La rationalité oligomorphe se veut dans son principe une méthode scientifique de construction et, en même temps, dévaluation, de toute action. Il sagit de dégager un nombre donné (oligos) déléments dont la mise en forme (morphê) au sein de chaque action indique à la fois sa réalisation et permet son évaluation.
Cette méthode est tout dabord dite rationnelle parce quil sagit de considérer que toute action a du sens. Elle est ensuite dite scientifique parce quelle tend à circonscrire en son sein un universel constitutif.
Nous étudierons tout dabord la nature de ces éléments oligomorphes, au nombre de 10, mais uniquement dans le domaine vivant humain, puis nous justifierons la nécessité de les prendre en compte en montrant quils ne se contentent ni de dégager des généralités sur laction, ni de la réduire à leur combinaison.
1. Préliminaire
Commençons par énoncer ces éléments.
Ils sont au nombre de 10 regroupés dans trois ensembles distincts mais non séparés puisquils interagissent en permanence.
Nous donnerons les définitions générales dans un premier temps, puis celles qui concernent le domaine vivant humain, et sur lesquelles nous travaillerons ici exclusivement.
Prévenons que ce qui compte ici consiste bien moins à sarc-bouter, à tout prix, sur la formulation quà dégager un nombre donné déléments nécessaires.
1.1. Dénombrement
Soit trois ensembles distincts, mais non séparés, de lêtre en général: déploiement, développement, organisation.
- Le premier ensemble regroupe les principes ou finalités du déploiement de lêtre, soit (au moins) trois éléments tels quune singularité, une capacité à agir, une pérennité.
- Le second ensemble indique ce qui permet à un tel déploiement de (se) développer. Cest-à-dire de perdurer et aussi de croître. Ce qui nécessite, en même temps, den évaluer le résultat car aucun effort nest fait en vain (même sil est voulu tel). Soit quatre éléments qui permettent une conservation de lêtre, un affinement du résultat atteint, une dispersion ou distribution multiforme dans lespace, une dissolution de ce qui ne sied pas. Ils oscillent dans deux directions: lune renforce, lautre amenuise.
- Le troisième ensemble organise ce quil faut pour ainsi déployer et développer, soit trois éléments qui délimitent des finalités, des moyens pour les réaliser, des formes qui en sont laboutissement, et qui cherchent leur intégration dans un environnement donné.
Voyons ces trois ensembles un par un et en général pour le moment afin de bien en percevoir lunicité et, en même temps, sa diversité lorsquelle se phénoménalise ou apparaît.
1.2
Premier ensemble : le déploiement de lêtre
1.2.1
Le sens général
Le premier ensemble regroupe trois éléments de base nécessaire à lêtre, quil soit du domaine minéral, végétal, animal, humain : une spécificité dexistence, une capacité daction, une consistance pérenne. Pourquoi ? Parce que lêtre de tous les domaines cités nest être quen tant quil déploie au moins ces trois éléments :
- La spécificité dexistence implique par exemple une combinaison singulière de caractères, telle celle des genres, des espèces puis de chacun de leurs membres.
- La capacité daction intègre une possibilité dintelligence, cest-à-dire de mise en relation, limitée au niveau minéral, mais non quelconque au niveau végétal, et ainsi de suite par ordre croissant pour lanimal et lhumain.
- La consistance pérenne traverse les quatre domaines de lêtre, et détient une compacité évolutive sétendant à des milliards dannées pour lunivers à quelques nanosecondes pour les particules.
1.2.2
Le sens singulier
Il sagit de lobserver dans chaque domaine. Nous aborderons uniquement ici le domaine humain, (voir en 2).
1.3
Second ensemble: le développement de lêtre.
1.3.1
Le sens général
Lorsque lêtre déploie sa spécificité dexistence, sa capacité daction, sa consistance pérenne, il le fait par le biais de quatre éléments qui seront appelés modulations du développement.
Pourquoi ? Parce que lobservation et lanalyse montrent que telle émergence de lêtre à tel moment seffectue sous un certain aspect qui indique en même temps un résultat. Plus précisément, celui-ci informe, dune part, que lêtre se déploie dans le cadre dune certaine modulation, et, dautre part, quil se développe dans le sens du renforcement ou de lamenuisement, (de la néguentropie ou de lentropie, de la régénération ou de la corruption).
Il est possible de repérer quatre modulations qui permettent ce double processus de détermination du déploiement et de son évaluation:
- La conservation,
- Laffinement,
- La dispersion,
- La dissolution.
Observons-les une par une, toujours en général, nous les verrons ensuite dans le cas particulier du domaine humain.
Conservation.
Nous avons vu que lorsque lêtre, en général, se déploie, trois éléments sont indispensables : la spécificité dexistence, la capacité daction, la consistance pérenne.
Or ces trois données doivent elles-mêmes se maintenir en état pour atteindre leur nature : elles doivent donc se conserver. Cest-à-dire dêtre en mesure de se reproduire en létat. Tout en étant capables de (se)modifier en fonction. Ce qui implique que la conservation peut osciller entre renforcement et amenuisement selon que lêtre en position de conservation soit à même de souvrir tout en restant en mesure de maîtriser au maximum le processus évolutif et/ou mutationnel.
Affinement.
Lorsque lêtre se trouve en mesure de maîtriser la conservation en se déployant de mieux en mieux et en souvrant aux changements, nous appellerons cette capacité laffinement. Celle-ci peut également osciller entre renforcement et amenuisement.
Dans le premier terme, laffinement accentue le maximum en optimum pensé non pas nécessairement en terme déconomie des moyens, mais de meilleure organisation de laction.
Cest évident ou en tout cas plus probant dans le domaine humain. Cela se voit aussi cependant dans le domaine du vivant, par exemple lorsquune plante, un animal, se modifie sur plusieurs générations sans pour autant atrophier lun de ses organes alors quen position de conservation y compris renforcée, il serait susceptible de le faire.
Par contre, dans le domaine de la matière, il ne semble pas que ce passage de la conservation vers laffinement soit perceptible autrement que par réaction mécanique, laffinement étant alors un résultat agrégatif qui renforce, en ce sens quelle place accidentellement lobjet dans une meilleure continuité.
Ainsi un tremblement de terre peut induire des modifications de territoire qui laissent émerger des fonds marins, augmente lassise dune chaîne montagneuse
Remarquons aussi que ce genre deffets réactifs peut avoir des retombées positives évidentes dans les domaines vivants et humains.
Dans le second terme, celui de lamenuisement, laffinement peut signifier un excès de sophistication, par exemple une prolifération dorganes peut nuire à lhoméostasie densemble.
Dispersion.
Au sens général, cela signifie par exemple quun point possède plusieurs sous-ensembles, faces ou aspects (ou lun/être parménidien). Le renforcement implique quune telle multiplicité peut accentuer lassise, si et seulement si cependant elle namenuise pas la cohérence de lensemble.
Dissolution.
Ce terme ne doit pas être restreint au sens logique dun être qui serait identique au néant parce quil ne serait pas déterminable en soi. Car ceci est faux.
Lêtre, y compris logiquement, se distingue du néant par le fait ontologique de pouvoir se singulariser comme construction, ce que ne peut accomplir le néant, y compris dans lidée. Dans ces conditions, la logique ne se sépare pas de lontologie, même si elle sen distingue; ce qui implique que lêtre va certes utiliser la logique en vue de (se) délimiter par rapport à tous les possibles; ce qui implique de dissoudre en quelque sorte les autres possibles par le fait den choisir un, et de dissoudre tout ce qui empêche dy arriver.
Mais cela ne va pas être fait de nimporte quelle façon, surtout dans le domaine humain, puisquil sagit dagir ontologiquement dans le cadre du couple renforcement/amenuisement.
Le renforcement impliquera ainsi de (se) délimiter en vue de ce qui accroît le déploiement. Ce qui semble probant dans le domaine humain, mais aussi dans le vivant. Par exemple un lion ne tuera que lorsquil aura faim; ce qui nest cependant pas le cas dun tigre, encore moins de lhumain dailleurs
.
