Ma rencontre avec Séguin

Le bar se nomme le Tambour. Au coin de la rue de la Jussienne et de la rue Montmartre. Dans le second arrondissement parisien. Je n'y avais jamais mis les pieds ou peut-être une fois avec une femme qui habitait à deux numéros de là.

Pourquoi afficher un tel snobisme ? Sans doute parce que je n'aime pas aller, seul, dans les endroits convenus. Ou à la mode. Aussi entrer une seconde fois me semblait un peu étrange, presque farfelu. Mais j'avais une raison : une réunion de quartier avec les organisateurs de la campagne de Philippe Séguin sur le 2ème arrondissement méritait en effet que je m'enfonçasse une seconde fois dans ce bar toujours bondé de joyeux touristes, de pochards méditatifs et de personnages médiatico-célèbre (il y avait Bourges -l'ex patron du CSA- ce soir là palabrant, entre deux piliers de bar scotchés à leur bière, avec quelqu'un de sa connaissance).

Séguin arriva ou plutôt apparut d'un pas nonchalant un doigt de scotch immédiatement à la main, disant bonjour à tout le monde d'une manière étrange, à la fois évasive et retenue, presque pudique et en tous cas légèrement en différé, mais refusant de s'asseoir là où on lui proposait pour aller plutôt discuter avec une charmante jeune femme candidate et un médecin adepte sportif qui fit beaucoup rire Séguin en prononçant quelques cygles que seul un adepte de la chose peut capter.

L'impression qu'il me fit était alambiquée d'emblée tant sa façon de voir sans regarder pouvait être désarçonnante. Mais ensuite lorsque je le vis aller d'abord plutôt là où il se sentait séduit, je me dis qu'un tel homme ne pouvait pas être seulement cette mécanique à serrer, en premier,les mains puissantes, alors que l'on a si souvent coutume de rencontrer ce genre de zozo dans ces contrées de la politique, surtout en période de chasse électorale.

Il fallait faire quelque chose. Je me résolus à adopter le plan B puisque la première présentation n'avait strictement rien donné sinon un mouvement de paupière gauche et une secousse brève entre nos deux mains droites. Je me mis a lui parler du lycée Carnot, de Tunis, qu'un ami m'avait tant vanté. Le miracle se produisit : Séguin fixa son attention et je sentis une sorte de regard me scanner pendant qu'un sourire m'ouvrait enfin son visage.

Février 2001

LSO