'Pourquoi la scientologie n'est pas fiable".

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Certes les USA ont toujours été très friands de ce genre de commercialisation du spirituel. Surtout lorsque les populations touchées n’ont jamais vraiment été illuminées par un quelconque désir de conscience de soi avant qu’ils ne leur arrivent une grosse embardée qui les pousse dans les bras d’une écoute.
N’ importe laquelle parfois pourvu qu’elle soulage.

L’intérêt ici consisterait alors à savoir, au-delà des spécificités anglosaxonnes plutôt pragmatiques mais également très tournés vers le mystique, pourquoi cette doctrine mord si bien en Asie, en Europe, spécialement en Angleterre en Allemagne, ainsi que dans une moindre mesure en France.

Selon les chiffres de cette entreprise spirituelle nouveau genre il s’avère que ce sont les couches supérieures allant des cadres ou dirigeants d’entreprise, des artistes, techniciens et ingénieurs en passant par les agents commerciaux, les vendeurs, les informaticiens et dans une moindre mesure les professions enseignantes médicales et paramédicales qui sont particulièrement touchés.
Pourquoi un tel engouement parmi des populations pourtant férues sinon de science du moins de rationalité au vu de leur niveau d’études supérieures ?

L’hypothèse qui nous guide ici serait qu’en fait ces populations plutôt techniciennes et toutes tournées vers des activités appliquées ont soit jamais entendu parler de philosophie, de psychologie, d’éthique, voire de spiritualité, en dehors du cathéchisme pour les plus agés ou de la classe de terminale pour les autres. Soit s’en moquent et les considèrent plutôt comme des symboles désuets qu’un jour “ la “ science viendra éliminer à coup de pilules du Bonheur plus ou moins illégales et à l’utilisation initiale plus ou moins détournée....

Une première piste permettant de valider cette hypothèse, du moins au niveau théorique, serait d’observer que cette dite “scientologie“ ( néologisme maison fabriqué vraisemblablement à partir du latin scientia “savoir“ et du grec logos “discours “) se prétend être non pas un discours mais le discours même sur le savoir de soi ou cette “ connaissance de la connaissance “ qui est aussi une “religion de la religion “, selon leur propos même, fusionnant science et religion parce que ce n’est pas seulement un discours sur le monde et sur l’homme mais le discours du monde lui-même qui s’autorévèle alors par le biais de cette nouvelle “église“... D’où l’attrait possible opéré sur tout élément un tant soit peu utilisateur de pratique scientifique mais qui auraît arrêté de se poser des questions philosophiques après avoir quitté le lycée...

Seulement lorsque l’on gratte le verni il s’avère que ce jargon repose tout bonnement sur une technique spirituelle traditionnelle à base d’écoute et d’expulsion d’émotions anciennes paralysantes que la psychanalyse a popularisée et qu’une méditation façon zen permet de parfaire afin d’atteindre une sorte de sérénité permanente, celle de ce demi-sourire perpétuel dont tout bon manuel de savoir vivre chrétien parlait également autrefois lorsqu’il décrivait la notion de bonheur intérieur.

Sauf que ce jargon prétentieux se présente également comme ayant également absorbé la religion et c’est là où le bas blesse nous allons voir pourquoi.

L’argument de vente essentiel et performant de la dite scientologie consiste donc tout d’abord de ne pas nier l’origine de sa technique en présentant tout simplement son produit comme synthétisant les traditions spirituelles.

Ce qui revient à souligner fortement qu’elle n’ est pas hostile, bien au contraire, à celles-ci puisqu’en se proposant “ au service des hommes et des religions” les uns et les autres peuvent continuer à garder et à enrichir par son biais leurs diverses croyances.
C’est du moins ce qu’explique son fondateur L. Ron Hubbard (décédé en 1986) dont les écrits ainsi que sa personne ont par ailleurs basculés comme dogmes sacrés permettant d’accéder à une telle synthèse.

Observons déjà avant d’entrer dans le détail, du moins en substance, que nous avons connu cela en France.