Ceci reste cependant peu visible dans la matière inanimée, du moins à notre connaissance. Sauf à y inclure le système des réactions en chaîne qui font que, dans certains cas, la perte ou dissolution accidentelle (agrégative) dun élément rend lensemble plus stable, plus pérenne.
Par contre lamenuisement impliquera le fait quun être soit rendue plus instable, (une combinaison chimique plus explosive), et ne puisse nexister que par la néantisation posée, de fait, comme perspective de lêtre. Cest par exemple une combinaison génétique au turn-over accidenté rendant lanimal plus agressif, une épidémie de rage, ou lagrégation hétérogène de matières qui donne un orage, une tempête.
1.4
Troisième ensemble: Lorganisation de lêtre
1.4.1
Le sens général
Pour déployer lêtre et pour quil (se) développe, cest-à-dire perdure et puisse (faire) croître, nous avons vu quil fallait que certains éléments comme la spécificité dexistence, la capacité daction, la pérennité, puissent se conserver, voire saffiner, tout en étant divers dans les angles de saisie et dans leffort, tout en dissolvant ce qui nest pas intégrable, et, enfin, tout en oscillant vers le renforcement ou lamenuisement.
Lensemble permet alors dindiquer dans chaque modulation un résultat. Comment? En repérant trois éléments ou matrices daction: la finalité, les moyens de la réaliser, la forme atteinte quil sagit dintégrer dans un environnement donné, bref, les trois éléments restants des dix présentés ici : une fin, un moyen, un résultat. Voyons-les, un par un.
La fin
Leffort dêtre, quil soit programmé ou non, nécessite une finalité, celle de se déployer et de leffectuer par le développement. Cette finalité diffère cependant selon les domaines et elle ne se présente pas sous la même forme en leur sein. Il nen reste pas moins quelle existe comme but, quand bien même celui-ci napparaisse pas comme tel au sein de chaque élément y concourant comme le voulait le finalisme.
Mais le tout reste cependant distinct de la somme des parties en ce sens quil ny est pas réduit. De même, chaque élément nen est pas la seule émanation. La finalité signifiant dans ce cas que lélément de lêtre sinscrit, finalement, dans une dynamique qui lintègre en vue de quelque chose. Cest ce en vue de qui importe ici, cest-à-dire au niveau général de lappréhension de la fin comme commencement.
Le moyen
La fin cest la direction, mais avec quel substrat? Cest là leffort de lêtre que dêtre aussi le moyen de sa fin. Et il ne sagit pas ici détablir une distinction entre les domaines, par exemple entre les différentes sortes dêtre, puisque autant une idée, quune particule, voire un vu, a besoin pour finaliser son existence dun moyen plus ou moins actif, ne serait-ce que le fait seul dapparaître.
La forme
Lorsque la fin saccomplit par le biais dun moyen, elle apparaît sous une forme donnée. Ce dernier terme est important. Parce quil signifie que si la fin peut apparaître identiquement, elle peut aussi surgir autrement.Par exemple parce que, trivialement dit, les conditions changent. Ce qui joue également sur le moyen ou substrat nécessaire pour apparaître.
Dans cette perspective, il faut observer que la forme atteinte est un résultat qui permet à la fois dévaluer comment la fin se déploie et se développe, et à la fois comment les moyens uvrent à chaque fois en ce sens.
2.
Le domaine humain.
2.1 Introduction
Le déploiement en général de lêtre, voire lêtre lui-même, implique, nous lavons supputé plus haut, une spécificité dexistence, une capacité daction, une consistance pérenne.
Il semble bien que dans le domaine humain cela se traduise, respectivement, en liberté de pensée, en liberté dentreprendre, en respect de soi et dautrui.
Pourquoi ? Parce que, dune part, lobservation montre que cette traduction est un moyen indispensable pour que la finalité du déploiement développe une forme adéquate à son être. En effet, comment concevoir une spécificité dexistence si elle ne peut pas saffirmer en tant que telle ? Ce qui implique la possibilité non seulement de penser mais de réaliser.
Il va alors de soi, dans ces conditions, que la pérennité saccomplit lorsque le déploiement se développe en respectant lêtre non seulement en son propre sein mais aussi en celui dautrui. Parce que cest en interagissant avec lui que le développement et, par là, le déploiement comme fin est atteint.
Dautre part, une analyse synthétisant un ensemble de travaux divers montre également que la spécificité dexistence se manifeste par une manière singulière dêtre. Ce qui inclut la pensée; tandis que la capacité daction sinscrit dans une liberté dentreprendre; surtout lorsquil sagit de respecter en son sein et en autrui, ces diverses finalités.
Nous pouvons subdiviser le déploiement du domaine humain en trois territoires ou dimension spécifiques :
Lindividuel (A).
Linstitutionnel (B).
Lacte dentreprendre (C).
Nous insisterons essentiellement sur le premier territoire en y appliquant ces trois ensembles généraux (ou ontologiques) de lêtre: le déploiement, le développement et lorganisation.
A. Lindividuel
A1. Le déploiement
A1.1. Le moi-je
Si lêtre vivant humain est en mesure de déployer sa spécificité dexistence, sa capacité daction, sa pérennité, comme liberté de penser et dentreprendre tout en respectant soi-même et autrui, il leffectue par une partie singulière à la fois donnée et façonnée par linteraction avec un milieu donné que nous nommerons le moi.
Ce moi articule des orientations dynamiques innées (Nuttin, 1980) conativement structurées, (Reuchlin, 1990). C'est-à-dire des préférences ou tendances singulières qui montrent que leur façonnement (ou encartage pour employer un terme que Damasio affectionne, 2003), met plutôt laccent sur telle façon native de (se) saisir du réel, renforcée ou amenuisée par tel milieu et par une organisation donnée de lêtre.
Le moi articule également des réactions organiques et sensibles, et devient je lorsque des jugements subjectifs viennent interpréter ces réactions et ensuite se transformer en attitudes.
Cest là le rôle spécifique du cognitif en tant que tel, ce que nous nommerons ici la conscience (dêtre), cest-à-dire le je.
Il est cette instance, cette pointe immergée du moi, qui, en constituant les jugements, permet au soi dêtre sujet de son propre verbe. Du moins au fur et à mesure quil se renforce. Parce quil sagit de sémanciper des amenuisements, comme les refoulements, ou blessures affectives et cognitives, inscrits dans telle incarnation, imprégnation, et dont la présence freine, infériorise, réitère les logiques déchec en les posant comme seules sources destimation de soi dans les deux sens du terme.
Le moi-je confectionne ces jugements en triant des pensées. Cest-à-dire des mixtes composés dimpressions, de souvenirs, de réflexions, de références, de circonlocutions imaginaires permettant de créer des hypothèses, des représentations. Celles-ci, au fur et à mesure, auront besoin de voir leurs réflexions devenir objectives, (cest le troisième volet de lêtre, celui de lorganisation).
Nous appellerons (à la suite de Damasio) les réactions organiques et sensibles des émotions et les jugements subjectifs qui les interprètent des sentiments .
Nous les détaillerons plus loin, lorsque le moi et le je seront regroupés dans le soi.
Ces deux sortes démotions interagissent et permettent par leur ajustement réciproque de construire une enveloppe de pensées (ou les mixtes décrits plus haut) qui accompagne la matérialisation des orientations dynamiques conativement structurées par leur capacité dinformer, dévaluer, de relier, dencourager. Car il sagit de sélectionner ce que ces pensées apportent ou retranchent au déploiement de lêtre lorsquil tend à le développer. Aussi nous faut-il étudier le je de manière distincte.
A1.2. Le je
Pour se déployer comme être, cest-à-dire ici pour pouvoir réaliser ses aptitudes, ou tendances, structurées en des motivations diverses et supportées par telle combinaison démotions, le moi-je se délimite, il devient un acteur politique et un agent socialisé.
