Quelle « Gauche » ?
Je peux faire mienne cette Idée issue des Lumières et portée par 1789 puis par la gauche de Zola, de Jaurès et dAlain, stipulant que lémancipation du genre humain des servitudes de lHistoire et de la Nature passe aussi par la solidarité avec les plus démunis en tout, afin quils aient droit non pas à la seule compassion mais surtout à la dignité pleine et entière. Ce qui suppose une discussion sur létendue de cette solidarité et sur le rôle effectif de lEtat en la matière.
Je me sens par contre totalement étranger avec cette Idée issue des courants fondamentalistes du christianisme et radicalisée par Marx affirmant que seule légalité stricte en fait et non pas seulement en droit de tous avec tous, produisant ou non de leffort, de la valeur, cest-à-dire légalitarisme, serait listhme nécessaire et suffisant de lEmancipation.
Le débat de fond est là. Et non pas entre Réforme et Révolution. Puisque la césure entre ces deux derniers termes présuppose justement le fait duvrer soit du côté de la Solidarité et dans ce cas cest la Réforme qui est plus efficace, soit du côté de légalitarisme et cest en effet la spoliation et le crime qui prévalent pour que tout le monde rentre dans le rang, celui du commun : comme un.
Spoliations et crimes sont des mamelles également étreintes par les tenants de lInégalité absolue, jen conviens parfaitement. Cest dailleurs pour cela que jétablis un rapport provocateur.
En effet qui dit égalitarisme sexpose duvrer dans le fait de forcer le plus grand nombre à se contenter de la même chose, or ceux qui forcent ainsi acquièrent, de fait, la position inégale : en spoliant les spoliateurs supposés, (« tout est à nous ») on le devient soi-même.
Les deux échecs, celui de Robespierre-St Just, et surtout celui de Lénine-Trotski et de leurs suivants, Staline-Mao, démontrent, de manière hélas éclatante, que loin de renforcer les droits acquis de haute lutte sous la première « Révolution bourgeoise » (1789), les producteurs de valeur, le peuple, ont dû subir les assauts les plus meurtriers quaucune forme historique, même la plus obscure, même la pharaonique, navait osé porter. Surtout les coups portés par les propagateurs dOctobre. A lexception cependant du nazisme, cet inégalitarisme absolu, pendant exact -quoique spécifique, du fait de sa conception biologique de la « race supérieure »- de légalitarisme total, porteur dune conception implicite et de fait de la « race supérieure » comme on le voit encore.
La conjoncture historique et le fait que « la » Révolution nétait pas mondiale nexpliquent pas léchec dOctobre puisque dans les pays dits « capitalistes » le peuple sest battu pour vivre mieux et y a réussi au regard en tout cas des pays dominés par Octobre.
Le fait de nier cet état de fait et de donner in fine à partir des années 60 comme cause ultime « le pillage du tiers monde » nexplique pas grand chose non plus puisquil ny a pas par exemple de lien mécanique direct entre lachat à « vil prix » des matières premières et la formation dune méritocratie républicaine capable de construire un pays. Ce nest pas à cause du fait davoir été pillé naguère que lAlgérie, Cuba, la Corée du Nord senfoncent aujourdhui dans le désastre. Dautant que lAlgérie, par exemple, ne vend pas nécessairement à « vil prix » son pétrole et son gaz.
En fait « la » gauche, française, est en face de deux solutions : lune qui sappuie sur laccumulation historique des acquis et prend conscience que puisque les problèmes sont mondiaux, lesprit démancipation se doit de se hisser à hauteur de jeu et donc doit uvrer pour la formation dinstances de régulation réellement efficaces afin que l'offre et la demande de biens et de services ne soient pas les victimes d' un jeu de dupes.
La seconde solution est crypto-religieuse, elle est partagée fiévreusement par tous ceux qui rêvent dune société frugale, même pas désirée mais obligatoire pour tous, semparant du moindre problème pour annoncer la fin des temps. Tandis que ces gens, secrètement, dans le creux des alcôves et des sectes invisibles, vivent létat de nature, les plus forts dentre eux détenant la parole salvatrice ouvrant les mers médiatiques. Ce qui au moins démontre bien quau fond du fond la vraie césure en fait est celle-ci : fort et faible. Or il existe, là aussi, deux conceptions diamétralement opposées.
Si en effet on admet que la volonté dêtre est une donnée permanente du vivre et que cette volonté, dite de puissance, ne prend forme quhistoriquement- il semble bien que le fort qui se veut réellement ainsi cherche plutôt lAlliance et la Paix plutôt que la Guerre et la Mort.
Ce qui signifie, politiquement que la recherche de lAlliance implique de tenir compte de lensemble du Groupe et des souffrances quentraînent les contraintes objectives que nécessite sa conservation. Tandis que la recherche de la Guerre et de la Mort refuse lorganisation, la division des tâches, et même refuse la critique qui pourrait les améliorer puisque son seul objet est dêtre lobjet seul de sa mesure qui prétend alors devenir le critère suprême jugeant, égalisant (tels des cheveux)tout autre de peur dêtre dépassé. Ce fut Lénine, Hitler. Cest aujourdhui le «frugalisme », et, au Sud, le salafisme.
Dans ces conditions cet égalitarisme total (isotropie) qui exclut tout autre que lui se renverse bel et bien en inégalité absolue. Pourquoi « la » Gauche devrait fricoter avec ce nihilisme au sourire dange ? Et à trop faire lange