Avec d’une part Auguste Comte qui considérait au siècle dernier “l’âge de la Science” comme le nec le plus ultra après l’âge religieux et l’âge métaphysique. Mais qui a fini par transformer ses écrits scientifiques, quoique pour une part intéressants ( c’est lui qui a crée le terme “sociologie“ ), en “Cathéchisme positiviste“ qu’il nomma “Religion de l’Humanité“ et dont il fut le premier “grand prêtre”...
D’autre part, et sous une autre approche, nous avons eu le marxisme-léninisme qui surtout sous la férule de Lénine et de Staline ( car Marx lui ne se prétendait pas “marx-iste“...) se présenta comme une quasi-religion avec son dogme et ses lois inamovibles dont la substance prétendait régir non seulement les rapports entre les hommes mais aussi commander les relations entre les atomes ( par exemple Lyssenko en URSS qui niait l’existence des gènes ) ce que même Engels n’aurait pas osé avancer...
Quant à l’engouement pour la psychanalyse de type freudien ou de type “existentiel” ( c’est ainsi que Sartre nommait sa méthode psychanalytique dans “l’être et le néant “ ) ce fut une autre espèce d’entrée en religion, surtout dans sa version lacanienne, et dont l’essentiel tournait autour d’une pratique à la longue insupportable qui faisait de tout éternuement, toux, rhume, non seulement un signe de psychosomatisation, ce qui peut se comprendre, mais aussi et surtout un signe de perte d’ascendant, c’est-à-dire de pouvoir et donc de puissance.
Or ceci engendrait une recherche éperdue du pourquoi du pourquoi (etc) qui peut néanmoins se comprendre ( tel le fait de casser son lacet chez Sartre ) du moins si elle ne basculait pas dans une sorte de paranoïa elle même frôlant l’autisme et dans lequel tout le monde épiait tout le monde tout en pensant que plus rien d’autre n’ existait en dehors de soi ; autrui n’étant plus que projection, effet, ou miroir de son petit nombril, qui, mathématisé, algébrisé à base d’ensemble d’union d’intersection d’exclusion et de bijection, devenait dieu c’est-à-dire l’essence du monde voire de l’univers. Il suffit de discuter ou de lire quelques anciens maos sartriens, dont certains sont partis alimenter divers intégrismes ou vivotent encore à l’ombre de synthèses plus ou moins fumeuses, pour se rendre compte que, décidément, la “ sciento “ n’a rien inventée....

En ayant connu un tel délire (au sens non pas platonicien ou dionysiaque mais farfelu du terme) nous sommes donc bien mieux préparés à comprendre en France que cette dite “scientologie“ est, elle aussi, une sorte de pseudo idéologie syncrétique attrape tout faite de bric et de broc mi pseudo-psy, mi pseudo-science mi tout ce que vous voulez de transcendantalement vôtre. C’est-à-dire en fait un discours attrape naïf qui a décidé non pas de transformer instutionnellement le monde pour en faire un univers utopique ou divin mais plutôt de vendre les techniques efficaces permettant d’arriver, de l’intérieur, à sa maîtrise politique et financière.

La dite “ scientologie” ne se présente cependant pas d’emblée ainsi.Elle apparaît plutôt comme une espèce, rentable, de commercialisation à l’échelle mondiale de ce que l’on pourrait nommer une sorte de vaste et vague synthèse de toutes les techniques de savoir qui touche à l’organisation interne de la personne. Et le fait qu’elle soit rentable ne gêne pas le moins du monde ses adeptes en Amérique et en Asie puisque bien au contraire c’est le signe même prouvant que la Providence est derrière elle. Ce qui, bien entendu, ne marche pas ainsi dans les pays à forte tradition catholique et rationaliste se méfiant de toute commercialisation du spirituel.

Et si l’on entre maintenant dans le détail des produits proposés par la “sciento“ l’on s’aperçoit qu’elle traficote non seulement les techniques philosophiques grecques bien connues comme le “connais-toi toi même“ qu’elle a d’ailleurs placée en slogan publicitaire sur ses affiches, elle utilise également en produit d'appel une approche éthique avançant que l’homme est naturellement bon. Ou encore elle fournit une approche anthropologique bon marché stipulant que puisque l’être humain a des aptitudes innées il faut qu’il se mettre en position de les libérer en se débarrassant d’émotions négatives.
Ce dernier aspect permet alors à la dite scientologie d’avoir donc en premier lieu comme produit d’appel une base psychologique qu’elle nomme “dianétique“, -(marque maison fabriqué à partir du matériel grec “dia“ à travers “ et “noos“ âme... Elle a d’ailleurs commencé par là avant de se métamorphoser en pseudo religion c’est-à-dire ayant la prétention de parler non plus sur l’univers ou ses entités mais directement en son nom...), et qui tourne pour l’essentiel dans le fait d’aider le demandeur, nommé “auditeur“, ( et le terme s’apparente plus à un audit qu’à une écoute en fait...), à se désaclenver d’émotions paralysantes emmagasinées dans ce qui est nommé “engramme“ dans le jargon scientologue.