Le je devient cet acteur qui, dune part, organise sa capacité daction (troisième découpe), et, dautre part, fait en sorte quen tant quacteur de sa singularité dexistence et garant de sa pérennité, il soit aussi agent socialisé, au sens dêtre à même de sinsérer dans une division sociale donnée, déjà pour se déployer, ensuite pour pouvoir valider lorganisation de son développement.
Ainsi le moi, en se déterminant ainsi, sénonce toujours comme je, ce reproducteur et/ou créateur de réalité modifiant en conséquence lexistant déjà présent, mais dont lactualisation, comme acteur et agent, renforce le déploiement, sauf accident.
Observons quelque peu dans le détail maintenant larticulation moi-je, ou soi, avant daborder les quatre modulations du développement que sont la conservation, laffinement, la dispersion, la dissolution.
A.1.3. Le soi (moi-je)
Le soi, qui articule le moi (orientations+émotions sensibles et jugements subjectifs ou sentiments) et le je (conscience dêtre acteur et, dans ce dessein, devient agent), se déploie sur trois niveaux:
A.1.3.1/le physique ou chair,
A.1.3.2/lappartenance-attachement ou souffle,
A.1.3.3/la mise en valeur ou esprit.
Nous verrons en A.1.4 comment cela sarticule en les étudiant ensemble, en A.2 la façon dont les quatre éléments du développement en module le rythme le tracé et lallure, en A.3 enfin comment cela sorganise et sévalue.
A.1.3.1
Le soi comme chair
La chair articule, ensemble, du sensible (de lémotion et du sentiment) et du cérébral (de la pensée ou symbolique).
Voyons tout dabord laspect sensible:
A.1.3.1/a :
Le sensible regroupe les réactions organiques (et autres capteurs sensitifs) allant de lattraction à la répulsion, de lagréable au désagréable. Ces réactions se manifestent par les émotions allant de la peur à la joie en passant par la tristesse et le rire, le sublime et le dégoût, lagressivité et la tendresse, et par des sentiments parcourant la gamme du bon au mauvais, du beau au laid, de la fierté à la honte.
Chacun de ces émotions et de ces sentiments oscillant entre un excès et un manque qui peuvent surgir comme compensation. Il en sera par exemple pour ces excès que sont lorgueil, la fureur, ladoration, ou ces manques que sont la lâcheté, lapathie, lindifférence.
Il peut être étonnant de classer le bon et le mauvais, la fierté et la honte, le laid et le beau, parmi le sensible génétiquement programmé, alors que ces termes apparaissent plus comme étant des réflexions de surcroît construites socialement comme nous le verrons dans le troisième niveau, celui de lesprit.Ce nest pas contradictoire.
Il existe, dans linteraction, des réactions définissant par exemple lagréable et le désagréable, en fonction de ce quelles apportent intuitivement (dans lespace immédiat du temps) comme effets émotionnels de cohérence, dharmonie, entraînant un bien-être parce que le soi lorsquil se déploie cherche constamment à renforcer sa spécificité dexistence, sa capacité daction, la pérennité de sa consistance.
Il en est de même pour la fierté et la honte, par exemple le cri de triomphe de certains animaux repéré par Janet et Lorenz.
Mais si la réaction est immédiate, sa continuité ne lest pas, elle est filtrée; les réactions et les émotions sont réfléchies de façon cérébrale pour observer si elles correspondent à ce qui peut être nommé des sympathies et des antipathies.
Cest-à-dire des sentiments, ou jugements subjectifs, qui les confirment et les attirent ou les éloignent et les repoussent.
Autrement dit, ces sentiments de la sympathie et de lantipathie prélèvent dans les émotions déclenchées par les diverses réactions organiques ce que cela apporte (bon) ou retranche (mauvais), en termes dharmonie, de ravissement, (beau) et de difforme, (laid), ce qui rend fier ou fait honte au déploiement de lêtre. Ensuite sympathie et antipathie participent, en tant que cartes empirico-déductives, à la formation du goût qui se doit de sorganiser pour saffiner objectivement (troisième découpe).
Observons-en laspect cérébral.
A.1.3.1.b:
Nous supposerons que ces réactions organiques enveloppées émotionnellement et orientées par les jugements comme la sympathie, lantipathie, regroupant les jugements du bon et du mauvais , du beau et le laid, de la fierté et de la honte, dégagent des sensations tactiles et des images assemblées spontanément (union, intersection, exclusion,) en impressions à la recherche de significations pour éviter cet entre-deux du doute qui se nomme le malaise et peut aller jusquà langoisse.
Cette recherche va déclencher des décodages, des souvenirs, et des imaginations; cette dernière fonction permettant la constitution dhypothèses mais aussi ce jeu ludique en mesure de faire perdurer les impressions en fonction de ce qui y est visé.
Ce mixte articulant des réactions (agréable-désagréable) quenveloppent des émotions (joie-tristesse), quorientent des jugements ou sentiments (sympathie-antipahie, beau-laid, fierté-honte), et qualimentent les souvenirs et le jeu de limagination, le tout constituant des impressions (ou images) à la recherche de leur réflexion,forme ce que nous avons appelé plus haut des pensées.
Posons maintenant que celles-ci peuvent se traduire en attachements, en appartenances au monde, ou, au contraire en rejet, en dénigrement du monde.
Convenons dans ce cas dappeler amour, le processus dattachement et dappartenance, et haine le processus de rejet et de dénigrement, les deux pôles mobilisant les émotions et les sentiments qui y correspondent.
La séquence amour-haine se doit cependant dêtre triée (et dans la mesure où il nexiste pas de lésions qui lempêche ou déforme le tri), parce quil sagit aussi de dégager des attachements et des appartenances susceptibles dêtre des réponses ou solutions permettant de donner réellement au déploiement de lêtre lallure susceptible de laider à se développer dans la conservation, laffinement, la dispersion, la dissolution.
Le subjectif a en un mot besoin dobjectiver ces types de rapports que sont lappartenance et lattachement pour les traduire en terme dattitudes. Cest ce que nous verrons plus loin dans la troisième découpe.
A.1.3.2
Le soi comme appartenance-attachement :
le souffle
La consistance pérenne perçue comme effort nécessite autrui, ce qui implique des concordances, des souvenirs partagés, des demandes de validations réciproques, de reconnaissances mutuelles. Surtout lorsque les mêmes pensées semblent être en mouvement.
Bref, lorsquune sympathie sinstitue, allant jusquà lamour dun être ensemble qui peut constitutionnaliser ce sentiment dappartenance et de là accroître les conditions objectives de validation des réponses, et de protection de la concordance des temps spécifiques dexistence et des capacités daction.
Tout cela peut alors sattacher émotionnellement par des sensations damour comme cette chair de poule à lécoute de tel hymne, à lannonce dun exploit. Ou des sensations de haine lorsque tels propos, surtout lorsquils sont institutionnels, vont à lencontre du sentiment dappartenance, ce miroir intérieur qui confirme, légitime, la spécifité dexistence.
Le soi comme appartenance et attachement cherche alors sa mise en valeur comme esprit non seulement du temps, du présent, mais comme espace et comme temps.
Dans ces conditions lesprit nest pas lincarnation du temps, mais lespace-temps de la mise en valeur comme souffle (pneuma) cest-à-dire le biais par lequel le soi non seulement respire dans sa spécificité, mais sauto-appartient et sy attache; tout en y incluant autrui parce que cest aussi par lui quil acquiert son propre temps comme espace de déploiement.
Tout dépend cependant comment ceci est mise en valeur lorsquil sagit de conserver, daffiner, de disperser, de dissoudre, pour (se) développer. Cest ce que nous verrons (en A4 et en A5).
A.1.3.3
Le soi comme mise en valeur ou esprit
Lesprit regroupe les points de repère, principes et valeurs qui permettent au soi non seulement dexister mais dêtre cet humain. Ce qui nécessite de se mettre en valeur au sens littéral, donc de (se)développer, ce qui incite à rechercher les moyens qui permettent une telle mise en valeur.
