La xénophobie, la TV, ont bon dos
Par un tour de passe passe époustouflant, il aura suffi quune étude révèle linfluence de la télévision sur certains jeunes en matière de violence pour que ce phénomène soit immédiatement récupéré afin d' expliquer en priorité la montée du FN ; lautre argument supposé expliquer cette dernière étant celui dune xénophobie rampante qui aurait pu "libérer"sa parole depuis le 21 avril...
Certes des données contextuelles sont également mobilisées par ceux-là mêmes qui exploitent ces deux arguments afin de ne pas trop donner limpression de faire entendre un seul son de cloche et aussi dexpliquer tout de même pourquoi ce sont plutôt les quartiers populaires que les quartiers aisés qui ont voté FN. Ces données sont connues puisque cela fait plus de vingt ans quelles sont agitées et elles ont pour nom, chômage, non intégration, milieux défavorisés.
Mais comme elles apparaissent ces temps-ci insuffisantes pour expliquer la montée des dites incivilités et du sentiment dinsécurité, les deux arguments relatifs à linfluence télévisuelle et à la parole xénophobe libérée, viennent faire office dexplications ad hoc supplémentaires.
Le dernier point en particulier semble dailleurs devenir si bien au fil des semaines le nouveau cheval de bataille de certains que toute tentative de réfutation semble être immédiatement cataloguée de complicité objective de la dite xénophobie.
La seule exception admise étant celle qui vient de ces mêmes quartiers populaires dont la bouffée dite xénophobe semble être comprise comme étant moins la résultante dun fantasme dinsécurité que lexpression effective dune souffrance bien réelle qui se dégage systématiquement des témoignages incessants en matière dagressions et dinfamies diverses.
Ce sursaut compréhensif est néanmoins vite étouffé par le conseil latent, susurré entre les lignes, supputant aux populations blessées dans leur dignité qu'elles feraient bien dapprendre à souffrir en comprimant toute exaspération immédiatement étiquetée de xénophobie par la pensée dominante.
Lorsque les témoignages relatent sans relâche nombre de méfaits touchant à lintimité même des personnes, le politiquement correct actuel préfère en effet en appeler à lacceptation silencieuse qui absout doffice puisque les supposés agresseurs sont systématiquement considérés comme des victimes de la « mondialisation néolibérale », cest-à-dire qui ne savent pas ce quelles font et réagissent à la « violence symbolique » quelles subissent en s'en prenant à des boucs émissaires encore plus à plaindre quelles.
Or, en observer seulement les extravagances sera déjà jugé suspect et pourra même sévaluer à la façon du mot dAlain lorsque celui-ci soulignait que le seul fait de mettre en question la césure gauche droite ne pouvait que venir de quelquun qui nétait pas de gauche...
De même le fait de signaler comme le font tout de même certains quêtre pauvre nest pas synonyme de criminel excusable et que se plaindre dun certain racisme à rebours ou dune agressivité réelle qui empêche de regarder son interlocuteur dans les yeux ou de répondre à linsulte nest pas nécessairement le symptôme dune xénophobie de proximité, cette posture savèrera risquée. Une telle attitude sera immédiatement cataloguée, classée, étiquetée, du syndrome de racisme ordinaire.
Pourtant autant il est possible de persister à penser contre Alain que la distinction gauche/droite est moins une césure quun continuum entre les pôles égalité et liberté lorsqu'ils se disputent en permanence lattraction du pôle fraternité, autant il est également possible de persister à concevoir quune population donnée réagit nécessairement lorsquelle vit un tel déséquilibre que sa perception de soi et du monde sen trouve non seulement perturbée mais profondément chamboulée.
Pour sen rendre compte il suffirait de se mettre dans la peau dune population africaine ou amérindienne voyant pour la première fois des blancs venir sinstaller chez elle et modifier de fond en comble sa façon de vivre : il nest pas sûr que ces blancs soient reçus partout avec la compréhension voulue quils ne cherchèrent de toute façon pas à acquérir historiquement comme chacun le sait puisque la force fut de leur côté.
La xénophobie qui doit être différenciée du racisme sexplique dans ce cas parfaitement : elle émane de populations qui veulent préserver leurs traditions et refusent quelles soient transformées par létranger.
Aujourdhui il est possible de souligner que certaines populations de blancs vivent un monde profondément transformé dans lequel la technique et limage deviennent des maîtresses étrangères exigeantes, tandis que les populations exclues du processus démocratique mondial source de développement et de réduction des inégalités viennent de plus en plus frapper à leurs portes.
Dans ces conditions il ne suffit pas den appeler à une souffrance silencieuse et au retour à une frugalité en matières de besoins ou de sen prendre à Bush, voire à Sharon, pour enrayer le repli sur soi et le refus de lautre.
Il sagira plutôt dadmettre la réalité telle quelle est dans sa complexité et son irréversibilité en tachant dune part de restaurer la confiance et d'affirmer les principes universels assurant le développement des personnes et des biens, et, pour ce faire, il s'agira, dautre part, de promouvoir une réforme profonde des institutions nationales et internationales afin que le processus démocratique puisse réellement profiter à des populations qui ajoutent lexil à lexode interne.
Si lon ne comprend pas cela, si lon ne voit pas que ce sont les refus daider la Collectivité à éduquer ceux qui ne peuvent plus le faire dans leurs familles, de promouvoir la démocratie, réelle, partout dans le monde, daccompagner le développement de la technique, de limage, et de la ville, si lon ne voit pas que ce sont ces facteurs là qui sont les causes majeures des mouvements de repli sur soi en Europe, alors il ne faudra pas sétonner de voir les populismes prendre de plus en plus dampleur.
Et il ne servira à rien de faire comme ce berger qui à force de crier au loup pour samuser se trouva bien seul lorsque celui-ci apparut pour de bon.
Il semble bien que nous en sommes là en France, lorsque le brouillard des idées reçues et du prêt à penser se dissipe par inadvertance avant de sépaissir de plus belle lorsque le sursaut de conscience objective dévoile dun seul coup limmensité de la tâche à accomplir pour sortir lEurope de lornière dans laquelle elle senfonce pourtant et avec son propre consentement, entraînant le monde entier dans sa chute.