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Monde multipolaire (Chirac) ou oligopolaire (USA) ? (Eté 2003)

Jacques Chirac, avec le multipolaire, reste dans le monde ancien de la Realpolitic qui reconnaît seulement les Etats, peu importe leurs régimes, tandis que les USA, du moins depuis le 11 septembre 2001, s'inscrivent plutôt dans le cadre de l'oligopolaire, -(plutôt que l'unipolaire EU-USA dont parle, un peu maladroitement, Tony Blair)-, en ce sens que le régime politique compte autant, sinon plus, que la structure d'Etat léguée par l'Histoire.

Qu'est-ce à dire ?

Ceci: Il existe une différence entre, d'une part, un monde qui ne serait multiple que dans la forme et tout à fait antagoniste dans le fond, ce qui est instable à terme (comme l'a analysé Jean Baechler dans divers travaux en avançant ce concept même d'oligopolaire), et, d'autre part, un monde qui serait uni, dans le fond, autour d'un certain nombre d'idées comme celles de la démocratie et du développement régulée par des instances de plus en plus partenariales, tout en étant divers dans la forme, du fait de l'Histoire, quoique de manière limitée (Précis de la démocratie, Paris, Calmann-Lévy, 1994, p.212, voir également le numéro Printemps 2003 de la revue Commentaire), en ce sens que les conjonctions d'Etats, à l'instar de l'Union Européenne, seraient privilégiées au lieu de leur émiettement, comme c'est le cas aujourd'hui.

Avec son monde "multipolaire" Chirac accentue cet émiettement et nous laisse prisonniers du passé, celui d'avant la Chute du Mur de Berlin, à l'époque où il existait non pas un bipôle Ouest/Est, mais un multipôle depuis la scission Pékin/Moscou et l'émergence du Tiers Monde, et dans lequel il était dénié qu'il existe des droits fondamentaux universels comme les libertés de penser et d'entreprendre dans le respect de soi et d'autrui, de même qu'il était dénié aux nations sans Etat le droit à l'existence ne serait-ce que linguistique.

L'avènement de régimes théocratiques comme en Iran ou il y a peu en Afghanistan, voire en Algérie, n'a fait que renforcer cet aspect multipolaire qui a bien montré qu'il n'est divers qu'en apparence puisque les droits élémentaires restent bafoués.

Est-ce ce monde là que nous voulons ? Est-ce là "l'exception culturelle"? Est-ce qu'il est juste que des cultures refusent d'évoluer ? Qu'en leur sein des traditions antinomiques avec le droit des peuples mais aussi des individus à disposer d'eux-mêmes soient renforcées, voire restaurées par le biais de projection identitaires artificiellement construites (comme l'a bien vu Jean-François Bayart dans L'illusion identitaire -Fayard, 1996), empêchant ainsi que de nouvelles traditions basées sur des conceptions plus respectueuses du développement personnel et spirituel puissent surgir?

Est-ce que cette multipolarité tant vantée a induit plus de responsablité, de compréhension réciproque, au niveau de la politique internationale ? Non. Si des avancées en matière de droit économique ont été importantes (OMC), si des embryons de droit international ont été mis au point comme le Tribunal international, il n'en reste pas moins que des forces totalitaires au sein même de cette structure internationale nommée l'ONU, -(qui a remplacé la feu Société des Nations d'avant guerre, celle-ci ayant été incapable de stopper Hitler, ne n'oublions pas)-, veulent utiliser ces nouvelles structures pour renforcer leur dictature, comme on peut le voir avec la Commission des Droits de l'Homme, tout en faisant condamner, par le simple jeu de l'association de vote, des pays authentiquement démocratiques -au-delà des critiques qu'il est possible de leur faire-comme les USA et Israël.

Nous sommes en fait encore dans la vision multipolaire du monde, vision postmoderne par excellence puisque les droits élémentaires sont considérés comme des "points de vues", des opinions.

Par contre la vision oligopolaire considère que la nature des régimes politiques doit être prise en compte et que le Concert des Nations doit reposer sur un fond commun, des principes de philosophie politique partagés par tous, au-delà des formes historiques qu'ils recouvrent nécessairement.

Ainsi, au niveau des Etats, l'Inde ce n'est ni le Pakistan ni l'Iran, et le Tibet ce n'est pas la Chine, de même Taïwan d'ailleurs, tandis qu'au niveau des Nations l'Ecosse ce n'est pas l'Angleterre, la Corse ce n'est pas la Bretagne, le Piémont ce n'est pas la Sicile (tandis que les îles éoliennes ne s'y incluent pas...), du moins s'il est fait une distinction (mais non une séparation...) entre Etat et Nation, l'Europe par exemple devenant, peu à peu, un Etat supranational, tout en préservant la distinction en son sein entre les peuples et donc entre les régions dans lesquelles ils évoluent, mais en refusant la séparation comme le veulent les totalitaires identitaires en Corse et au pays Basque.

L'oligopolarité dans ce cas va bien plus loin que la multipolarité dans la reconnaissance du fait national, tout en considérant que la différence ne peut être vécue pleinement si toutes les nations concernées ne partagent pas les mêmes valeurs de base; ce qui n'empêche pas les conflits, les critiques; mais cela relève plutôt du jeu habituel des volontés de puissance, coextensives transcendantalement au phénomène humain, en ce sens qu'il y aura toujours des interprétations divergentes, dissonantes, des principes; du moins dans une certaine mesure garantie précisément par l'oligopolarité qui interdit que les fondamentaux soient remis en cause.

Dans cette optique la vision oligopolaire s'éloigne de la conception postmoderne de la Raison dans l'Histoire, -dans laquelle tous les points de vue prévalent mais, nécessairement, se combattent à terme par effet de puissance coextensive au fait humain-, au profit d'une conception néomoderne dans laquelle la Raison devient oligomorphe.

