Terrorisme et politique


Connaissez-vous Fortuyn ? Pim Fortuyn est hollandais et avec sa plate forme anti-immigration de son parti " Livable Rotterdam " il a gagné 17 sièges sur les 45 que compte cette municipalité. Avez-vous entendu parler de Fortuyn dans la presse française ? Pourtant Fortuyn, 54 ans, est, écrit Time magazine (18 mars, p 43), un ancien universitaire, un sociologue, et il est homosexuel...

Quoi ????? Un "gay" ne serait donc pas automatiquement de gauche et pro-sans papiers ? Impossible ! Et pourtant si ! sauf que personne ne connaît Fortuyn en France et pendant ce temps là ce monsieur peut selon les sondages espérer 18 des 150 sièges du parlement national aux prochaines élections législatives du 15 Mai...

Mais citons Time : " In 1997 he published a book calling Islam " a backward culture," saying : " For Muslims, as a homosexual, I am less than a pig. I am proud that in the Netherlands I can some out for my homosexuality, and I'd like to keep it that way, thank you very much". In the campain, Fortuyn called for a total freeze on immigration to the Netherlands,which he says is "full". He also said the Dutch should scrap the clause in the constitution that bans discrimination. "

Pourquoi parler de ce type ? Parce que les grandes et belles âmes se pâment à Paname en vociférant au salon du Livre sur Berlusconi -qui a profité des divisions et de l'incurie de la gauche italienne- mais elles ne pipent pas un mot quand un démagogue hollandais s'empare des mêmes arguments ou à peu près sur l'Islam y voyant seulement l'islam-isme et non pas des islams dont certains, confrontés à la Modernité, sont bien obligés de séparer peu à peu dans leur tête religion et société, Dieu et condition de la femme. Le fait que des immams en France comme Amar Saïdi à Rouen et Soheib Bencheick à Marseille (le Figaro du 25 mars) travaillent en ce sens est de bonne augure.

Mais à Paris, et aussi en Italie, il est préférable de s'en tenir aux poncifs, et, lorsqu'une exception dérange la règle (gay=progrès), mieux vaut l'oublier...

Ainsi Berlusconi, après Haider, sera le bouc émissaire. Et des hommes de l'ombre viendront flinguer un de ses conseillers. En cherchant précisément à légitimer leur acte par le climat délétère qu'entretiennent certains non seulement sur Berlusconi mais en fait sur la société européenne en général, et l'Amérique en particulier.

D'un côté donc les bons et les purs, les défenseurs du prolétariat mondial contre le "néolibéralisme" contre la misère, le conflit entre les hommes... De l'autre côté les salops qu'il faut abattre avec le même pistolet qui a déjà tué un autre conseiller, arme du prolétariat elle aussi.

Pourtant le président sénégalais Abdoulaye Wade a déclaré lors de la conférence de Monterrey note Le Monde (du 23 mars) : " On ne connaît nulle part dans le monde un pays qui ait réussi par l'aide et la dette (...) C'est le secteur privé qui a développé l'Europe, les Etats-Unis et les pays asiatiques. (...)".

Bien sûr il peut être rétorqué que ces pays ont pu se développer grâce au pillage des Amériques effectué à partir du 15ème siècle. Sauf que l'or espagnol ne persista pas très longtemps et fut même une des causes de l'assoupissement de cette glorieuse nation. L'or fut dilapidé dans l'achat d'étoffes et d'épices rares venues d'Orient, afin de parader dans des fêtes monstrueuses. Et ce fut tout.

En France Versailles draina toute la richesse, intérieure, rassemblée par les nobles pour asseoir la monarchie absolue, tandis que les disettes persistaient et éclataient tous les dix ans ( la dernière juste avant 1789) et que l'on mourrait de faim en Angleterre en Irlande en Ecosse au 19ème siècle, ce qui créa le vaste courant d'immigration que l'on sait vers les USA alors que s'accélérait la première révolution industrielle. La création de richesses fut là aussi interne et fut exportée ensuite, ce qui accentua le commerce mondial, et non l'inverse, comme le crut Lénine lorsqu'il considéra que l'impérialisme était l'âme du capitalisme alors qu'il en est seulement le complément.

Cette erreur de Lénine, que l'on retrouve aujourd'hui amplifiée dans les analyses anti libérales actuelles, découle en fait d'un raisonnement plus faux encore : celui prétendant que c'est le commerce, l'argent, la propriété, qui crée l'appétit de puissance dont l'impérialisme serait "le stade suprême".