Cet “engramme“ est en fait assez semblable au choc nerveux ( nervous shock ) de Charcot, le maître de Freud. Rappelons que ce choc condense toute les informations qui n’en découlent pas nécessairement directement mais y sont comme associées tel l’aboiement d’un chien ou le crissement des pneus lors d’un accident de la route. Elles deviennent alors douleureuses au même titre que le choc lui-même lorsque refoulées elles reviennent en mémoire. Créant alors des interférences, des malaises, angoisses, et autres phobies, qu’il s’agit d’expurger,( d’ abréagir dit-on en technique psy traditionnelle).

Passé ce stade somme toute devenu assez banal, du moins pour ceux qui ont ouvert une fois dans leur vie un livre de psychologie ou de méditation, la dite “dianétique” se transforme alors en “scientologie” pure et simple c’est-à-dire se fait fort ensuite de vendre des techniques permettant d’optimiser cette fois le désir de vivre le mieux qui soit en permanence, même après la mort ou encore à partir de la connaissance de la mort.

Or ceci est le point même qui achoppe car en se donnant en effet le caractère pseudo religieux qui lui manquait elle fait en sorte de s’ échapper de toute saisie critique : si l’on aborde le domaine du révélé l’on quitte en effet immanquablement le terrain du démonstratif pour atteindre les rivages de l’irréfutable et donc de ce qui n’est pas saisissable par la raison mais seulement par le pari d’y croire comme le formulait déjà Pascal.

L’accroche de vente consiste alors à ne plus se contenter d’être une technique de maîtrise de soi (ou “dianétique“ ) qui peu à peu s’affinerait vers une espèce de sagesse à base de méditation et de relaxation tels que le tao, le zen, le bouddhisme, ou les diverses mystiques juives chrétiennes et musulmannes ont su de tout temps exprimer.
Il s’agit pour la “scientologie” d’englober ces sortes de concurrents ( qui eux-mêmes avaient absorbés le meilleur des techniques anciennes qu’elles soient polythéistes ou animistes ) pour dessiner une sorte de compréhension, définitive, de ce qu’est l’homme, l’univers, Dieu, la mort, la vie, tout ce que voulez mais que vous n’avez jamais osez imaginer.

Le verni méta-théo-physique façon sciento est donc de révéler que tout être humain est en fait un esprit immortel, un “thétan “( néologisme maison venant de la lettre grecque Thêta utilisé par les grecs pour représenter la pensée ). C’ est-à-dire une aptitude à être, à créer,(ce qu’autrefois l’on nommait “l’âme“ en fait...). Et aussi à se “réincarner ” ( idem...), ce qui permet de poser la mort comme simple transition. Ce “thétan“ serait entouré d’un mental dont une partie inconsciente et négative ( ou “mental réactif“ dans leur jargon ) emmagasine les expériences douloureuses stockées dans les “engrammes“ ce qui l’empêche d’atteindre un état de lucidité ( ou “clair“ ) dans lequel le mental dit positif lui permet d’agir efficacement dans le monde ( il faut compter un à deux ans pour y arriver ).
Puis si ce “thétan“ veut être à son optimum, s’il veut atteindre le “but ultime ” ( douze ans ), celui de connaître l’au delà de la mort, il lui faut avoir d’abord franchi avec succès des “ dynamiques “ d’élévation qui vont de la simple “survie “ ( première dynamique qui est atteinte en état de “ clair “ ) à la volonté de fusion avec l’univers ( huitième dynamique ).

Ce but ultime consistera à atteindre une sorte d’ état de conscience infiniment raffinée, un nirvana permanent ou un état de félicité dont parlent également toutes les religions et autres sagesses, mais qui serait non seulement proche du divin mais s’apparentait au divin lui-même, ce qui va plus loin que ces dernières car l’on franchit l’étape de la mort pour atteindre tout simplement celle de la maîtrise absolue.