Ainsi, de même que se trouve distingué les Etats et les Régimes politiques d'une part, et les Etats et les Nations d'autre part, du moins dans le cadre d'un nombre donné de droits fondamentaux à respecter, de même la Raison dans l'Histoire (comme le disait Hegel) est dite oligomorphe en ce sens qu'elle n'oppose pas les "niveaux de réalité" chers à Baechler (démocraties, Calmann-Lévy, 1985, p17) en ce sens que le physicien aurait plus raison que le poète ou l'inverse comme le conteste si justement Boudon (A quoi sert la notion de "Structure", Gallimard, 1968, p226, note 10), mais que, au contraire, pour saisir le phénomène humain, pour le vivre également, il faille plusieurs angles de vue, plusieurs points de perception qui se distinguent, se complètent, et que c'est leur tramage, le treillis qui en résulte, qui forme vision, vision, force condensée, synthétisée, qui, par les traits ainsi exposés, trace un visage, tisse une chair, condense un souffle (pneuma) et non pas seulement un corps, de la matière.

Pourquoi ? Parce qu'il s'agit d'assembler celle-ci, que la matière surtout vivante, surtout humaine, n'est pas semblable à un conglomérat d'atomes, un mouvement brownien, une pierre, elle a un sens ontologique qui forme raison naturelle mais celle-ci n'est pas fixe puisqu'elle n'existe qu' en interaction avec son environnement, d'où la raison historique celle des conditions d'émergence de cette forme et non d'une autre.

L'une et l'autre raison seront alors dites oligomorphes, puisque seules certaines formes de vie peuvent persister dans leur être et que seuls certains principes peuvent l'en assurer.

En ce sens la vision oligomorphe s'inscrit dans le cadre oligopolaire comme son fondement transcendantal se déployant à l'Age néomoderne; le suffixe "néo" signifiant seulement que le fond principiel de la modernité doit se penser Renaissance en permanence (Vinci), par exemple en intégrant plus fortement en son sein le caractère oligomorphique qui le fonde, ce qui permettrait de ne plus opposer science et poésie, politique et religion.

Tel serait l'atour laïc nécessaire, c'est-à-dire la forme républicaine essentielle que prendrait le politique au niveau mondial, au-delà du fait qu'il se décline bien entendu selon les particularités et les singularités tramant, de plus en plus, l'Humanité.

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Les racines nihilistes du totalitarisme se réclamant de l'Islam, l'origine de sa bonne réception dans le monde, et le rôle de la France pour y remédier (juin 2003)


Si l'on réfléchit tout d'abord sur les totalitarismes précédents, par exemple léniniste-staliniste-hitlériste-maoïste leur racine commune réside en ce que celle-ci ne s'avère pas être le produit de la pauvreté comme il est prétendu, même si elle peut l'alimenter pour une part, mais va puiser sa souche essentielle dans le sentiment de se sentir inférieur sur le plan patriotique et culturel, sentiment que l'on va compenser en se glorifiant d'un passé supposé supérieur, surtout lorsque les griefs s'alimentent des faiblesses multiformes du temps présent.

En Russie, et il suffit de lire le journal de Dostoïevski, l'impression d'être exclu de l'histoire européenne alors que sa culture a tant marqué une âme russe qui se prétendait supérieure mystiquement et psychiquement s'est articulée à une surenchère sur les moyens de résoudre les problèmes existentiels et sociaux -en rejetant par exemple le fondement même de la modernité basé sur la liberté de choisir ses liens à l'intérieur et à l'extérieur de soi- pour choisir une sorte de retour à une vie communautaire aussi illusoire qu'imaginaire.

En Allemagne (et je l'ai montré dans un récent article intitulé Imaginaire et réalité de la néo-modernité : http://www.espritcritique.org/0502/esp0502article04.html) l'impossibilité de se sentir unifié dans un avenir commun et le confinement des villes par une aristocratie désuète ont bien plus alimenté le ressentiment populaire que l'humiliation du Traité de Versailles, celui-ci confirmant plutôt l'insignifiance de l'Allemagne dans le jeu du monde malgré son sentiment de supériorité qu'un Fichte et un Nietzsche poussèrent le plus loin possible.

La France échappa au 20ème siècle à ce délire parce qu'elle avait déjà beaucoup donné dans le genre à partir de 1793 au moment de la Terreur...
En fait si la pauvreté était le moteur majeur des totalitarismes, l'Amérique Latine et l'Afrique seraient, aujourd'hui, en première ligne. Il y existe certes de puissants mouvements de guérilla ou de de rébellion dissidente, aucun n'est en mesure de l'emporter de manière aussi massive, à l'exception de Cuba, il est vrai, sauf que l'adhésion de masse semble y être de moins en moins probante.

Quant au totalitarisme islamiste au pouvoir en Iran, il a pu s'y hisser grâce à l'impossibilité du Shah d'amorcer la démocratisation réelle du pays et d'une espèce de réaction aux excès d'un modernisme réduisant la modernité à la consommation ostentatoire et le nihilisme dans les moeurs. Il en fut de même en Algérie, aujourd'hui au Pakistan, voire en Irak, et c'est là le trait essentiel qu'il s'agit, ici, de bien cerner.

Il est en effet possible d'analyser qu'il n'est pas contradictoire qu'un Ben Laden, voire un Omar Sheikh (dépeint dans le dernier livre de BHL) cerveau de l'assassinat, sacrificiel, (parce que fondateur et mis en scène sous vidéo) de Daniel Pearl, soient à la fois des occidentaux en quelque sorte "râtés" et des totalitaires islamistes en quête d'une identité, d'un "soi ", aux origines enjolivées.