Il suffirait de supprimer le marché, l'argent, le développement, pour éteindre l'appétit, l'envie, la volonté de pouvoir. Puisque l'homme est naturellement bon, c'est un décret ; la faute, le mal, l'envie, ne sont que les enfants monstrueux de la société, de la propriété privée, la division des tâches, etc...Et le moindre problème, bobo, conflit, pleurs, heurts, tricherie, malheur, mensonge, Enron, le rail anglais, Bush, Berlusconi et l'article 18 du Code du Travail italien, Sharon aussi -à Beyrouth, tout ceci, et plus encore, en est l'illustration même, portée par un Occident arrogant qui, d'ailleurs, là-bas, à NY, a "eu ce qu'il méritait " et sans doute est-ce un coup de la CIA, du Mossad, des deux à la fois.

Voilà le terreau actuel du terrorisme en politique et il est en plein essor.

Il profite des erreurs stratégiques et tactique d'une classe politique et intellectuelle européenne à bout de souffle, grevée de clientélisme et d'immobilisme volontaire, croyant d'un côté qu'il suffit d'être de gauche pour devenir pur, croyant de l'autre côté qu'il suffit d'être libéral pour limiter les effets pervers de la division sociale et internationale du travail qui ne peuvent être laissés ni au seul marché ni à des tribunaux peu préparés à décider de ce qu'il en est en économie mais à la concertation paritaire capable de prévoir en amont lorsque cela va mal et de préparer en aval les reclassements nécessaires.

Seulement il faudrait que d'un côté les soi-disants gens de gauche pensent réellement au bonheur de leurs mandants en acceptant ce que veut dire le mot "entreprise" et il faudrait que les soi-disants gens de droite sachent qu'ils n'arriveront à rien sans intégrer vraiment les salariés dans l'avenir du capital. C'est-à-dire pas seulement comme actionnaires passifs.

C'est d'ailleurs parce que le capital saura s'associer au travail qu'il sera possible d'éviter la fuite en avant technocratique comme il a été vu dernièrement à France Télécom, la direction étant incapable de comprendre qu'il ne servait à rien de se lancer dans le WAP alors que son design internet était en dessous ce que l'on avait déjà en ordinateur portable : or, comme le marché du WAP était tourné essentiellement en direction des professionnels,il va de soi que ceux-ci préféraient plutôt l'aspect coloré et ludique de leur ordinateur portable que le noir et blanc microscopique du WAP qui rappelait en plus le minitel...

JC Casanova, directeur de la revue Commentaires, rappelait récemment dans le Monde le mot d'Alain stipulant que le fait de remettre en cause la coupure gauche/droite permettait d'observer que seule une personne qui n'était pas de gauche pouvait le dire. Sauf qu'Alain n'a pas nécessairement raison parce que ce type de raisonnement ferme automatiquement toute critique et repose sur sa seule dénégation alors qu'il est possible d'avancer qu'il ne suffit pas d'être de gauche, surtout après le Goulag, qu'il n'est pas possible d'être seulement de droite, si l'on veut, réellement, articuler, malgré leur conflit, liberté et égalité.

Or confondre liberté et jungle, confondre égalité avec égalitarisme, c'est promouvoir un monde dans lequel rien ne compte puisqu'il suffit d'exister pour être, les nouveaux esclaves étant ceux qui ne peuvent pas s'empêcher de travailler, de créer pour se sentir en paix, tandis que les nouveaux seigneurs disserteront d'un côté sur la meilleure manière d'interpréter ce qu'a vraiment dit Marx. Et de l'autre sur la meilleure façon d'interpréter ce qu'à vraiment dit le président de la banque centrale américaine.

Et le terrorisme contemporain en marche, qu'il soit d'origine religieuse ou léniniste, se sert de ces manques, de ces faiblesses théoriques et pratiques, pour créer une nouvelle légitimité, propice à la future prise de pouvoir d'une nouvelle race de seigneurs parasitaires, se servant de l'Etat comme ruche, en attente d'une Russie à abattre, vaches riches en viandes : la France, l'Italie...pour continuer à faire peur en se servant de la moindre tentative de réformes, en agitant les gabegies diverses, cachant que le rail anglais avait déjà 30 ans de retard lorsque Thatcher le privatisa en 1980, vendant aussi l'instance de régulation, et ce fut l'erreur.

Puisque les hommes restent des hommes, surtout lorsqu'ils sont sans limites. Le pire ne peut pas être tout le temps évité et alimente aujourd'hui les demandes en justification du terrorisme pour vouer aux gémonies le marché, et se présenter comme avant garde permettant aux "opprimés" -ceux surtout au chaud sur le déficit public- de se maintenir en tête des gondoles, via Ardisson et les Guignols.

