L'impasse de l'altermondialisation réunie à St Denis

La puissance du mouvement dit altermondialiste repose sur son hétérogénéité, une part de vérité et quatre évènements à la symbolique forte, 1995 ou la grève des transports français, Millau, Seattle, Gènes. Commençons par étudier ce que ce mouvement a à dire en partant de ce qui est faux dans son approche, cela permettra de comprendre comment il séduit.

Les deux arguments, faux, mais qui ont une apparence de vrai indéniable et permettent ainsi de séduire, sont les suivants : premier argument, l'idée (recyclée) que le conflit, l'appât du gain, sont uniquement les produits d'un système, celui de la propriété privée, qu'il s'agirait de supprimer pour enlever aux humains le souvenir même des besoins "artificiels" qu'elle charrie depuis que la propriété est issue du "vol" fondateur: lorsque certains hommes décidèrent de clôturer la terre, puis d'y planter des totems. Autrement dit, lutter contre le "néo-libéralisme", pour "la" régulation, ne suffisent pas. C'est de l'anticapitalisme dont il s'agit, au coeur, c'est-à-dire le rapport: ceux d'en haut étant en haut parce qu'ils empêchent ceux d'en bas d'y accéder et donc les exploitent pour se maintenir élevé.

Second argument, le Sud, l'ex-Tiers-Monde, est profondément bon, puisque l'homme en soi naît ainsi, donc, tout ce qu'il y a de mauvais, jusqu'aux tyrans et leur soif de dépense et de meurtre, n'est qu'importation, corruption, venue d'Occident, imitation. Dans ces conditions, supprimer "la" dette, augmenter l'aide, etc, sont la moindre des choses pour commencer à réparer. Le terrorisme dit islamiste n'est au fond "que" l'effet de ce refus. Sa haine s'explique par le capitalisme en général, les américains et les juifs, -(dites "sionistes" c'est plus -pc- y compris au sens français puisqu'une loi issue du pc(f) empêche de dire tout haut ce qui se chuchote pourtant et se dessine parfois dans le journal parisien du soir)-, en particulier.

La part de vrai réside alors paradoxalement dans ce qui est nié par le mouvement altermondialiste et que l'on s'excuse ici de rappeler tant sa trivialité décourage : à savoir que la cupidité est la chose au monde la mieux partagée (surtout lorsqu'elle se manifeste aussi sous les formes du prestige, de l'ivresse du pouvoir...) et qu'en position de l'être un peu plus, il n'y a aucune raison de s'en priver, surtout en l'absence de contre-pouvoirs indépendants à l'échelle mondiale, et de la relativisation totale de toute sorte d'éthique à l'exception du vouloir plus. La cupidité est exacerbée par la position, elle n'en est pas le résultat puisqu'elle le précède dans le désir d'être plutôt que rien.

En un mot, il existe certes des situations d'exploitation du fait précisément des appétits de puissance non maîtrisés, mais tout bénéfice ne résulte pas d'elles, on ne comprendrait pas sinon l'existence de hauts salaires, sauf à supposer que leurs détenteurs aient uniquement le rôle de gardes-chiourme.
Par ailleurs l'idée stipulant qu'en supprimant la propriété privée, on supprime la division sociale et par là la séparation entre ceux d'en haut et ceux d'en bas est plus qu'une vue de l'esprit, c'est un non sens. Parce que toute société a besoin d'une organisation et d'une spécialisation, surtout lorsqu'elle devient urbaine, et le phénomène de rareté s'applique ici comme ailleurs: plus vous avez de la compétence dans le métier du moment, plus vous pouvez vendre non pas votre force de travail, ce qui est vague et réducteur, mais votre force de création, d'innovation, de production de valeur ajoutée.

La force de l'altermondialisme réside précisément dans le fait de nier ces dimensions transhistoriques, jusqu'à aller pour certains, -par exemple les casseurs,- au nihilisme généralisé récusant la notion même d'ordre, de groupe, de société (comme on peut le lire dans les propos d'un de leurs stratèges, M. Cusset), tout en ayant l'opportunité de puiser dans les cendres communistes encore chaudes de 1989 l'idée que le désir d'être serait seulement un produit social qu'il s'agit pour les plus radicaux des altermondialistes de dissiper, de détruire, traquant le plaisir jusque dans les besoins de confort et de légèreté, d'amusement, le poussant à l'excès ou le dénonçant (trouvant alors là une alliance objective avec certains mouvements extrémistes dits religieux).

Tandis que tous s'accordent pour dénoncer la forme des besoins qui se forgerait uniquement au contact des puissants, la culture populaire n'existant pas pour eux, seule celle des puissants, -(qui ne le seraient que par l'hérédité due à l'Histoire des "conditions initiales" et non parce que leurs ancêtres ont pu servir la société par leur compétence à un moment donné...)-, seule la culture des puissants serait cotée, ce qui est paradoxal puisqu'elle est censée avoir produit la désolation.

D'où l'idée pour d'autres, plus cohérents, de dé(cons)truire toute la culture, asséchant à la racine tout ce qui pourrait créer du nouveau, tout ce qui n'a pas déjà basculé dans le patrimoine historique. Parce que ce mouvement est collectionneur : il détruit les racines mêmes de la culture dont il isole cependant les vestiges qu'il illumine dans des nocturnes pour faire oublier qu'il répand dorénavant la nuit. C'est-à-dire la mort, ce désordre ultime et en même temps dernier, donc un ordre d'une certaine manière que transporte par exemple les groupes extrêmes, d'où en effet la recherche de servitude volontaire par ceux-là mêmes qui n'ont de cesse de la dénoncer au sein de l'ordre social...