D'un côté en effet, ils synthétisent comment l'occidentalisation superficielle, réduite à la consommation à outrance et au libertinage posé comme but unique et obligé, a touché en masse les franges instruites principalement dans les sciences pragmatiques (droit, médecine, gestion, commerce) et appliquées (chimie, physique, biologie) qui, sous la pression conjointe d'un esprit technocratique, du marxisme vulgarisé par Lénine réduisant toute conscience à son origine sociale, d'un freudisme réduisant la limite à une contrainte (Marcuse synthétisant l'ensemble, bien avant Foucault) répandirent l'idée que les principes moraux n'étaient que des préjugés "préscientifiques" et "bourgeois"pervertis par ce fait même, qu'il s'agissait de s'en débarrasser par la dépravation totale dépassant de loin le fait d'expérimenter autre chose comme ce fut le cas dans les années 60 (qu'il ne faut donc pas réduire à cet extrémisme là).

Mais, comme les choses décomposées ne peuvent durer, par définition, et que passé 30 ans il n'est guère aisé de continuer de survivre affectivement, psychiquement, dans le chaos absolu, le retour de bâton s'impose dans l'excès inverse, celui du prosélytisme rigoriste à la recherche désespérée de principes de vie inviolables, protecteurs contre la tentation, se durcissant aux franges dans une mise au ban de l'humanité toute entière sommée de se purifier de la même manière sous peine de mort.

De l'autre côté, cette réduction de l'esprit occidental à une volonté de puissance débridée qui ne peut être limitée que par un retour à son encadrement strict, empêchait d'être habité par cet autre aspect de l'esprit d'occident nourri d'humanisme et de méditation scientifique (l'Islam d'Espagne en fut également partie prenante, de même que celui de Bagdad et de Damas avant d'être évincé par le même purisme renaissant aujourd'hui), esprit qui au fond émergea de la Ville lorsque celle-ci s'émancipa peu à peu de la Seigneurie et de l'Eglise, et qui mettait en avant les idées de liberté de penser et d'entreprendre dans le respect de soi et d'autrui, ce qui impliquait à terme une libération des pratiques et des moeurs, charriant certes le meilleur comme le pire, mais permettant un jeu conflictuel d'affinement.

L'esprit occidental, synthétisé par la Ville, elle-même nourrie de christianisme (qui a été le premier a systématiser l'interrogation grecque questionnant, en dehors et contre toute tradition, le lien entre la pensée et l'absolu posé à la fois comme limite et infinité), nourrie de technique et de droit romain, le tout revivifié par la Renaissance et son esprit expérimental observable autant dans les arts (Vinci) que dans la science (Bacon), cet esprit, son souffle (pneuma) a été alors réduit à la portion congrue par des explications populistes et vulgarisantes qui se répandent parmi les franges musulmanes mal occidentalisées, et nous en subissons de plus en plus les conséquences aujourd'hui.

Mais ces explications réductrices ne sont pas tombées du ciel.

Issues d'un vieux fonds mystique de renoncement, d'effroi devant la ville, modernisées par Rousseau dénonçant les excès de la sophistication logique au détriment du sentiment, puis par Baboeuf, Fourier, aspirant à un égalitarisme réduisant les personnes à des corps, ces explications rapides et unilatérales (alimentées aussi par l'Encyclopédie) furent nommées "idéologies"- et ont peu à peu cherché à rassasier les rancoeurs en englobant également les réactions hyper conservatrices à la Joseph de Maistre (Jacobi en Allemagne), à la Péguy, et autre Maurras, sans parler ensuite de toute la vulgate indiquée plus haut issue des Lénine et autres lectures "matérialistes" de Freud, qui, par un paradoxe étrange, ont à la fois donné congé à la morale tout en prônant un anti-développement prôche du renoncement mystique mais obligatoire pour tous. Chose qui imbibe d'ailleurs les courants antiglobalisation prônant une sorte de néo-frugalité à consonance religieuse non dite.

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que certains de ces courants soient si indulgents envers l'islamisme radical (comme le remarque Del Valle en parlant du soutien des Brigades rouges italiennes à Ben Laden) puisque celui-ci incarne précisément ce renoncement; sans se douter cependant (mais les intellectuels qui le soutiennent le savent, tels les Derrida et Baudrillard...) que l'embrigadement de la volonté dans cette seule voie débouche à terme vers un désir de guerre extérieure, de propagation violente, l'énergie en sustentation ne pouvant guère rester en ébullition permanente sans exploser et se répandre (à moins qu'elle n'implose et ne s'évapore comme cela arrive heureusement au bout d'un certain temps...).

Ce vaste détour explicatif (quoique succinct) ne prétend pas néanmoins considérer que le noyautage et la propagande opérés par les explications idéologisantes (et au fond permanentes puisqu'elles alimentent les représentations du monde),expliqueraient, à elles seules, leur réception de plus en plus massive dans certaines franges d'origine immigrées et issues également d'une gauche et d'une droite corporatistes et réactionnaires en décomposition.
La montée en puissance d'une telle réception s'explique également par deux facteurs centraux en dehors de la compréhension superficielle de l'esprit d'Occident indiquée plus haut : Les besoins de repères et d'interdits comportementaux émis par certaines personnalités fragiles et/ou hypersensibles.
Ce dernier besoin existe d'autant plus que l'accroissement de la libéralisation des comportements et des désirs (à la consommation accélérée par leur mise en images personnalisée et privée) entraîne leur manipulation par ces deux types de nihilisme que sont l'affairisme surfant par exemple sur la recherche plus poussée de la sensation et de l'émotion en soi, ce qui ne peut pas ne pas alimenter la hargne viscérale des courants idéologiques décrits plus haut puisque d'une part la réduction de l'émotion à l'excitation entraîne rapidement une saturation puis un épuisement qui trouve sa solution dans l'extrême dissolution ou, alors, dans son basculement vers son opposé transformant ainsi la recherche du jouir en extase d'absolu, adrélanine surpuissante qui, en position d'overdose, détourne le renoncement mystique dans une sorte de tantrisme manipulé dans lequel la dissolution de soi par la destruction de l'autre (par exemple chez Blanchot et Derrida comme je l'ai montré dans mes deux livres sur le nihilisme antirationaliste) fait office d'impératif ascétique catégorique.