Il y aurait donc un Etat, un Kapital, mécréants, porteurs de tous les maux, auteurs de "génocide" dit sans rire Castro à Monterrey alors que son peuple est réduit à l'état de zombis sauvés des os parce qu'ils se vendent aux touristes houelbecquisés ; il y aurait donc le mal parfait, qui, dépassé, supprimé, permettra, sûr, la création d'un état nouveau, prolétarien, pur et parfait, où chacun deviendra beau, bon, géniaaal.

Toute cette litanie refait donc surface. Pour le plus grand malheur des peuples.

Car il va de soi que si l'on appliquait, une seule seconde, toutes ces théories fumeuses , soi-disant du côté des "travailleurs", le Sahara serait bientôt obligé d'importer du sable.

Il ne suffit d'ailleurs pas de dire qu'en Russie le communisme a échoué parce qu'il n'existait pas en Europe et dans le monde pour prouver le contraire. C'est bien plutôt parce que les "travailleurs" étaient encore plus mis sous le boisseau qu'à l'époque du capitalisme triomphant et que des parvenus avaient uniquement comme bagages et savoir- faire la carte du "Parti" que le peuple russe connut désaffections, trahisons, et mise à mort à grande échelle.

Il ne faut tout de même pas oublier que dans la "grande alliance ouvrier-paysan" tous furent toujours les dindons de la farce et surtout ces derniers: les "travailleurs" noyautés par les soi-disants "révolutionnaires professionnels" devaient fabriquer des tracteurs par exemple et en échange les paysans apportaient des victuailles : mais les paysans ne voyaient rien venir...Pourquoi ?

Parce que dans les entreprises la cellule du "Parti" désorganisait tout, que l'on discutait à n'en plus finir du qui-fait-quoi, que les rancoeurs, jalousies, se donnaient à coeur joie pour mettre à l'écart, mettre à mort les techniciens, les ouvriers qualifiés, les ingénieurs ; et, pour y échapper, leur fuite fut telle que le "Parti" dut lancer un appel au secours à l'étranger pour embaucher des "techniciens-camarades-étrangers" ce que l'on appela les "coopérants" dans d'autres contrées, dans le Tiers Monde, qui a bien plus souffert des dizaines d'années passées sous le communisme importé que sous le colonialisme malgré le mépris de celui-ci, c'est un triste constat. La dérive africaine s'explique aussi et surtout par là et non pas seulement par la spéculation sur les matières premières.

Pendant ce temps les paysans ne voyaient donc toujours rien venir : ils décidèrent alors de ne plus apporter de nourriture : les nouveaux parasites parlant "au nom des travailleurs" décrétèrent qu'ils étaient contre-révolutionnaires et en tuèrent des millions.

Et vous savez pourquoi les marins de Constradt se sont révoltés ? Alors qu'ils avaient été toujours en première ligne ? Parce qu'un décret voulait nationaliser leur petit cabanon qu'ils avaient pour aller pêcher le dimanche ! Parce qu'il fallait que tout le monde travaille, tous les jours ! pour "rattraper le capitalisme", pour " construire le socialisme" sans se douter que "l'homme nouveau" ne se construit pas à coup de cravache, en lui supprimant son bien, en croyant qu'il suffirait de le nourrir le loger pour qu'il se satisfasse d'une vie frugale où l'on vendrait tout à prix coûtant (dumping) pendant que tout le monde gagnerait la même chose, peu importe le travail, et peu importe si l'on travaille.

Cette "mystique" de l'homme nouveau qui se contenterait de peu, qui détruirait en son sein le pouvoir ou qui le confierait à une sociocratie de purs, a en réalité fait bien plus de morts que l'hégémonisme occidental.

Or au lieu de se dire que le combat pour l'amélioration des choses est permanente et que même dans le meilleur des mondes possibles il y aura toujours des tricheurs et des super menteurs, nos nouveaux prêtres, ces néo-petits bourgeois -parce qu'ils sont essentiellement issue des services publics détournés pour propre compte- en appellent à la mort, eux qui se prétendent pourtant avec les "travailleurs" alors qu'ils veulent seulement imposer leur façon de vivre peinarde tout en prônant la frugalité, que certains d'entre-eux appliquent, certes, mais ce n'est pas une raison pour obliger les autres.

Seulement cette nouvelle petite bourgeoisie qui se cache derrière le mot travailleur pour mieux le tondre, veut continuer à profiter des errements grandissants de l'élite actuelle issue du scientisme et de la société politique traditionnelle soucieuse, elle, de préserver son hégémonie sur une conception étriquée centralisée masculine du pouvoir qui préfère, et coûte que coûte, continuer plutôt ses diverses bêtises sur la non réforme en laissant libre cours en secret à ses appétits de puissance et son refus obstiné des contre-pouvoirs.

Pour la grande joie du terrorisme, bras armé, vitrine officieuse, de cette nouvelle petite bourgeoisie nihiliste, très heureuse ces temps-ci en politique.