Nommons ces moyens des motivations.
Pourquoi existent-elles ?
Le soi pourrait se contenter de se déployer, de se reproduire dans le même. Juste se conserver. Cest un choix possible. Mais il ne peut pas être le seul, dune part. Dautre part, se déployer est un terme extensif qui ne se limite pas nécessairement à lextériorisation dun intrinsèque fini.
Comme la montré Nuttin (1980) cest une dynamique dautodéveloppement scandée par des motivations conativement déterminées (Reuchlin, 1990) et dont la mise en forme est historiquement située.
Enfin, le soi nest pas seul; plus encore, il nest quen interaction avec le monde; ce qui ne peut pas ne pas amener (par rétroaction), des modifications, des offres et des demandes, des désirs non seulement dadaptation mais de transformation, et donc daccentuation possible de tel aspect.
Cependant, le déploiement ainsi pensé comme mise en valeur ou développement se doit également dévaluer lapport non seulement pour soi, mais aussi vis-à-vis dautrui puisque celui-ci fait partie intégrante du soi comme appartenance-attachement.
Chaque action du moi décidée, confirmée, par je tente donc de correspondre au mieux qui soit au déploiement du soi, ce qui comprend son développement, cest-à-dire la croissance et son évaluation. Car autrement le sentiment de fierté peut sinverser dans lamenuisement en sentiment dorgueil.
Mais comment arriver à cette justesse ? Par la prise en compte de lexistence de jugements objectifs ou principes les plus vertueux qui soient -comme le courage, la prudence, la justice- dont la présence vérifiée par lhistoire des appartenances et des attachements, à commencer par celle de limprégnation familiale-, accompagne nécessairement lémergence de laction.
Comment ? En mettant en forme les comportements traduisant les émotions et les sentiments qui y correspondent. Ainsi le courage permettra à la fierté de se réaliser, mais évitera la témérité, donc sentretiendra avec cette valeur suprême quest la prudence. Et ainsi de suite concernant les vertus. Ce qui les structure comme pivots de toute action. Cest-à-dire comme des jugements objectifs, au-delà du fait quils se déclinent cependant dans des formes sociales historiquement déterminées.
Ainsi le sentiment de fierté complexifié socialement en honneur, na pas le même sens pour un aristocrate et un bourgeois, il nempêche que chacun dentre-eux, tout comme un chinois et un maori, en seront dotés. Nous verrons dans la troisième découpe que cette mise en valeur est précisément lenjeu de lorganisation de lêtre.
A.1.4
Le soi perçu dun seul tenant
Observons pour ce qui nous concerne ici que ces trois niveaux du soi (chair, souffle, esprit) accompagnent et évaluent en même temps la réalisation de chaque motion, tout en se tournant de plus en plus vers la socialisation pour en comprendre de mieux en mieux la signification, afin d en justifier la manifestation et/ou sa limitation.
La séquence, résumée, pourrait être donc la suivante : dans chaque interaction sinstituent des sensations qui déclenchent des réactions liées aux orientations conatives, ce qui stimule à chacun des trois niveaux (chair, souffle, esprit) la construction de pensées ou représentations qui doivent cependant être légitimées et donc trier pour continuer parce quelles déclenchent un comportement donné.
Par ailleurs chaque moment de la séquence saccompagne de gestes, distincts de réflexes, qui semblent scander, envelopper, les motions du corps dun hâlo de mouvements significatifs.
Orientons lanalyse densemble du soi sur cet aspect kinesthésique, parce quil confirme larticulation entre la chair le souffle et lesprit dans chaque micro-geste et attitude, et quil sappuie sur plus de vingt ans dobservations personnelles sur des centaines de personnes et danimaux, -(le nombre dannées dobservation ne préjugeant cependant en rien de leur validité).
A.1.4.1 Laspect kinesthésique
Une première série, classique, dobservations montre que les choix de vêtements, damis, dobjets en général, les poussées brusques de désirs, les juxtapositions de styles, les entrecroisements en apparence fortuits de vêtements, de disques, de livres, de lettres, au fil du quotidien, charrient un ensemble non quelconque mais connues dinformations quil est possible néanmoins daffiner en étudiant le sens du développement, cest-à-dire ce qui renforce ou amenuise la façon dont le déploiement de lêtre se conserve, saffine, disperse, dissout.
Nous le verrons plus loin parce quil nous faut brosser tout dabord lensemble du tableau propre au soi perçu dans son entièreté (chair, souffle, esprit) avant de le moduler.
Dautres séries dobservations mont par exemple montré que tel éternuement, une toux, le fait de se gratter ou de se toucher telle partie de la tête, du corps, nest pas seulement le fruit du hasard des interactions électromagnétiques internes et externes, mais aussi le fruit dune stimulation opérée dans linteraction par tel hémisphère contrôlant telle fonction cognitive et/ou émotionnelle activant tel regoupement de pensées articulant des émotions réactives, des sentiments-jugements, des souvenirs, de limagination, des raisonnements.
Jai repéré par exemple que léternuement nest pas le seul résultat dun courant dair, mais le fait, parfois, quen face dune hésitation, le moi ne sachant pas dans quelle attitude apparaître, le signale de façon externe pour que le je en prenne acte et donc conscience.
Jai donc fait lhypothèse que chaque attitude est une découpe, que celle-ci recoupe un volume donné de combinaison chimique liée à lair respiré et au souffle expiré, quil faudrait percevoir ce que chacun des composants de lair joue comme support fonctionnel lorsquil sagit de déployer une action ne serait-ce quune seule pensée.
Y aurait-il un trop ou un pas assez dun quelque chose dans les éliquibrations humorales accompagnant la combinaison émotionnelle et motivationnelle, ce qui déclencherait léternuement dont les picotements azotés laissent penser que leur sédimentation en attidude ne se fait pas ou mal ?
Pourquoi ? Est-ce par manque de découpe donc doxigène, de vecteur également, donc dhydrogène ? Est-ce que ces manques, qui font que lazote livré en quelque sorte à lui-même excède ses propres capacités et donc le signale par léternuement, ne viennent-ils pas justement dun rétrécissement du souffle au sens littéral ? Cest-à-dire de cette hésitation qui font que le volume dair nest pas suffisant pour gonfler en quelque sorte lattitude choisie, elle-même exprimant une façon dêtre cest-à-dire une manière de réagir, de juger, de se déployer dans, comme, (le) monde ?
Je nen sais rien et cela nécessiterait des expériences.
Il en est de même pour la toux, le reniflement, quun jugement trop hâtif réduit à nêtre quun symptôme pathologique, ce qui ne veut pas dire néanmoins quil ne lest plus dans certaines circonstances comme laffaissement immunologique qui, étant là, et au-delà du fait de savoir si son origine est psychosomatique, nécessite dêtre traité autrement que par la seule prise de conscience de sa signification.
Poursuivons. Pas plus que léternuement nest réductible systématiquement aux effets dun courant dair car il peut être aussi perçu comme lexpression dune hésitation, le baillement signifierait seulement la fatigue physiologique: la fatigue peut être aussi psychologique comme la montré Pierre janet dans ses études sur la neurasthénie.
Il peut certes sagir de lobservation banale soulignant lennui. Mais le baillement peut également signifier quil existe une saturation émotionnelle, un excès despoir, que, par prudence, le soi tend à éteindre en se mettant au ralenti, en désirant changer de réel, tourner la page de linstant.
Ajoutons que ces gestes doivent être également lus selon la découpe hémisphère droit/hémisphère gauche.
Posons que selon les informations en possession issues des sciences du vivant, le premier hémisphère regroupe la source immanente des jaillissements émotionnels et réflexifs dans lespace et dans le temps; simplifions en lappelation en le nommant immanent. Le second hémisphère regroupe les fonctions du langage et de la logique décisionnelle, convenons de parler de transcendant.