Ces deux nihilismes, l'affairiste et le néo-renonçant, sont donc apparemment opposés mais ils s'alimentent mutuellement puisque le refus des limites et des valeurs devient de plus en plus leur socle commun. Ce qui entraîne en retour et comme pour s'en protéger une rigidité des comportements préférant se voiler dans des limites et des valeurs allant aux antipodes non seulement de ces deux types de nihilisme, mais également des évolutions universelles basées sur les droits de l'homme et de la femme. C'est d'ailleurs exactement ce même processus qui est et qui a été à la base des mouvements réactionnaires et fascistes français, italiens et espagnols et qui a permis à la gauche léniniste et auréolé de surréalisme de pousser vers eux les individus les plus sensibles et ensuite de se gargariser de lutte anti-fasciste qu'elle alimentait et dont elle partageait certaines valeurs par exemple sa haine anti-libérale (comme la bien montré François Furet dans Le passé d'une illusion).

Il ne faut donc pas se méprendre. La montée en puissance des intégrismes, en particulier islamiste, ne s'explique pas seulement par la dextérité de ses mandants à l'infiltration et à la manipulation idéologique.
Elle trouve un terrain fertile parce que toute une idéologie cynique et affairiste se pose en s'opposant aux courants néo-renonçants qui eux-mêmes s'en servent comme repoussoir pour faire prospérer leurs racines méandreuses issues des décompositions conjointes du marxisme léniniste et du freudisme mécaniste implosant dans le sensualisme obligatoire d'un côté et du renoncement national-réactionnaire du post-maurrassisme de l'autre.

Ces deux types d'idéologies dominantes trouvent un écho certain aujourd'hui parce qu'elles sont alimentées par les effets pervers induits par le basculement de la société techno-urbaine dans une médiatisation vidéo-fantasmatique du lien social et des désirs, ce qui nécessite la recherche permanente d'un développement qui éviterait et l'adulation d'un passé mystique et le basculement dans un rigorisme artificiel ou une anarchie des désirs, et ce en distinguant croissance et affinement, non pas par pure gestuelle moralisante, mais bien parce que c'est dans l'approfondissement de la construction interne et externe du soi que l'architecture mentale peut élancer au mieux ses aqueducs logiques et émotionnels, sources distinctes mais conjointes de la conscience de soi, surtout lorsqu'elle s'aperçoit que ce faisant elle devient partie prenante de l'Esprit, incarné dans les peuples à même de se hisser à une telle hauteur de vue comme l'énonçait Hegel.

La France pourrait ainsi montrer que c'est par la qualité, et non par le seul accroissement de quantité, que l'on peut atteindre une capacité d'appréhension à même de contenir les effets pervers de la Technique et de la Ville sans avoir à en faire l'expérience négative absolue en laissant agir à leur guise le technocratisme et l'affairisme.
C'est par exemple en se réformant en profondeur, quitte à employer systématiquement le référendum pour accroître son assise légitime (y compris pour les retraites), que la France peut montrer que l'on peut éviter le recroquevillement dans les traditions désuètes, ne serait-ce qu'en protégeant les pratiques séculaires qui favorisent le développement, ainsi que les nouvelles traditions basées sur l'approfondissement qualitatif de la construction de soi, cette base étant précisément le critère ultime qui en permettrait l'appréhension objective.

Ce serait là le rôle,réel, de l'Etat au service, réel, du public, en ce sens qu'il priviliégerait l'équité républicaine -cette égalité réelle- à l'égalitarisme idéel mettant sur le même pied celui qui travaille et celui qui refuse l'effort; il protégerait le plus faible non en limitant les forts mais en encourageant les uns et les autres à s'épauler et il ferait en sorte que cela ne reste pas un voeu pieux en veillant à ce que tout ce qui peut favoriser l'instruction et l'harmonie sociale mais aussi spirituelle soit développé.
La France, de part son passé et son histoire, pourrait montrer qu'elle a quelque chose à dire permettant d'articuler efficacité technique et qualité de vie, hissant ainsi la civilisation moderne vers son apogée. Malgré les écueils incessants et les erreurs, permanentes.


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Saillies et autres contrastes vus par le prisme irakien

1.Envoyé spécial de France 2 : Aldejzeira sur Seine ? Il a fallu qu'un médecin algérien décrypte les pleurs d'un enfant en disant qu'il n'était touché que superficiellement pour ralentir le processus victimaire entamé par la voix lancinante du commentateur qui orientait principalement son commentaire des atrocités de toute guerre sur les bombardements américains. Pas une seule fois, ne lui a effleurée l'idée que la poursuite des souffrances vient conjointement du refus de capituler de S.H et de la haine des pseudo volontaires "arabes", S.A du totalitarisme intégriste blasphémant, souillant, la troisième interprétation du Livre.

2.Première erreur anglaise à Bassorah: l'idée de réintroduire une structure politique clanique au sein d' entités urbaines est erronée puisque précisément l'originalité anthropologique du phénomène de la ville s'érige contre la prégnance symbolique et politique des structures tribales sur les individus aspirant à vivre leur propre liberté de penser et d'entreprendre. Nous ne sommes plus au 19ème siècle, même en Irak...Il est vrai néanmoins que le régime husseinien, en se retirant, dévoile l'effroyable : il ne reposait que sur la terreur, y compris contre les soldats irakiens obligés d'aller en première ligne sous la menace des S.S du parti BAAS (ayant gazé des dizaines de milliers de personnes, il est possible de les cataloguer ainsi). Police politique omniprésente, police civile inexistante, le règne des mafias se lève : comme en Russie...Il faudra méditer cela : les mafias sont le seul recours lorsque d'une part l'Etat de droit n'existe pas, et, d'autre part, lorsque la société civile ne peut pas se développer économiquement.