En effet cette étape qui se nomme dans le jargon scientologue “l’ OT total“ ou Opérating Thetan, (Thétan opérant), aurait non seulement la capacité, définitive, de se libérer infiniment de ce qui l’emprisonne. Mais aussi de commencer à maitriser l’univers physique composé selon la sciento de la “Matière” de “l’Energie”, de “l’Espace” ( Space ) et du “Temps” ( ou “M.E.S.T“ ) et ce de façon totale.
C’est la “vérité révélée“. Son nom de code est “OT.VIII“.
Elle coûte environ le prix d’une “mercédès décapotable“ ( 500.000 fr, la première étape dite d’audition coûtant environ 500 fr) au dire du scientologue qui a, très très gentiment, bien voulu nous recevoir.
Mais il a n’ a pas voulu ou pas pu révéler ce qu’il y a après “OT VIII” puisque selon l’organigramme retraçant les diverses étapes de purification les “OT” ou Opérating Thetan, vont jusqu’à “XV”.
Ce qui laisse au moins supposer le double du prix et sans doute l’omniscience pluridirectionnelle et multiforme qui saurait vous mettre en totale vibration non seulement avec le monde mais aussi vous permettrait de connaître vos vies antérieures et futures et il suffirait presque d’entendre dire que la sciento fait aussi dans la haute couture pour se demander si tel ou tel admirateur de Nostradamus n’en serait peut-être pas lui aussi....

L’on pourrait donc d’ailleurs continuer à se gausser. Seulement observons que la dite “scientologie” arrive assez adroitement à de plus en plus devenir une espèce de supermarché du prêt à penser en vendant des techniques spirituelles certes galvaudées et remixées mais sans payer cependant de droits d’auteur ou de licence, et tout en ayant le culot d’en happer la substantifique moëlle pour la présenter de telle manière qu’elle puisse être vendue au sein d’une population toute admirative des diverses retombées technologiques dans laquelle elle baigne depuis un siècle maintenant.

La “scientologie“ va en effet amadouer les sceptiques et autres crédules mais néanmoins férus de technologie avec toute une armature électronique qui tel le canada dry a le goût et l’apparence de la technologie triomphante, comme par exemple le fameux “électropsychomètre“.
C’est que cet outil s’apparente en fait à une sorte de détecteur de mensonge qui souligne les désaccords entre ce qui est dit et ce qui est vécu dans l’instant, au dire du fondateur L. Ron. Hubbard qui emploie cette comparaison dans une vidéo de présentation de la doctrine et qu’il prétend avoir amélioré puisqu’il s’agit d’après lui non pas de s’en servir pour confondre mais aider à se
“libérer“. Ce qui est là une pirouette facile pour se démarquer de l’habituel détecteur dont les américains sont très friands.

Ainsi en supposant que chaque pensée renvoie une image, celle-ci serait accompagnée d’ une espèce de “poids“ émotionnel qui peut être douloureux. C’est ce qui est nommé “engramme“ nous l’avons vu plus haut.
La tactique de fidélisation du client consiste, dès la première étape, à lui faire miroiter monts et merveilles grâce à cet appareil qu’il n’a cependant pas le droit de consommer avant qu’un “superviseur“ ou un autre “auditeur“ ,( car l’audition peut aller par deux, surtout si l’on a peu d’argent, le superviseur étant seulement là pour veiller au bon déroulement ) le juge digne d’accéder à sa manipulation.
Le client appâté et parfois sans doute avide de sensations nouvelles est alors convié de s’auto-ausculter à vitesse grand v et surtout là où cela fait mal ( ce qui après tout est en effet une sensation comme une autre...). Lorsqu’il se sent mieux, ( et donc atteint l’état dit de “clair “), il peut enfin entrer grâce à l’appareil, qui fait ainsi office de drogue ou de “ maître “, en une espèce de mise en vibration de mise en transe pour atteindre l’état de pseudo nirvana d’après la mort décrit plus haut ( Thétan Opérant ).

La subtilité de la “ scientologie “ est de placer tout ceci non pas sous la houlette d’une philosophie ou d’une esthétique, qu’elle soit mortifère ou frénétique, tel que le vaudou, mais sous la maîtrise, rassurante, de l’appareil, clignotant telle une chaîne stéréo, le tableau de bord d’un avion ou d’une simulation vidéo, et dont l’accès est d’ailleurs élevé au rang de “sacrement technologique “ dans les écrits, qui sont eux-mêmes “sacrés“ rappelons-le.

Il semble bien donc et nous arrivons au coeur de notre hypothèse stipulée au tout début que la “scientologie“ utilise le détecteur de mensonge rebaptisé pompeusement “électropsychomètre“ parce que son apparence technique peut en effet amadouer toute une catégorie de personnes qui ont toujours considéré la philosophie, la religion et même l’éthique ou la psychologie comme étant des savoirs désuets que le Prosac et autres pilules dites réparatrices peuvent parfaitement remplacer mais qui, au détour d’un problème, se sont aperçus qu’il n’en était rien, que le médicament était impuissant à faire oublier sans parler de ses effets secondaires.