Ainsi selon que la main gauche touche le menton, un sourcil, le nez, la paupière, une oreille, le cou, il sagira dy défalquer toute autre cause fortuite, et, en parallèle, de mettre en rapport ce que chacun de ses organes peut exprimer comme informations signifiantes que la main gauche, liée à lhémisphère droit, ou immanence, vient engranger et/ou impulser.
Que se passe-t-il par exemple si la main gauche touche la paupière droite?
En posant que cette dernière est commandée par lhémisphère gauche et que celui-ci regroupe les fonctions du langage et de la logique (ou le transcendant), et que la paupière en tant que tel exprime à la fois la capacité physiologique de protéger lil, et, aussi, la capacité logique de dénombrer la vision, il est possible de conjecturer que la main gauche, émissaire en quelque sorte immanent des émotions et de la spatialisation (hémisphère droit), vienne rappeler à lhémisphère gauche (transcendant : langage+logique) qui contrôle la paupière droite, de prendre en compte, ou en charge, ce qui dans limmanence des visions et des émotions doit être logiquement étudié et verbalisé, cest-à-dire mis sous impression jusquà éventuellement la conceptualisation, autrement dit la désignation formelle.
Prenons dautres exemples. Lorsque la jambe gauche (hémisphère droit) vient reposer sur la jambe droite (hémisphère gauche) cela peut par exemple signifier que limmanent sappuie sur le transcendant pour accomplir telle action parce quil sagit de dénombrer, de conceptualiser.
Lorsque, à linverse, la jambe droite (hémisphère gauche) vient reposer sur la jambe gauche (hémisphère droit) cela indique que le transcendant sappuie sur limmanent pour que laction se réalise.
Limmanent accomplit ce que le transcendant décide, le transcendant décante ce que limmanent engrange.
Si, par exemple, loreille droite, (hémisphère gauche) se fait gratter par la main gauche (hémisphère droit), cela peut signifier, que le transcendant nest pas assez à lécoute ou na pas compris les demandes déclaircissements venant de limmanent.
Reprenons le croisement des jambes.
Dans une conversation avec autrui, le fait de ne pas croiser les jambes et de laisser les bras sur les accoudoirs, lobservation peut montrer quil sagit dune position neutre, cest-à-dire attentive plus quattentiste aux informations attractives tout en soulignant sans plus les informations redondantes, ce qui fait peut-être intervenir les deux hémisphères en même temps mais modérément en ce sens quaucun dentre-eux na besoin de signaler à lautre laccentuation de son activité.
Cest une conversation qui peut être plus technique que générale ou intime.
Par contre, lorsque lun des interlocuteurs se met en position décrite plus haut, à savoir quune de ses jambes se croise sur lautre, lobservation peut signaler, en fonction de la position transcendante/immanente des interocuteurs, ce qui se joue entre-eux en terme de significations.
Une littérature sur cette gestuelle tend également une explication.
Observons par exemple les propos de Joseph Messinger, psychologue, auteur du Sens caché de vos gestes (Edition First):
« Le croisement des jambes est commandée par la partie émotive du cerveau, cest un geste qui traduit la météo de nos humeurs en temps réel. Les droitiers croisent la jambe droite sur la gauche quand ils maîtrisent leur sujet (position attractive). En cas de malaise, vous inverserez naturellement la position pour passer en position répulsive (le principe est inverse pour les gauchers et les femmes). Au cours dun rendez-vous, vous devez toujours vous arranger pour conserver votre interlocuteur en position attractive. » (LExpansion, février 2003, numéro 672, p. 144).
La jambe droite est donc commandée par lhémisphère gauche, la jambe gauche par lhémisphère droit.
Lorsquune jambe est en contact avec la terre et lautre jambe est posée sur elle, cela peut signifier que cest à lhémisphère concernée de prendre la direction de laction.
Pourquoi par exemple croiser la jambe droite sur la jambe gauche ? Il ne sagit pas dêtre en «position attractive » comme le dit Messinger (plus haut), il sagit pour lhémisphère gauche, qui commande la jambe droite, cest-à-dire la logique et le langage, de laisser faire lhémisphère droit, qui commande la jambe gauche,dorganiser le moment dans son espace à la fois émotionnel et formel.
De même passer ensuite en situation inverse ne veut pas dire quil existe un « malaise » comme le croît Messinger mais que lhémisphère droit a besoin de lavis de lhémisphère gauche, cest-à-dire de la logique et du langage pour évaluer et choisir.
Il faudrait donc reprendre toute lanalyse en y intégrant autre chose que lanalytique des rapports de force parce quil sagit aussi de répérer le jeu intrinsèque des hémisphères modulant les interprétations afin de calibrer en quelque sorte les attitudes adéquates.
Lanalyse des gestes peut aller plus loin encore, jusquà létude des mouvements organiques, allant du moment précis et assez classique où lon décide daller aux toilettes avant daccomplir telle action ou encore lorsque lon arrive dans un endroit nouveau, ou lorsque la tension monte avant dintervenir pour la première fois devant une assemblée réputée, ou encore lors d un premier rendez-vous amoureux, ou à la première de telle ou telle activité dun être cher, -(Valéry disait que sil navait pas le trac juste avant de sonner à la porte dune réception, il savait quil ne sy passerait rien
).
Lobservation des mouvements en externe peut aussi montrer la façon dont la démarche saffirme dans un espace symbolique donné en contrebalançant la pression des regards, ce qui nécessite de se redresser, (de saider en toussant éventuellement, avec quelques gestes de raffermissement réajustant ici une mêche, là un vêtement).
Par ailleurs, lobservation des mouvements en interne peut montrer que les organes ne sont pas si silencieux que cela ou, plutôt, que lorsquils sortent du silence cela ne signifie pas la maladie, (pour rebondir sur cette pensée célèbre de Claude Bernard), ni même le stress, mais, aussi, quils viennent scander, redoubler, telle action (comme le rôt, le couinement de la râte, des intestins).
Des expériences plus systématiques pourraient venir coroborrer cette observation.
Attaquons-nous maintenant aux quatre éléments qui permettent à la fois au soi individuel de moduler son développement et, en parallèle, deffectuer son évaluation. Nous en avons vu le sens général plus haut.
A.2
Les modulations du développement
Le sens singulier
Pourquoi le développement ? Parce que le déploiement de lêtre dans chaque action et déjà comme action ne seffectue pas linéairement. Il existe des strates qui agissent à la fois comme des points de passage obligés, des nécessités, des motivations, des évaluations.
Les quatre modulations agissent dans ces diverses déterminations. Elles ne sont pas le tout de laction, mais sans elles celle-ci ne seffectue pas. Cest cela qui importe, plus que lénumération exhaustive de ce qu«est» laction comme manifestation du déploiement de lêtre.
Mais comment être sûr que tout cela ne soit pas subjectif? Qui nous garantit que ces modulations existent et pourquoi les appeler telles? La réponse à la dernière question est aisée malgré lapparence: lappelation importe moins que la désignation, celle qui permet de répondre à la première question en indiquant que pour une action saccomplisse, il faut bien quelle déclenche certaines opérations, or les quatre modulations ici présentées en font parties, même si elles ne sont pas les seules.
Cest ce que nous allons démontrer.
Conservation.
Comme chair (moi-je), souffle (appartenance), esprit (mise en valeur), le soi en position de conservation cherche tout dabord à déployer lêtre. Cest-à-dire à maintenir sa singularité dexistence par la liberté de penser, sa capacité daction par la liberté dentreprendre, la pérennité de sa consistance par le respect de soi et dautrui.
Pour la chair, la conservation nécessite daller vers le réel en y imprégnant sa spécificité dynamique conative (moi) que le je (conscience) conduira. Il en sera ainsi lorsquil sagit du choix dobjets, si par exemple lutilité y est en priorité visée. Il est possible aussi que dans le style et la forme choisis, la chair sy dessine en homothétie.
Pour le souffle, la conservation implique de maintenir les liens dappartenance tout en choisissant parmi les nouveaux ceux qui les confortent.