3.Pour qui se prennent les dirigeants turcs ? Au nom de quoi se permettent-ils de dicter leur loi au Kurdistan ? Du fait qu'il y aurait de fortes minorités turques ? Mais il existe aussi de fortes minorités kurdes, cette fois, en Turquie...Alors quoi ? Après avoir empêché les forces américaines d'entrer par le Nord, voilà que ces mêmes dirigeants se plaignent qu'elles ne soient pas assez nombreuses pour...pourquoi déjà ? Réprimer les justes aspirations d'un peuple à son auto-détermination ? Mais c'est précisément là le socle ultime des droits de l'Homme au fondement même de la future Constitution européenne auquelle la Turquie devrait prêter allégeance si elle veut, vraiment, entrer dans l'Union. Mais le veut-elle ? Et, surtout, le doit-elle ? Il semble bien, de plus en plus, qu'elle ne le puisse pas. C'est elle-même qui se met à la porte de l'Europe.

4.Et la France dans tout cela ? Faut-il tirer sur l'ambulance ? Doit-on expliquer les raisons du saccage du centre culturel français à Bagdad ? Pour aller à l'essentiel afin de ne pas nous répéter inutilement, disons que si la France avait été du côté de l'Histoire, c'est-à-dire du côté du développement, mondial, des idées démocratiques basées sur les libertés de penser et d'entreprendre, idées historiquement nées en Grèce, mais ontologiquement universelles dès la Préhistoire, il aurait été bon, qu'immédiatement, la France tienne son rang dans le conflit contre le totalitarisme intégriste et, également, parce qu'elle est la patrie des droits de l'homme et du citoyen, qu'elle s'oppose rigoureusement aux vélléités turques et lui fasse entendre haut et fort le Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes -inscrit dans la Charte de l'ONU soit dit en passant. Par ailleurs l'expérience française en matière de police, de gendarmerie surtout, aurait été fort utile pour former la future police irakienne.

Au lieu de cela les actuels représentants français veulent immédiatement faire une césarienne, retirer l'embryon, pour l'inséminer dans l'utérus de la tour de Babel qu'est devenue l'Onu : c'est aussi irresponsable que le fait d'avoir confondu légalité et légitimité. Puisqu'il s'agit, d'abord, de faire en sorte que l'embryon puisse déjà devenir un bébé, ce qui est encore loin d'être évident au vu des forces de l'ombre, diverses et variées, qui sont prêtes à tout pour que cela aille mal. Pensez donc ! Une démocratie en Irak : la Syrie, l'Egypte, l'Algérie, tous ces pays tenus par le national-intégrisme militarisé enrichi jusqu'à la racine des cheveux en tremblent déjà. Qu'à cela ne tienne : ils trouveront une oreille compréhensive à... Paris.

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Eviter les morts ? Par la capitulation

Or pas une fois ce mot n'est prononcé. Pourquoi ? Parce que le peuple irakien se répandrait dans les rues de Bagdad par millions pour arrêter les chars et que la capitulation dans ce cas serait illégitime ? Tout le monde sait que ce n'est pas le cas (à part le ministre de l'information de Saddam) et que le peuple irakien dans son écrasante majorité veut plutôt que la clique husseinienne s'en aille. Alors quoi ? S'agit-il de compenser les erreurs d'analyse par les pleurs hypocrites?

Si l'on veut que cela s'arrête vraiment, que le régime capitule ! Or pas un seul responsable des "no war" n'exige cela, préférant en sous-main signifier que la Coalition devrait s'arrêter là et repartir, confondant encore une fois l'Irak et un palais de Saddam. Pendant ce temps, en catimini, Castro condamne à tour de bras, que fait Chirac (et le Monde diplo ?...) ? Il s'agglutine au corps de pleureuses dans une fuite en avant inouïe alors que les problèmes s'accumulent en France, en passe d'emporter Raffarin. Il est facile ensuite de se moquer des jeunes "cowboys" américains, concédant à peine la manière anglaise de s'y prendre à Bassora, exhibant la moindre goutte de sang comme preuve que la guerre est mauvaise, sans en appeler une seule fois le régime de Saddam à la raison. Cet entêtement est étrange. Et surtout ignoble.

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Pleurer les morts

Tous les morts. Et pas seulement ceux qui nous sied. Mais peut-on mettre sur le même pied d'égalité des meurtres délibérés et des meurtres par accident ? N'y-a-t-il pas deux poids et deux mesures lorsque l'on recherche seulement "la" cause lorsqu'il s'agit des 3000 morts des Twins, d'aucuns affirmant que "les" américains l'ont "bien cherché", et refusant de chercher aussi la cause lorsqu'une voiture refuse de s'arrêter à proximité d'un lieu où une voiture piégée a sauté, lorsque les hommes de Saddam utilisent une ambulance du Croissant rouge pour ouvrir le feu ? Ne peut-on pas comprendre, sans excuser dans l'excès, pourquoi un pilote confond des paysans dispersés dans un champ et les sbires de Saddam lorsque ceux-là se cachent en leur sein, s'habillent comme eux, utilisent leurs cars pour se déplacer, les menacent puis les exécutent lorsqu'ils refusent d'aller se battre ou de servir comme boucliers ?

Certains ne veulent cependant rien entendre, prenant ces accidents comme prétextes pour demander que "l'on cesse la guerre", mais c'est trop tard ! il aurait fallu que Chirac ne menace pas d'un véto "en toutes circonstances" ce qui était donner un feu vert à Saddam pourqu'il continue son jeu de cache cache alors que les troupes de la Coalition trouvent en permanence des combinaisons anti-chimiques et des masques à gaz (tandis qu'ils dénichent en pagaille des roquettes... dans des écoles...). Et que dire des populations au Sud, au Nord, qui font de plus en plus confiance et indiquent, d'elles-mêmes, les caches d'armes, mais aussi les endroits où les membres du Parti Baas (qui les terrorisent) se terrent, et complotent pour prendre encore mieux en otage leur propre peuple, faut-il, une seconde fois, les abandonner à la vengeance ? Cette haine insatiable qui a tué, sans compter, en 1991. Il n'y avait pas beaucoup de pleureuses pour les accompagner dans l'Au-delà.