Ajoutez à ces divers paradoxes, l'étincelle qui met le feu à la plaine, la faillite d'un certain productivisme affairiste qui a produit la crise de la vache folle et des pétroliers sans contrôle, et qui a toujours cohabité avec l'espérance communiste en laissant croire que l'on pouvait tomber amoureux d'un taux de croissance puisqu'il serait la clé du bonheur sur terre.
Secouez l'ensemble, vous comprendrez que l'hétérogénéité devient explosive et fabrique l'émergence de Millau, Seattle et Gènes.

Bien sûr, en termes plus savants il est possible de dire aussi que les catégories sociales en perte de vitesse comme les enseignants, les fonctionnaires des entreprises publiques, et leurs progénitures qu'elles ont forgées dans leurs idéaux, tentent coûte que coûte de maquiller leurs intérêts particuliers en intérêt général. Tout en oubliant de voir que la dite "sous culture américaine", entendez Mac Do et séries TV, plaisent parce qu'ils correspondent à une certaine urbanisation et individualisation des souhaits issue des années 60. La crise de la vache folle est plus dépendante de l'étatisation et du clientélisme que du libéralisme, même "néo".

Et peu de gens, surtout en France, pensent à inverser la problématique en se demandant, par exemple, si le déficit chronique des entreprises publiques comme la SNCF, ne grève pas les programmes sociaux, si en fait le communisme dont l'altermondialisme est le visage relifté n'appauvrit pas le peuple tout en enrichissant grassement les comités centraux d'entreprise qui se comportent comme les fonds de pensions tant honnis avec la légalité en moins.

En fait tout est là : il s'agit moins de se demander ce qu'il faut faire réellement pour qu'il y ait plus de justice dans le monde, moins de passe droits, plus de solidarité, mais comment il s'agit de manipuler l'idée de l'intérêt général pour se créer une rente à vie sur le dos du peuple...tout en parlant en son nom, en prétendant le défendre. C'est là toute la force de l'hypocrisie des idéologies et l'altermondialisme le démontre également après tant d'autres : on se sert des excès, des manques, des affairismes et autres crapuleries en les stigmatisant comme preuves par neuf du système que l'on veut abattre...pour se mettre en réalité à sa place, sans le savoir parfois pour les plus naïfs, et autre "facteur", d'une cause dont le programme a été volé, piétiné, détruit depuis des lustres.

Que par exemple l'énorme déficit de la SNCF en France passe pour une défense du service public comme le prétendent les dissidents de la CFDT, ou devient la démonstration que le monde n'est pas une marchandise, en dit long sur le degré de manipulation qui fait passer une spoliation du bien commun pour un bienfait! alors que le service public est d'abord un droit avant d'être une entreprise, ce qui veut dire qu'il peut être réalisé par toute structure y compris privée qui en accepte les termes.
Et il faut arrêter de parler du rail anglais à cette occasion en oubliant qu'en 1980, il y avait déjà trente ans qu'aucun investissement public n'était effectué, et que Margaret Thatcher s'est fourvoyée en pensant elle aussi que la tromperie n'était pas d'essence humaine mais seulement sociale, donc publique pour elle, alors qu'en privatisant également l'instance de régulation, livrée par ailleurs à la même société détentrice du rail, elle enlevait toute possibilité à la Nation de vérifier si l'on faisait encore attention au bien commun.

Bref, ce n'est pas parce que certains libéraux ont commis des erreurs ou ont joué aux apprentis sorciers en pensant que le politique pouvait se fondre dans l'économie qu'il faut en contrepartie laisser aller et laisser faire les têtes de file des altermondialistes qui diabolisent à souhait, noircissent exprès le tableau terrestre, pourchassant le moindre détail permettant de nourrir leur condamnation de l'Occident, ce qui leur donne l'occasion de faire de plus en plus cause commune avec tous les mouvements religieux désireux de nous construire une société uniforme et frugale obligatoire (pendant qu'ils s'acoquinent, en cachette comme Fidel Castro par exemple, avec les désirs "bourgeois").

Il existe en réalité un énorme déficit dans l'explication fondamentale qui devrait être comblée pour conjurer la séduction altermondialiste.
Il s'agit, d'une part, d'admettre et de faire enseigner l'idée que le désir de puissance est déduit de l'être et non importé par la société dans l'être (seule sa forme l'est), et qu'il possède, à l'évidence, un degré de nuisance lorsqu'il n'est pas maîtrisé. Ce qui implique, d'autre part, de ne pas nier le nécessaire retour du politique, et donc des contre-pouvoirs à même non pas de réguler au sens de contrôler et de freiner, mais de vérifier si les lois fonctionnent pour toutes et tous dans le sens du développement indispensable à chacun.

Autrement dit, le politique doit se distinguer réellement de l'Administration. En ce sens qu'il ne doit n'y interférer, ni se laisser manipuler par elle. Ce qui implique par exemple de donner un droit de poursuite à la Cour des Comptes, une autonomie accrue aux Universités et aux écoles afin qu'elles sélectionnent leur personnel et qu'elles s'organisent comme elles l'entendent, sous couvert cependant d'un contrôle a posteriori de la Puissance Publique en matière de programme et d'égalité des droits.

Tel serait la réelle émancipation. Celle d'un Bien commun au service, réel, de tous. Car l'émancipation n'est qu'un commencement et non la fin comme le pensent faussement les néo-communistes, la fin étant infinie justement puisque c'est le chemin, celui de l'affinement permanent et non pas en attente d'un au-delà ou d'un point ultime selon la vision horizontale de l'Histoire alors que celle-ci est verticale, (c'est peut-être cela la force de la Bonne Nouvelle, portée de façon laïque -rendez à César..., par le Christ).
Va-t-on parler ainsi à St Denis ? Certainement pas. Pas plus qu'à Davos d'ailleurs. D'où le dilemme. Et la faille.

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