Pour lesprit il sagira de faire en sorte que la mise en valeur en terme de délimitation de points de repère aille puiser parmi eux ce qui uvre au maximum dans ce sens.
Le sens oscillatoire: renforcement/amenuisement.
Le renforcement
Pour la chair cela signifie que le moi non seulement déploie sa singularité dynamique conative, mais peut chercher à la faire croître. Pourquoi ? Parce que dune part se maintenir au même niveau nest pas, dans le domaine humain, une constante programmée, le dépassement est donc possible, sauf décision contraire.
Dautre part la présence dautrui, lévolution permanente de lenvironnement, pousse à dégager des surplus dénergie à défricher et déchiffrer leur réel. Pour le souffle il en sera de même: il ne suffit pas de préserver les liens, il faut les étendre. Pour lesprit, cette extension implique que lon teste lefficacité de la mise en valeur, ce qui implique un tri dans lorganisation de lêtre comme nous le verrons.
Lamenuisement
Pour la chair cela veut dire que le moi entrave sa dynamique jusquà ce que le je se ferme au monde, y compris lorsquil saffirme dans lostentation. Pour le souffle, lappartenance suniformise en (se) dupliquant tandis que lesprit se réduit au strict minimum, miroir sans reflet, mensonge à répétition.
Affinement.
Lorsque la conservation se renforce, laffinement saffirme comme létape supérieure.
Pourquoi? Parce quil ne sagit plus déployer lêtre et le développer le plus possible, mais de faire en sorte que cette extension améliore son contenu afin que le déploiement tende plutôt à aller dans le sens de ce qui le dynamise le plus. Cest-à-dire renforce ce qui dans la chair, le souffle, et lesprit, se tourne vers le mieux être.
Cela veut dire par exemple que pour la chair laffinement signifie que le moi comme le je cherchent à ce que limprégnation du réel soit activée dans le sens des orientations, des émotions et des sentiments les plus à même de soulager leffort et aussi de le ravir.
Les personnes et les objets seront ainsi choisis et sélectionnés dans ce sens.
Pour le souffle, cela veut dire que les attaches soient si fortes et si positives quelles renforcent les sentiments dappartenance. Enfin pour lesprit cela signifie que seules les valeurs suprêmes, les vertus, sont susceptibles dêtre choisies comme canevas pour laction.
Le sens oscillatoire: renforcement/amenuisement.
Le renforcement
Pour la chair, laffinement ainsi perçue active dans le moi et dans le je tout ce qui peut élever le déploiement vers son optimum pensé non pas au sens dun croître maximum mais dun développement qui prend en compte toutes les conséquences non seulement vis-à-vis de soi mais aussi dautrui.Les recherches dinédit, de renouveau, doriginalité, dabsence dapriori non fondés, forment la gamme dune chair à la recherche de son accomplissement.
Pour le souffle, le renforcement signifie que les attachements sont pensés également en ce sens, ce qui implique que les sentiments dappartenance et les signes objectaux et culturels qui les incarnent ne se partagent pas seulement parce quils ont un même contenu, celui de laffinement, mais parce quils visent à le faire partager y compris avec ceux qui pensent ne pas pouvoir en être socialemet dignes alors que tout dans leur esprit les désigne pourtant tels.
La mise en valeur uvre alors en ce sens et choisit uniquement les repères qui se dirigent vers ce genre de sublime.
Lamenuisement
Labsolu dune telle position, surtout lorsquelle est renforcée, peut induire une sophistique de perfectibilité qui confond par exemple luxe et luxure et ne voit pas que le don de soi peut se transformer en ostentation si ce don ne perçoit pas quil ne suffit pas de donner pour aider à être.
Pour la chair cela signifiera que laffinement devient un raffinement qui ne cherche pas à saméliorer dans le monde, mais seulement à faire en sorte que ce dernier devienne le miroir de son propre don.
Dans ces conditions le souffle cherchera à se gonfler de suffisance en glosant sur ce quil inspire; à sattacher les appartenances qui la reconnaîtront comme indispensable, tandis que lesprit clamera partout que son propos est indépassable.
La dispersion
Leffort humain est oligomorphe par essence en ce sens quil nest pas plus uniforme quinfini. Un certain nombre daspects lui sont nécessaires pour apparaître, ne serait-ce que les divers éléments qui composent lêtre, ou quil sagisse de niveaux dêtre comme le déploiement, le développement, lorganisation.
Pour la chair cela implique que le moi tout comme le je sachent déployer sous leffort sous tous ses aspects et celui-ci sous dautres apparences que la croissance ou le développement. Pourquoi? Parce que tout réel ne surgit pas sous un seul angle, et sa saisie ne peut pas satisfaire quun seul élément de lêtre.
Pour le souffle cela veut dire quil faille sattacher autrement quà un seul lien dappartenance.
Pour lesprit la valeur ne se mesure pas seulement à laune de la vérité mais aussi de la volupté et de la grâce.
Le sens oscillatoire: renforcement/amenuisement.
Le renforcement
Pour la chair, cela signifie que larticulation entre les divers aspects de la réalité et les aspérités composant le soi est autant respecté par le moi que par le je.
Sagissant du souffle, les attachements quoique diversifiés accentuent le sentiment dappartenance; quant à lesprit, la pluralité formelle des repères et des valeurs multiplie les points de vue, tout en ny relativisant pas le contenu par ce fait même, puisquil nest par exemple pas contradictoire quune vérité se décline sous plusieurs formes.
Lamenuisement
Pour la chair, cela veut dire la dispersion se métamorphose en dissipation en ce sens que la diversité devient un obstacle plutôt quun enrichissement.
Il en est de même pour le souffle si les attachements souffrent de superficialité et dexpédients affaiblissant en même temps le sentiment dappartenance.
Quant à lesprit, la confusion entre lexistence dune pluralité formelle des valeurs et le fait que cette pluralité ne possède pas, à elle seule, la garantie quelles «valent» , implique quelles ne soient pas mises en rapport avec ce quelles apportent pour le déploiement de lêtre et son développement, ce qui lamenuise à terme .
La dissolution
Il sagit de déployer et de développer et donc de mettre en rapport le nécessaire en écartant le reste. De ce fait des choix seffectuent, dissolvant de ce fait dautres possibles.
Pour la chair cela implique de déterminer des mises en rapport en écartant pour le moi comme pour le je ce qui ne sied pas à leur déploiement et à son développement.
Pour le souffle, des préférences seffectuent dans les attachements, ce qui inspire des sentiments donnés dappartenance. Quant à lesprit, il regroupera tout ce qui permet la mise en valeur à lexclusion du reste.
Le sens oscillatoire: renforcement/amenuisement.
Le renforcement
Il implique pour la chair que le moi et le je sachent non seulement sélectionner, mais passer au crible ce qui leur sied au mieux. Ce qui veut dire au niveau du souffle le fait que les attaches soient de plus en plus choisies en fonction de ce quelles apportent et non pas en fonction de ce quelles représentent.
Lamenuisement
Dans cette optique, la dissolution sannnihile comme discrimination et devient une indétermination qui prend éventuellement forme selon les circonstances, mais sans tenir compte du nécessaire pour le déploiement et son développement dans lélément de lêtre.
Pour la chair cela veut dire que les jugements nexistent plus à létat de sentiments qui viennent envelopper le flux émotionnel. Seules les impressions, du fait de leur itération mécanique, surnagent, sauf quelles ne sont pas réfléchies et donc coexistent en prenant forme au gré des circonstances.
Pour le souffle ce manque de discernement tend paradoxalement à précipiter les détachements ou désocialisations au moment même où les attachements semblent se multiplier. Mais comme ils nexistent que par effet de position et non par choix, le sentiment dappartenance sessouffle précisément dans ce cas.
Un tel manque de discrimination entraîne pour lesprit la profusion des points de vues, sans aucune possibilité dy voir des références sur lesquelles un déploiement et son développement pourraient sancrer puisque toute aspérité est gommée au profit dun flux de représentations et de conceptualisations sans aucune autre contradiction que leur propre simultanéité. Le rêgne du mensonge commence.
