises montreraient que toutes ne sont pas « lenfer » décrit dans certains livres scolaires
Si lon veut vraiment que les agressions anti-citoyennes cessent, le gouvernement actuel ne pourra pas faire limpasse d'une réforme, conjointe, de lEducation, de la ville, et de la création demplois, articulant leffort des acteurs au lieu de le voir se disperser en pure perte.