Wiesel, Sharon, Arafat.... et la paix.

Elie Wiesel, peu suspect de sympathie pour les partisans des assassins de Rabin, avait écrit, il y a quelques temps, un article dans le Monde où il expliquait que lorsqu'il lisait, entendait, Arafat, deux nouveaux arguments avaient vu le jour en plus de la restitution des territoires d'avant 67 et du démantèlement des implantations : d'une part le retour des trois millions d'exilés non pas dans le futur Etat palestinien mais en Israël même; d'autre part Arafat niait que Jérusalem ait eu historiquement un caractère juif.
Wiesel s'en étonnait en soulignant que jamais Arafat n'avait eu de telles exigences qui ne peuvent que retarder, voire empêcher, la paix.

Ainsi il semble bien que les deux principales pierres d'achoppement n'aient pas été le pourcentage de territoires rendus, ni même les implantations, comme il a été dit par les propagandes diverses, mais ces deux arguments visant le retour et le statut juif de Jérusalem. Or si Arafat veut, réellement, la paix, et si tout processus de cette sorte exige des concessions réciproques, il ne peut pas par exemple placer le problème du retour au même niveau que la constitution de l'Etat palestinien. Que celui-ci naisse, s'installe, se développe ! il sera toujours temps d'en discuter plus tard.
En faire une condition sine qua non dévoilerait au contraire la persistance d'une volonté d'obstruction, même s'il est possible d'en admettre la pertinence c'est-à-dire la nécessité, à terme ; ce qui implique néanmoins pour Israël de promettre, dès maintenant, d'ouvrir, dans un second temps, la discussion sur ce thème, du moins en termes d'indemnisations et de regroupement des familles.

Concernant maintenant les implantations et Jérusalem, il faut tout d’abord ne pas oublier, s’agissant du premier point, que ce ne sont pas de simples «colonies» mais des prises de guerre, celle de 1967, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, -même s’il est dur pour certains palestiniens de l’admettre voire de l’entendre. Cela interdit en tout cas de faire fi de ses habitants juifs, dûment installés depuis 35 ans, et qu’il serait tout autant barbare d’expulser et de toute façon quasi impossible à faire, du moins pacifiquement, tant la détermination des implantés est dense.
Néanmoins il est urgent de négocier avec eux le fait qu’ils doivent payer une taxe foncière et certains impôts locaux à l'Administration palestinienne, et que des palestiniens puissent également s'y installer.

Enfin sur Jérusalem un consensus entre modérés des deux bords semble admettre qu'elle peut devenir simultanément la capitale des deux Etats.

Mais il est exact que tout ceci ne suffit pas et qu’Israël pourrait faire plus pour montrer sa bonne volonté, racheter ses erreurs passées, et ses atermoiements présents. Par exemple du point de vue de la viabilité du futur Etat palestinien, en particulier sur le plan économique. Rappelons que durant la brève accalmie qui a accompagné les accords d’Oslo, les exportations palestiniennes, en particulier d’agrumes, avaient été lourdement taxées. Or une bonne amorce de développement basé sur des échanges justes pèserait beaucoup dans la balance.

D’ailleurs il semble bien que le plan de l’Arabie Saoudite, en crise économique, vise aussi cette perspective qui, somme toute, peut s’inspirer des débuts de l’Union Européenne, avec le Marché du charbon et de l’acier, venant après des siècles sanglants et deux guerres mondiales.

En tout cas si le Président Arafat n'accepte pas cette politique des petits pas, inaugurée par Sadate, alors il démontrera que non seulement il préfère la fonction de chef de guerre à celle de chef d’Etat, mais aussi qu'il signe, en sous-main, des blancs seings aux divers extrémistes de son propre camp dont les actions, loin d'apporter la paix, renforcent, de jour en jour, les assassins de Rabin et leurs illusions du retour à la Palestine biblique. Les partisans du Hamas, par exemple, considèrent la libération des territoires occupés comme une première étape : l'industrie du kamikaze tourne à plein.

Mais elle oublie une chose : Israël ne se retirera pas d’Israël. Comme il l’a fait du Sud Liban.

Si Arafat le croit et s’il pense que les Etats-Unis peuvent l’y obliger il a tort. Des millions de gazés et de fusillés sont dans la tombe et regardent Israël. La paix n’est donc pas une reddition, elle se gagne à deux. Pas en imposant unilatéralement ses conditions. Autrement les immenses souffrances qui, quotidiennement, se nourrissent mutuellement continueront sans fin pour le plus grand bénéfice des profiteurs de mort.