Si l'on veut, vraiment, que cela s'arrête, il faut que Saddam capitule, comme Hiro-hito, mais il ne veut pas, il se prétend Staline alors qu'il n'est qu'Hitler lorsque celui-ci pour punir son peuple refusa de se rendre afin que les soviétiques punissent les allemands de l'avoir abandonné. Qu'il s'en aille !

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Chirac ira-t-il manifester avec les lycéens Place de la Concorde ?

Il pourrait faire comme Mitterrand lors de la première cohabitation en 1986 et aller manifester avec la jeunesse pour que "les bombardements cessent" puisque dans le monde merveilleux chiraquien les guerres sont menées uniquement par la force du verbe. Sourires mis à part, Chirac a en fait besoin que son quart d'heure de gloire internationale maintienne encore cette impression forte que produisent les acteurs de dessins animés lorsqu'ils traversent un précipice sans corde et sans souci tant qu'ils ne s'en apercevoient pas.

Plus ce quart d'heure persistera, plus Chirac évitera de subir le sort de Raffarin mis à mal dans les sondages. Or s'il veut être réelu en 2007 il lui faut ligoter la gauche et la droite dans une union sacrée qui arrive même à embrigader l'extrême gauche et l'extrême droite. Seule la fuite en avant dans un pacifisme cynique peut lui permettre d'y arriver. Mais ce n'est pas sûr, sauf si Chirac ne demande, d'ici peu, la fermeture de l'espace aérien français aux avions américains.

S'il le fait, Chirac laissera alors croire qu'il ne vise pas seulement une stratégie intérieure, mais détient lui aussi un projet à long terme: celui de la "multipolarité".

Sauf que cette conception, malgré sa consonance "plurielle", ne répond pas aux défis de l'heure puisqu'elle ne fait qu'entériner une situation existante qui voit cohabiter des dictatures et des démocraties. Si, en effet, il s'agit de considérer que plusieurs "pôles" existent en tant qu'entités géo-historiques, cela n'a cependant rien à voir avec le fait que ces entités ne puissent pas reposer sur les mêmes fondamentaux.

Car si ceux-ci peuvent être vécus différemment, ils ne peuvent pas se déployer au point de devenir des "exceptions culturelles" qui interdiraient par exemple une universalisation du Droit des personnes et des biens puisque d'aucuns pourraient fort bien énoncer qu'au nom de cette "exception " et au nom du "multipolaire" des catégories sociales n'auraient pas de droits ou, au contraire, détiendraient un monopole de fait sur, par exemple, des services publics...

Le monde "multipolaire" de Chirac c'est le conservatisme continué par d'autres moyens. C'est le refus du changement, de l'innovation, c'est confondre avantages acquis et privilèges statutaires : exactement ce que reprochait le Tiers-Etat aux classes nobles et ecclésiastiques qui s'arcboutaient sur leur "exception culturelle " de l'époque pour perpétuer des passe-droits qui ont en fait coûté à la France la première place en Europe au détriment de l'Angleterre.

Chirac, et toute la classe politique française (sauf un petit village qui résiste, bon an, mal an, du côté de Redon en Bretagne...), réitère l'erreur des classes nobilières et ecclésiastiques françaises qui ont préféré l'immobilisme à la réforme. De fond. Cela a commencé avec Louis XV, lorsque celui-ci a refusé à Dupleix et Montcalm les aides nécessaires qui auraient permis à la France de damner le pion aux anglosaxons, du moins pendant un temps. Aujourd'hui la planète utiliserait plutôt le français que l'anglais.

Il est d'ailleurs curieux d'observer qu'au lieu de jouer franchement le tournant économique comme le fit l'Angleterre, et donc poser le commerce comme un vecteur bien plus puissant que les régiments les plus vigoureux de la Vieille Garde napoléonienne, tout en préservant cependant un art de vivre qui n'oppose pas l'Ancien et le Nouveau, mais les transcende, la France rentra à reculons dans le mode de vie urbain, même si elle se rattrapa par la suite du fait de la force de son génie propre lorsqu'il n'est pas entravé, par exemple en passant d'un extrême à l'autre tel que copier un productivisme, un quantitativisme, que la couverture étatique légitima, jusqu'au bout, dans des errements technocratiques qui n'évitèrent pas les farines animales et le sang contaminé.

Et, aujourd'hui, au lieu de jouer franchement une carte à la fois universaliste et européenne, montrant qu'il est possible de créer une société mondiale basée sur les fondamentaux des libertés de penser et d'entreprendre dans le respect de soi et d'autrui, et, donc, de prendre le contre-pied du long sommeil dogmatique américain qui a du attendre le 11 septembre 2001 pour se réveiller d'une conception croyant qu'il suffit de commercer pour être, la France chiraquienne, quand bien même surfe-t-elle sur le mécontement mondial actuel, n'y répond pas dans sa profondeur existentielle mais ne fait seulement que l'utiliser pour des raisons encore inavouées.