Les modulations prises ensemble
Les modulations interagissent et les processus de renforcement et damenuisement sont sans cesse à luvre. Si, selon le modèle ainsi dégagé, il serait préférable de toutes les stabiliser comme il le faut et au moment adéquat, la réalité humaine est faite de telle sorte quil est possible dobserver dans les choix relationnels et objectaux des contradictions patentes, des manques et des excès.
En un mot les modulations néchappent pas à la nécessité de les organiser, même sil peut être considéré que cela na pas être le cas. En effet, il est possible de considérer que le refus dorganisation, ou encore le fait davancer que toute mise en rapport est par elle-même sujette à caution, ou ne peut être quune convention parmi dautres, sont autant dévaluations organisationnelles qui néchappent pas à leur estimation quant à lêtre.
A.3
Lorganisation de lêtre
Le sens singulier
Nous avons vu en 1.4, ce que cela veut dire «organiser» au sens général. Il y a été question de fin, de moyen, de forme atteinte. Dans le domaine humain les subdivisions semblent y correspondre puisquil y est question également de fins ou buts, de moyens ou outils, de forme atteinte ou résultat validé par tel cadre et cercle de référence.
Par ailleurs, les recherches confirment, en psychologie et en sociologie cognitive par exemple, que les individus peuvent ériger tel ou tel choix, surtout lorsquil semble diriger leur vie, au rang dune croyance autour de laquelle leur psychisme sorganise si fortement que la remise en cause de tel ou tel aspect du choix émis donne limpression au psychisme dêtre lui-même mis en question, et en priorité.
Ces diverses analyses nous amènent à reconsidérer la séquence fin-moyen-résultat en la mettant certes toujours en rapport avec la constitution de laction dune part, mais, dautre part, en y ajoutant une autre mise en rapport, celle qui met en scène les modulations du développement, et, de là, le devenir du déploiement de lêtre. Ce qui ne peut pas ne pas donner une autre dimension à chaque élément de la séquence.
Autrement dit, si le choix de tel but est à mettre en rapport avec telle motivation, il est aussi possible dévaluer une telle mise en rapport en observant ce que sa réalisation apporte ou retranche objectivement à lêtre individuel du domaine humain puisquil nexiste pas autre chose que le sens du déploiement et avec lui les modulations de son développement pour nous servir dultime étalon de mesure.
Dans ces conditions, nous nous servons de ce dernier comme finalité, mais aussi comme moyen puisquil nous permet deffectuer et dévaluer. Nous lutilisons également comme forme, par exemple celle dune méthode que nous proposons ici pour lanalyse et la construction du développement.
Nous pourrions dailleurs aller plus loin encore dans lexemple en considérant que cette méthode dite oligomorphe va tenir pour nous le rang dune croyance. Pourquoi ? Parce que nous passons suffisamment de temps avec elle et pour elle, ce qui ne peut pas ne pas engranger des phénomènes dappartenance qui vont faire de cette méthode un objet de plus en plus précieux, non critiquable, sacral peu à peu. Sauf que nous ne le ferons pas parce que la critique est au fondement de la gestuelle scientifique.
Mais cette affirmation même nest-elle pas, comme détermination ultime dun principe, léquivalent dune sacralisation?
Posons que cette fixation dune finalité en phénomène quasi sacral, du fait quil est le pivot central dune vie, ou quil semble mouvoir toute une hiérarchie de principes, sinscrive dans le cadre de ce que nous nommerons la dimension ou limite eschatologique.
Le terme semble chargé dHistoire, en particulier théologique, mais il exprime bien le fait que certains jugements deviennent des principes intangibles, y compris ceux prétendant le contraire. Ce qui indique une fonction symbolique ontologique: celle dappuyer un but sur une raison dernière.
Elle peut fort bien être mise en doute. Mais elle laissera la place à une autre raison dernière. Jusquà la suivante. Aussi ce qui nous importe cest bien lespace de la fonction comme lieu originaire, source, axiome quil nest pas possible de remettre en question au moment même où il se trouve utilisé.
Il en est par exemple ainsi pour la critique des éléments du déploiement de lêtre. On peut en effet considérer que les libertés de penser et dentreprendre sont des chimères. Sauf que le fait même de désigner ainsi bascule en eschatologie puisque lénonciation ne peut pas dire le contraire au moment même où elle sérige, même si elle le pense en disant ensuite linverse. Lénonciation se désigne dabord elle-même avant de prononcer son contenu. Cest ce moment précis qui indique leffort eschatologique appelé ainsi parce quil devient le commencement tout en se présentant comme fin.
Posons ensuite que pour réaliser le contenu de cette finalité dernière, il faille un moyen; sa raison sera alors circonscrite à ce que nécessite la finalité pour réaliser son sens dernier.
Nous proposons de nommer laire de cette circonscription la limite téléologique.
Celle-ci aura pour objet de délimiter ladéquation des outils aux fins posées eschatologiquement, et à tout ce
qui nécessite pour y arriver. Cela induit également la recherche, parmi divers ordres sociaux, de cadres et de cercles de référence en permettant la réalisation.
La limite téléologique se distingue de la limite eschatologique en ce que la première consiste à réaliser la seconde.
Cette réalisation donne un résultat. Ce dernier est perçue sous trois aspects qui nous importent ici afin de déterminer le troisième élément de lorganisation de lêtre appliquée au domaine humain.
Le premier aspect indique donc comment le moyen actualise la fin.
Le second aspect exprime ce que cette réalisation donnée apporte ou retranche au déploiement de lêtre qui laccomplit en désignant dans quelle modulation du développement cela seffectue.
Le troisième aspect désigne le fait que le résultat atteint peut être saisi comme un réel donné dont la forme peut correspondre aux dimensions de la fin, mais dont la valeur se doit dêtre reconnue comme telle par les cadres et les cercles de référence, du moins si lêtre qui la produit veut sen servir comme moyen déchange.
Posons que ces trois aspects, lactualisation, lapport ou lamenuisement, et enfin la valeur de la forme atteinte, soient les éléments de ce que nous nommerons la limite entéléchique.
Pourquoi?
Lentéléchie désignera ici la délimitation proprement dite comme résultat ou somme donnée déléments et de leur combinaison aboutissant à une forme donnée. Parce que tout résultat en tant quapparaissant décline sous une enveloppe historiquement située, quil sagit de penser non pas seulement en terme de conditions de production, mais aussi de situation et de position allant de lesthétique au politique et retour.
Autrement dit la limite entéléchique regroupe ce qui permet dindiquer à la fois une correspondance entre une fin et un moyen, à la fois une actualisation donnée du déploiement en désignant la ou les modulations du développement qui sy manifestent, et enfin ce que cette forme détient comme valeur à même de sinsérer dans les cadres et les cercles de référence allant du particulier vers luniversel.
En résumé, dans chaque action du soi, de la pensée au geste externe, les trois limites organisent leur agencement et leur manifestation en réalisant ce que le moi exige avec laccord du je.
A.4 Conclusion
Si lon prend maintenant toute la séquence dun seul tenant, il est possible dobserver que lorsque le soi se trouve en position de se déployer, et, donc, lorsque la décision seffectue, elle saccomplit, dune part, dans une modulation donnée du développement, (atteinte ou déclenchée selon létat singulier du soi), et, dautre part, elle se réalise dans le cadre des trois limites permettant dorganiser laction de lêtre.
Autrement dit le déploiement de lêtre seffectue dans le cadre dun développement donné qui lui-même se réalise par le biais dune organisation qui actualise et légitime.
B.
Linstitutionnel.
Nous dirons juste ceci: quil sagisse du déploiement, du développement, de lorganisation, chacun de leurs éléments sapplique à létude de toute institution posée ici comme structure permettant aux divers soi de persister dans leur être, du moins sils arrivent à dépasser le fait quils nont pas voulu nécessairement être ensemble.