C’est alors précisément la subtilité de la “ scientologie” que de critiquer ce genre de pratique réductrice telle que la psychiatrie médicamenteuse ancienne manière (et dont les excès ont permis précisément à la psychanalyse de surgir) pour se présenter comme une espèce de science unifiée de l’homme qui se veut par ailleurs une religion afin de faire également le lien avec l’au delà de la mort et l’origine de tout et surtout en fait d’échapper à toute critique uniquement rationnelle.

Admettant ainsi que l’homme n’est pas qu’une somme biochimique mais un tout qui ne peut être réduit à ses parties comme le disait Aristote puisque l’homme en effet ne tombe pas à l’instar d’une pierre mais décide de le faire ou non et donc peut entrer en conflit avec ses pulsions et même les contrôler, la scientologie, forte de cette touche de spiritualité et parée de la technicité scientifique grâce à leur machine, virtuelle en réalité, peut donc se métamorphoser en prêtresse moderne de la mécanique de l’âme. Et séduire toute une frange de gens fragilisés au départ et/ou croyant que “la“ science appliquée peut apporter, en même temps que “le“ progrès, une morale, une façon d’être, et, surtout, une discipline de vie, une éthique, pour s’organiser, s “autodévelopper“ dit le psychologue de la motivation Joseph Nuttin.(1)

L’on pourrait d’ailleurs rapprocher ce genre de dérive avec l’actuel intégrisme au Proche Orient, et même en Occident, car il symbolise, semble-t-il, un retour du balancier qui touche précisément toutes ces catégories qui méprisaient dans leur jeunesse toute sagesse, éthique, psychologie, ne jurant que par le politiquement correct ou le jouir sans entraves et qui en arrivant vers la trentaine se rendent compte qu’ils leur faut bien avoir eux-aussi quelques principes de vie et que pour ne pas les remettre en cause toutes les cinq minutes il faille bien les sacraliser mais ce dans une forme qui en même temps s’articule avec leur lutte de jeunesse contre la société moderne dont la liberté de choix et la séduction multiforme peuvent troubler. C’est par exemple patent en Egypte en Algérie ou en Israël où ce sont principalement les couches techniciennes ou celles du personnel médical ou juriste qui sont le plus touchées et non pas seulement les miséreux abandonnés par tous.

Bien sûr les “scientologues“ cette “élite de la planète Terre“ comme ils se nomment, seraient offusqués par une telle analyse et surtout un tel rapprochement.

En particulier sans doute certains de leurs permanents organisés à la façon de la Navy américaine, uniforme compris, et déambulant sous l’appellation de “ l’Organisation maritime “. Une sorte d’ élite de “ l’élite de la planète Terre “ qui se nomme aussi“ ambassadeurs OT “. Car l’élite de l’élite voyage. Surtout sur des paquebots de plaisance ( tel que le “ Freewinds “ ). Tout en restant branchés sous OT total ( nirvana, extase, béatitude d’après la mort etc ).
Lorsqu’il revient sur la terre ferme ce beau petit monde peut aller se reposer dans de vastes et belles propriétés bien agréables. Spécialement à Los Angeles et en Angleterre, dans le Sussex.

Ainsi les “scientologues” peuvent dormir tranquillement à l’ombre de leur fétiche, de leur outil “sacré ” qu’est cet “électropsychomètre” ( dont une récente version nommé le “simulateur Hubbard” peut même s’emmener chez soi pour s’“entraîner “) puisque généralement leurs détracteurs les plus agressifs ne s’attaquent pas au contenu de la doctrine mais font plutôt état de tel ou tel grief à leur actif, tel suicide, tel échec.

Seulement les "scientologues" ont alors beau jeu de clamer qu’ils remboursent ( comme Darty ) en cas d’insatisfaction et que la relation de cause à effet entre tel suicide et telle participation à leur audition n’est pas évidente. Surtout venant de personnes choisissant ce genre de “ thérapie “ souvent par hasard et à la suite d’une perte comme nous l’a d’ailleurs relaté Pierre A. qui a suivi une dizaine d’auditions en compagnie d’une “co-auditrice“ dans la même demande que lui.

