Liberté de philosopher et Service Public
Une
Faut-il augmenter le SMIC et les dépenses de santé ?
Ce sont de mauvaises questions. Malgré leur fond pavé des meilleurs sentiments. Parce que lon ne voit pas pourquoi il faudrait sarrêter à 5 % daugmentation pour le SMIC et 20 euros pour les médecins. Pourquoi pas 10, 20 % et 30, 40 euros ? Est-ce parce que Chirac a proposé 5 % de baisse dimpôts quil fallait absolument que Hollande le marqua à la culotte avec exactement le même pourcentage ?
Si la surenchère, digne plutôt dun vide grenier que dune mise aux enchères chez Drouot, devient la seule ligne de démarcation entre la droite et la gauche, il sera illusoire despérer que les problèmes des bas salaires et de la hausse ininterrompue de la dépense en matière de santé, sans oublier celui des retraites, soient résolus par de telles démarches faites à lapproche des élections.
Bien sûr, le fait seul de souligner ce genre de démagogie brosse tout de suite lidée que lon serait contre systématiquement toute hausse, ou que lon agiterait immédiatement celle des charges qui en résulterait pour empêcher toute augmentation de pouvoir dachat, voire que lon se bornerait à souligner ce facteur néanmoins juste stipulant quil est préférable dencourager leffort de formation que décraser la grille des salaires tout de même basée pour lessentiel sur la notion de compétence, quon le veuille ou non.
Pourtant il est possible de ne pas sombrer dans le « demain on rase gratis » et dans
« lanti-social » si lon pouvait aussi regarder les choses en face au lieu de les observer seulement de profil, cest-à-dire selon son point de vue préféré.
Comment faire, surtout dit en peu de mots ?
Une solution, encore inusitée, peut résoudre à la fois le problème des bas revenus, des dépenses de santé, et des charges sociales : celle du salaire complet.
Quest ce à dire ? Ceci : lemployeur verse, en plus, au salarié, la moitié de ce quil paye pour lui comme charges sociales.
Lautre moitié serait divisée en deux : lune de celle-ci disparaîtrait et lautre financerait un compte entreprise dépargne salariale.
Ce nest évidemment pas tout.
Pour que le raisonnement tienne il faut en effet répondre à la question suivante :
si le salarié touche, en plus, une telle somme, quen est-il dans ce cas de la protection sociale et des retraites ?
La réponse est simple : le salarié serait toujours obligé de continuer à cotiser pour une sécurité sociale et une retraite, mais, et ce « mais » fait toute la différence, il pourrait choisir lorganisme qui ne serait pas, nécessairement, lactuelle Sécurité Sociale. Et il est possible de supputer que le salarié trouve son compte, moins cher et en mieux. Comment est-ce possible ?
Nest-ce pas plutôt là léternelle solution « libérale » voire « néo-libérale » qui veut « accroître les inégalités » et « vampiriser » les « travailleurs » ?
Avant de se tirer le chignon et se lancer des noms doiseaux essayons de raisonner objectivement.
Il va de soi que sil y avait le risque pour chacun de payer plus et davoir moins en prestations lintérêt serait nul. Dailleurs nous connaissons déjà aujourdhui une diminution des prestations voire leur coût prohibitif (lunettes, prothèses dentaires par exemple) pour observer que la situation actuelle nest pas tant que cela favorable à lassuré social, et quil ne sert à rien dimaginer un alourdissement des charges, voire de la CSG pour la résoudre, surtout en période de croissance molle, voire ralentie, au niveau international.
Par contre il possible denvisager que lorsque les assurances, les mutuelles, lactuelle Sécurité Sociale, entreront en concurrence, en France, il se passe ce qui sest déroulé pour le téléphone: une amélioration du service et une baisse des prix.
Car le monopole privé ou public- tue linnovation et crée des rentes dont les bénéficiaires oublient quils nen sont pas les propriétaires, surtout lorsque le « service » quils sont censés rendre est dit « public ».
Mais pour éviter les erreurs du rail anglais et la spéculation sur lélectricité californienne, il va de soi que les instances de régulation doivent rester publiques et veillent dynamiquement à ce que les cahiers des charges soient respectés, cest-à-dire sans attendre que les catastrophes arrivent.
Bien sûr il peut être encore rétorqué quen admettant même que cela soit techniquement et surtout politiquement possible on voit cependant mal comment la Sécurité Sociale et le système des retraites pourraient suppléer au manque financier qui en résulterait si des millions de personnes décident de les quitter.
À cela une réponse principale : rien nempêche que les assurances, les mutuelles, la CNAM rénovée et dorénavant en situation de concurrence, sallient cependant sur certaines prestations pour atteindre une taille critique susceptible de faire des économies déchelle et ainsi en faire bénéficier leurs mandataires. Un peu à linstar de Peugeot et de Renault qui sallient pour produire ensemble tel moteur.
De plus lalliance peut sétablir au niveau international et permettre la constitution de grands groupes financiers, à base salariale et sous régulation publique, à même daccroître encore plus lassise capitalistique qui peut fort bien, par ailleurs, investir dans des fonds éthiques visant le développement du Sud.
Ainsi ferait-on une pierre trois coups : la concurrence désinhibe le secteur, lalliance et la régulation renforcent les acteurs, linvestissement et ses bénéfices consolident la protection et le régime de retraite tout en participant au développement.
Mais la hausse ininterrompue de la dépense en matière de santé, comment faire ? Et les assurances ne vont-elles pas créer des malus et taxer les personnes âgées plus susceptibles dêtre malades ?
A la seconde question il est important que l'on dise que ce point fait partie précisément du cahier des charges qui rend possible l'octroi de la concession, ce qui exclut toute augmentation discriminatoire (à charge cependant de prévoir des clauses spécifiques financées par des fonds spéciaux).
À la première question, il est également possible de répondre deux choses : il nest pas sain de réduire les dépenses en empêchant laccès au soin et lon ne résoudra pas lexcès en la matière par les seuls médicaments génériques, dautant que tous les médicaments remplaçables ne pèsent en valeur que 16 % du marché global (voir les Echos du 4 juin sur ce point). Il vaut mieux parier sur lidée que cest par exemple en comprenant pourquoi les Français sont les plus grands consommateurs de tranquillisants quil sera possible denvisager des approches plus psychologiques et éducatives permettant de faire comprendre que la souffrance mentale vient aussi dun refus de questionner son propre comportement.
En conclusion, il est tout de même étonnant que dans notre pays la liberté soit si passionnément vécue en matière dexpression et de murs, mais quelle soit étouffée lorsquil sagit dinnovation, daction dentreprendre, de protection sociale. Comme si le souci de voir lEtat paternel prévalait sur notre propre responsabilité en la matière. On confond alors nécessité dun service public fort qui peut se faire sentir dans le cadre dAutorités de Régulations indépendantes, et présence uniquement coercitive de lEtat qui obligerait, interdirait, mais refuserait toujours que la Collectivité loblige, lui, et lui interdise à son tour, surtout lorsque lon sait que les gaspillages se comptent en dizaines de milliards deuros.
Il serait tout de même temps dinventer autre chose, par exemple un nouveau système de mesures sociales qui prouverait bien que la France sait proposer universellement de nouvelles techniques fiables et justes articulant efficacité et protection pour le plus grand nombre.