Autrement dit, la méthode oligomorphe regoupant les trois sortes de grilles peut fort bien sappliquer à létude institutionnelle en y construisant un diagnostic et donc des perspectives.
Nous verrons en conclusion ce quelle apporte en plus de toutes les autres méthodes.
C.
Lacte dentreprendre.
Il en sera de même pour ce domaine. Le fait dentreprendre est parfaitement analysable par la méthode oligomorphe . Il suffit quelle sadapte au cas étudié en y appliquant des items qui correspondent au champ, à la fonction, circonscrits. Lacte dentrependre peut être en effet saisissable lorsquil se déploie par les modulations du développement; et il est possible dobserver comment le substrat, lentreprise x, y, z, sorganise pour les réaliser, et ce que le résultat atteint apporte ou retranche.
La rationalité oligomorphe prétend dégager dans son principe un certain nombre déléments clés, classés dans des ensembles, et des sous-ensembles donnés, et dont la combinaison constitue des formes à même dindiquer le comportement dun domaine de lêtre et de lexpliquer de telle sorte que lanalyse peut aller du plus général au plus singulier des détails.
Cest donc une méthode généraliste qui évite cependant les écueils dune vision uniformisante en ne prétendant pas indiquer comment lélément étudié devrait faire pour être, ou quest-ce que doit être lêtre pour être, mais en quoi ce quil fait indique où il en est, et ce quil est possible pour lui-même de rectifier, sil le veut, par exemple lorsquil sagit du domaine humain.
Quapporte-t-elle de spécifique? Peut-être une coupe transversale des actions de lêtre en tentant den étudier létat atteint et den comprendre le résultat. Cette approche implique dans ce cas de se servir dune part de diverses connaissances validées scientifiquement parce quil est nécessaire daccroître la probabilité, mais aussi, dautre part, de tout ce qui peut être caractérisé comme signifiant parce que toute formation de sens est une indication de lêtre sur lêtre.
De ce point de vue lapproche scientifique nest pas posée par la méthode de la rationalité oligomorphe comme contradictoire à lapproche religieuse, éthique, ou artistique, puisquelle ne conteste ni leur spécifité dexistence ni leur fonctionnalité ni même leur contenu, à partir du moment cependant où celui-ci ne prétend pas être le tout de la vérité.
Quest-ce cela veut dire ?
Ceci: la vérité peut être prise en deux sens : elle signifie quune chose est vraie dans son existence, mais quelle peut être fausse dans ce quelle désigne comme exactitude.
Ainsi le faux en tant quexistant est vrai ou plus précisément est un moment du vrai.
Mais si la vérité peut être considérée comme une mise en correspondance absolue et relative entre des concepts et les réels étudiés, cela signifie que la vérité est dite par exemple exacte lorsque son énonciation décrit et explique tel réel, et non pas seulement parce quelle existe.
Deux corollaires importants suivent cette énonciation.
Dune part cette distinction dans la vérité entre exactitude et existence ne signifie pas que lutilisation de lexactitude échappe en elle-même à son évaluation du point de vue de la vérité.
Ainsi lutilisation doit en elle-même prouver son exactitude pour valider et affirmer sa dénotation.
Dautre part, cette distinction est perceptible y compris dans les savoirs qui nont pas besoin dune systématicité et dune vérification absolue pour valider leur contenu.
Il ne suffit pas dénoncer que tel écrit «est» de la poésie pour quil soit déclaré tel. Des processus de vérification au sein même des cercles de poésie incarneront intersubjectivement, institutionnellement, la distinction délimitant lobjet.
Dans ces conditions la rationalité ou principe oligomorphe peut fort bien prendre en compte les contenus non scientifiques, sy opposant cependant parfois lorsquils considèrent que leur point de vue doit être accepté comme supérieur ou lorsquils prétendent empêcher que soit étudié tel ou tel aspect de lêtre.
Le propos de la science en un mot nest pas dexpliquer que puisque lessentiel du contenu cosmologique de la Bible savère faux, tout le reste est sujet à caution, en particulier lexistence de Dieu. Ou encore quune telle existence est impossible puisquelle na pas été rendue visible jusquà présent.
Pourquoi ? Parce quil semble bien que lapproche scientifique na pas pour objet dinduire de la sorte. Mais de considérer quau vu de ce que nous connaissons jusquà présent, cest-à-dire au vu de ce qui est vérifiable et de moins en moins contesté parmi ceux qui font office dappliquer ce genre de méthode dite scientifique, la cosmologie proposée par la Bible ne correspond pas avec ce que nous savons sur lunivers.
Elle est donc fausse en rapport avec ce que nous savons, et non pas en soi. Peut-être quun jour il sera démontré quil est possible de construire un univers et son animation manifeste en six jours. Mais pas pour le moment.
De même ce nest pas parce quune chose reste invisible quelle nexiste pas. Il en a été ainsi pour les microbes, et il en est encore de même pour les 80% de lunivers intitulés matière noire, masse manquante, etc
Aussi la question nest pas de prouver lexistence de Dieu ou son inexistence, mais de faire remarquer que jusquà présent les manifestations décrites par les textes religieux ne se sont pas réitérés et que dans ces conditions lacte dy croire ou non dépasse le champ de compétence de la science.
Celle-ci ne sy oppose donc pas puisque son absolu nimplique pas lobligation daccepter ce genre de sentences. Elle sy oppose, comme il a été dit, si et seulement si, le contenu religieux est posé comme équivalent à un énoncé scientifique ou si celui-ci est rendu identique à un énoncé fictionnel. Parce que l'approche scientifique vérifie ses inductions et quelle vise à une correspondance avec le réel en ce sens quelle se distingue de lui tout en lexpliquant.
De ce fait, ce que nous appellerons ici la science nest pas réductible à lobservation, pas plus au réalisme, au sens matérialiste, même si elle effectue des descriptions. Mais elle nest pas non plus réductible au constructivisme, à lidéalisme, au nominalisme, même si elle établit des concepts qui nexistent pas tels quels dans la chose étudiée.
Pour nous, la science tend à la fois à comprendre , à expliquer, et aussi à probabiliser les comportements des domaines de lêtre.
Dans ce cas, cela veut dire que la méthode oligomorphe se valide lorsquelle arrive à saisir tel objet comme il vient dêtre dit. Ce qui implique quelle puisse mettre au point une sorte doligodisciplinarité qui fasse que différentes sciences et autres savoirs sassocient pour étudier lobjet considéré.
Précisons.
Il ne sagit pas dinterdisciplinarité au sens où des représentants donnés viendraient interagir pour créer une vision densemble sans objet précis. Il ne sagit pas non plus de sommer certaines sciences et savoirs posés comme «inférieurs» de servir les sciences dites «supérieures», mais de signifier que lobjet à étudier peut être saisi à partir dune synthèse de diverses déductions empiriques issues de divers champs de la connaissance et de la représentation qui appliqueraient, aussi, à leur niveau de compétence, cette méthode oligomorphe.
Mais comment la méthode oligomorphe pourrait-elle être ainsi choisie ? Dautant quil existe dans les sciences dites humaines une prolifération de méthodes.
De plus les interférences institutionnelles, quelles soient publiques (politique) ou privées (entreprenarial) font que certains écrits vont posséder une «appellation dorigine» qui seffectue bien moins par le test des énoncés émis que par ladoubement effectué dans le cadre de cercles données de référence.
Ainsi certaines méthodes ont beau être invalidées par leur application, leur connotation reste supérieure à leur dénotation. Et donc elles sappliquent le plus sérieusement du monde comme on peut le voir tous les jours, un peu à la façon de ces étoiles dont la lumière nous parvient encore alors quelles sont mortes.
Ce nest pas cette destinée que nous recherchons. Cette méthode, au-delà même de sa dénomination, de la fixation du vocabulaire, dépassera sa vérité dexistence si et seulement si lexactitude de ses applications semblera de plus en plus probante. Cest là la seule eschatologie possible. Du moins en science.
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