D’autres détracteurs parlent, eux, d’influences occultes, par exemple au coeur même de l’appareil judiciaire tels ces divers incendies plus ou moins opportuns qui ont ainsi évités d’y regarder de plus près. Seulement il s’avère que les “ scientologues “ mettent en avant l’origine de l’hostilité à leur encontre sur le compte de pressions elles-aussi occultes venues spécialement du monde “pharmaco-psychiatrique” selon eux.
Et, en coupe-feu final, ils ont alors beau jeu de montrer fièrement que telle ou telle personnalité comme John Travolta ou Tom Cruise ne s’en portent pas plus mal et mieux encore puisque par exemple Travolta a déclaré qu’il créditait son succès moins à ses propres efforts qu’aux écrits de L. Ron Hubbard. Tandis que Kelly Preston, sa femme, ajoute que grâce à la “scientologie“ elle a su enfin développer ses dons d’actrice tout en rendant heureuse sa petite famille.

Plus encore, et pour parachever ce genre de petite histoire, il s’est avéré que lorsque Travolta préparait le tournage de ce film le mettant dans la peau d’un Président américain assez chaud question jupons et qui n’est pas sans rappeler Clinton, ce dernier aurait alors tenté de faire pression pour amoindrir le scénarii. En échange Clinton aurait accepté d’acquiescer à la requête de Travolta qui lui demandait d’user dans ce cas de son influence en Allemagne pour que les juges cessent d’embêter la “Scientologie” en refusant de la reconnaître comme religion au même titre que les autres. Ce qui est un manque à gagner certain puisqu’en Allemagne le denier du culte étant obligatoire il va uniquement aux églises reconnues. Ce que contestent les “scientologues”. Mais Clinton a démenti en disant selon l’agence Reuter que : “ la seule chose que j’ai essayé d’obtenir ( de Travolta ) était un autographe pour mes enfants “

Remarquons également que dans le chapitre du soutien sinon curieux, du moins étonnant, l’on ne compte plus le nombre de “professeurs“ et autres “savants“ sans parler de “religieux“ qui au dire de la scientologie s’empressent de “reconnaître“ le caractère religieux de cette pseudo doctrine et ce seulement parce que celle-ci l’a décidée alors que, traditionnellement, il faut plusieurs siècles sinon des millénaires pour que tel ou tel corpus de pensée soit considéré ainsi.

Et il semble bien que c’est précisément là, dans cette affirmation non fondée d’être à la fois une science du soi et une religion qui connaît l’au delà de la mort qu’il aurait fallu porter le fer et le battre pendant qu’il est chaud. Or il est navrant de constater que la critique anti-scientologie consiste principalement à lui lancer des noms d’oiseaux dont ceux de “secte“ ( les “scientologues” répondent d’ailleurs en agitant la notion “d’intolérance“ et même se réclament des “droits de l’homme“ pour pimenter le spectacle ) au lieu d’aller au coeur de leur supposée révélation afin d’expliquer aux adeptes potentiels pourquoi ils feraient mieux de s’adresser ailleurs.

A moins néanmoins que certaines demandes cherchent non pas une thérapie ou une foi et beaucoup plus une explication rassurante sur le monde qui éviterait ainsi de se poser des questions dérangeantes tels que le fait que la vie soit un combat perpétuel et une victoire sans cesse remise en cause sur soi ou que le conflit entre le désir et le réel est permanent. Questions dont les scientologues profitent. Spécialement lorsqu’il fait très beau et qu’on les voit alors surgir tels des vautours aux bouches de métro proposer leur “ test “ en forme de tract. Comme pour signifier, d’emblée, que sous un tel soleil, il est tout de même navrant d’être déprimé. Comme si le fait d’être mal devait être immédiatement perçu comme impur et donc expurgé, éradiqué et définitivement. Alors qu’il semble bien que le mal être revient à chaque fois que le devoir être se trouve altéré dans son développement. Il est donc normal d’être parfois triste et même de pleurer.
Mais de cette trivialité motus et bouche cousue. Car le pigeon ( surtout à Paris ) est roi.

(1) (Sur la question du développement humain la “Théorie de la motivation humaine“ de Joseph Nuttin ( ed PUF ) est une solide et sérieuse contribution à la connaissance de soi car Nuttin, qui a travaillé avec Paul Fraisse le collaborateur de Jean Piaget et est reconnu par quelqu’un d’aussi important que Maurice Reuchlin, met au centre de sa réflexion les notions de dynamisme, de besoin, et les moyens d’en comprendre précisément les motivations ).

LSO. Juillet 1997.