Que veulent en effet signifier ces millions d'hommes, de femmes, et de gosses, qui manifestent "pour la paix" ? Qu'est-ce qui les différencient des pacifistes des années 30 traumatisés par la Grande Guerre de 14 ? Comment se fait-il que cela soit précisément dans les pays qui se sont les plus rapidement intégrés dans la société techno-urbaine et ses bulles médiatiques de tv réalité sur paillettes érotiques, posant le fantasme comme réalité première à la une des magazines, que les manifestations ont été si massives ? Ne voit-on pas qu'en fait pour des pays comme l'Italie, l'Espagne, la Grèce, la France, le Royaume Uni, l'Allemagne, les USA catalysent justement cette frayeur dont parle Jose Maechor Gonzales ("La peur du changement et le destin français" http://www.revue-politique.com/6_01_07078.htm) ? C'est-à-dire cette peur de voir tous les liens sociaux, les socles familiaux, ce qui restait de prérogative communautaire, se métamorphoser vers un "inconnu" que symbolisent les USA comme société individuelle, médiatique, narcissique, terrifiant des sociétés encore nostalgiques du patriarcat, même si elles ont tout fait pour s'en émanciper et que, maintenant, à la croisée des chemins, elles semblent être attirées vers une espèce de retour vers un monde plus spirituel moins ostentatoire, ce qui serait louable s'il n'y avait pas cette sombre idée de vouloir l'imposer à tous.

L'Europe pourrait pourtant montrer que l'approfondissement nouveau de la liberté ne signifie pas la mort de ce qui reste solide dans l'ancien, mais qu'il ne suffit pas de passer d'un extrême à l'autre, de Woodstock à l'interdiction de l'avortement et des thérapeuties géniques, pour prendre à bras le corps cette nouvelle querelle des Anciens et des Modernes, ce bras de fer entre les partisans de la liberté absolue, récusant l'idée même de loi et qui se recrute autant chez les anarchistes que chez les libéraux, et les partisans de l'égalité absolue, confondant égalité des droits et justice d'un côté, et l'égalitarisme soupesant d'un même poid le travailleur et l'oisif volontaire, recrutant autant chez les léninistes que chez les nostalgiques d'une noblesse de sang ou de robe.

La France dans le conflit à venir entre les partisans d'une néo-frugalité obligatoire et d'un affairisme cynique imprégné de volonté de puissance soigneusement dissimulé, aurait pu d'ores et déjà les renvoyer dos à dos, tout en présentant une position ferme et intransigeante lorsque le péril est en train de croître. Mais, pour cela, il aurait fallu refuser la démagogie, penser, enfin, au lieu de se laisser aller à la nostalgie d'un âge glorieux qui reposait en fait sur cette force que précisément l'on refuse d'utiliser à bon escient. Comme si d'aucuns préféraient passer d'un extrême à l'autre, d'une force sans retenue, à une retenue sans force.

Voilà ce que l'on attendait d'un Président français, fermement du côté des américains, les critiquant, amicalement, lorsqu'ils semblent hésiter à demander des comptes aux dictateurs, proposant au monde un type de société articulant développement et affinement, parce que l'optimum est préférable au maximum, parce que le cynisme, en ne voyant plus ses limites, perd le sens des réalités, ne conçoit pas que la recherche de la vérité permet justement d'atteindre une objectivité à la base de ce qui est nécessaire pour devenir meilleur : dans les deux sens de ce terme.

Tel est l'enjeu. Le fondement. Le défi. Il n'est pas trop tard.

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L'attaque contre Le Monde : le dessous des cartes

L'étonnant dans cette attaque réside en ce qu'elle ne semble pas faire une analyse critique (nécessaire) des choix éditoriaux discutables du Monde (par exemple le fait d'utiliser le titrage en cinq colonnes à la une pour des évènements très ciblés tels les "nouveaux réactionnaires" ou des supputations sur les "dépenses en bouche " de Chirac, maire de Paris...), pas plus qu'elle ne souligne que Le Monde semble parfois ménager la chèvre et le chou non pas par objectivité mais parce que son lectorat est plutôt de gauche et tiers-mondiste, ce qui en fait une vraie auberge espagnole qui peut à la fois, dans ses éditoriaux, parler de "l'impérialisme libéral", du "drame" palestinien, en simplifiant grossièrement, et, à la fois, écrire des papiers sur ces mêmes sujets non dénués d'intérêts.

L'attaque dont il est question ne s'intéresse pas à ce genre de choses mais plutôt, d'une part, aux stratégies diverses et variées en matière d'alliance et de désalliance économico-financières et politiques, et, d'autre part, aux antécédents, les "pré requis" pour la plupart familiaux. Avant d'en dire un mot disons tout de suite le fond du propos : l'un des deux auteurs est un journaliste important du magazine de Jean-François Khan, Marianne, et il se trouve que la position du Monde est enviable pour un organe comme Marianne qui se veut à la tête du mouvement anti "néolibéral", du renouveau de la gauche, du renouveau républicain, du centre, ce qui n'est pas mince.

Or Le Monde, par ses positions hétéroclites, je le disais plus haut, fige un lectorat, et donc une politique, ce qu'il faut é.l.i.m.i.n.e.r. Iznogoud se veut Calife à la place du Calife. Ce qui peut, cependant, être pis. Car ayant (un peu) travaillé à Marianne, il fallait être, absolument, "dans la ligne" (anti-libérale en fait et à outrance) pour pouvoir en écrire une (je n'ai pu donc faire que des interviews...). Lorsque je passais dans les bureaux, il y suintait une atmosphère, morne, d'armée hétéroclite piétinant d'impatience, rongeant son frein tant elle avait hâte de prendre l'ascendant intellectuel pour imposer une hégémonie symbolique nécessaire afin de dominer politiquement et durablement en France.

J'en arrive alors à l'analyse d'une des thèses majeures de nos deux siamois iznogoudés (JFK dans l'ombre) celle qui parle des antécédents familiaux -parce que l'autre -la politico-économico-financière- est d'un banal... effarant, sauf à démontrer, évidemment, que Le Monde applique des pratiques qu'il dénonce par ailleurs; mais Marianne ne fait pas mieux lorsqu'il titre en une sur quelques affaires croustillantes, photos alléchantes en sus ou achète L'Evènement du jeudi (et se plante), non, la thèse majeure qui, d'ailleurs, relève également d'un des travers idéologiques du Monde (mais point dans la façon voulue par les auteurs) consiste à appliquer le modèle préconisé par Sartre et amplifié par Bourdieu lorsqu'ils analysent chaque pratique sociale comme étant seulement le "produit" d'un milieu donné.

Ainsi Colombani et Plenel -(les auteurs laissent tomber Minc en cours de route tant pour eux il est, à l'évidence, un "pur" produit, une marionnette, du "néolibéralisme")- ne peuvent pas avoir de motivations singulières, ils ne sont pas à même de configurer des intérêts qui leur seraient spécfiques, non, puisque (et tel est pris qui croyait prendre tant Sartre et surtout Bourdieu ont été encensés par Le Monde...) les motivations, les intérêts, les préférences, les aspects désintéressés des pratiques, ne sont pas analysés par exemple par Bourdieu comme étant le fruit conjugué de tendances s'identifiant de manière spécifique dans un sujet en interaction avec tel milieu, mais seulement comme l'expression, le pli, le produit d'un "champ", d'un milieu. Certes Bourdieu admet une "autonomie" mais cela revient en fait à concéder qu'il puisse exister des variations dans la forme du "produit" voire que l'automate s'allume de façon autonome lorsqu'il est touché par un stimulus, à la façon d'un chien qui salive, d'une porte automatique qui s'écarte lorsque le fil infrarouge est interrompu.

En fait cette pensée qui laisse croire que Flaubert n'est Flaubert que parce qu'il aurait été composé par un milieu, à l'instar d'une substance chimique (ce qui n'était pas l'avis de Maupassant qui ne voulait justement pas être le produit de Flaubert...) cette idéologie à la mode est à la base de la démonstration des Péan-Cohen. Or il s'agit d'un néo-béhaviorisme, d'un néo-fixisme qui veut imposer une idée non fondée, celle d'une suprématie du milieu qui expliquerait tout, la pauvreté comme la richesse, les motivations comme les actes gratuits; dans ce cas, et selon que l'on soit puissant ou misérable, l'on est absout ou diabolisé.

Colombani et Plenel ont font ainsi les frais, après avoir nourri cette pensée à la fois insipide et totalitaire. Peut-être est-il temps pour eux d'écarter la médiocrité conceptuelle pour enfin réfléchir sur la manière de constituer un espace de confrontation qui ne soit pas ainsi biaisé à l'avance par des a priori destructeurs, à l'évidence...Mais que ce genre d'analyse puisse avoir pignon sur rue en dit long sur ce qui se prépare comme nouvelle chasse aux sorcières, montée en puissance d'un extrémisme idéologique mettant à l'index tous ceux qui ont toujours critiqué la tarte à la crème de "la pensée unique" puisque ceux-là mêmes qui la montrent du doigt oublient que ce doigt leur appartient. Soyons imbéciles : regardons à qui appartient le doigt mont(r)ant la lune (des lendemains qui chantent)...

Plus d'inspecteurs pourquoi faire ?

Powell n'a pas tort : si Hussein veut coopérer il n'y a pas besoin de plus d'inspecteurs; s'il s'agit de le prendre en flagrant délit rien ne dit que l'on y arrivera lorsque c'est bien caché et qu'il y a menace de mort sur les familles des scientifiques. En fait Chirac donne plus de temps à Hussein qu'à sa propre opposition...C'est, de plus en plus, une affaire de politique intérieure...

Pendant ce temps Ben Laden attend le jour où Hussein sera attaqué pour entrer en scène, nous verrons le cortège des dénonciateurs de l'Amérique ajouter de l'huile sur le feu, comme si les superméchants ne pouvaient que venir du Nord, voilant que la haine et l'envie deviennent de plus en plus les deux mamelles des vieilles élites en déroute.

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Dégradation française

En quoi serait-il possible de considérer que la situation française se dégrade ? Par une indicible atmosphère de crise larvée, telle par exemple cette tentative d'évasion d'un membre d'Action directe le 12 février qui se nourrit en temps réel d'une virulence existant ces temps-ci autant dans les prisons que dans le reste de la société et même du monde.

Depuis deux à trois ans la violence n'est plus marginalisée, elle est même légitimée, il suffit de crier le plus fort pour se faire reconnaître un droit, il suffit de nier l'évidence pour exister, et lorsque la réforme semble bouchée, la destruction semble être la seule capable de faire payer. Mais il faut qu'elle soit blanche, ouvrière, ou riche mais du Nord.

La violence du Sud n'est pas en effet comprise en tant que telle, mais comme une simple réaction, un "produit", il n'est pas possible d'être méchant au Sud sans avoir été contaminé par le Nord.

Et cette hargne qui est capable de violence, mais n'est acceptable que dans un sens révolutionnaire, pur, le côté méchant étant laissé au "néo-libéral", cette rage se nourrit de n'importe quoi, du blasphème totalitaire (supérieur, dans le crime, à l'apostat puisque personne ne peut tuer au nom de Dieu), et même du refus chiraquien d'en finir avec la dictature d'Hussein, le tout au sein d'une conjoncture française et mondiale abhorrant de nouveau tout ce qui relève de la transformation mutante, confondant allègrement tricheries, passe-droits, affairisme et liberté d'entreprendre.

Les compteurs s'affolent de plus en plus sur l'échelle des secousses politiques. Comme si la part de vrai, telle une pépite, devait être charriée dans des tonnes de boue. En 68, ce fut la même chose: le désir de respirer autrement que sous la hiérarchie des destinées sociales fatales fut accaparé par encore plus étouffant et oligarchique, souffles rauques cherchant sa pitance à Pékin et à la Havane pour pavaner au Quartier latin.

Aujourd'hui tous les conservatismes se serrent les coudes et profitent des manques et autres bêtises des acharnés du pouvoir et de l'argent facile pour faire peur et ameuter les f(r)anges.

A suivre...