Défense du concept de développement durable

Edgar Morin se met donc à la dernière mode dans le Monde du 25 mars : il propose d'écarter l'idée de développement trop liée selon lui à la notion de croissance quantitative pour lui préférer celle d'"anthropolitique" soulignant mieux la nécessité de penser en terme de "société-monde" et donc de "civilisation". Sauf que je me demande si cette mise à l'écart du terme de "développement" -tout de même bien plus parlant que celui proposé par Morin et expliquant de lui-même qu'un développement n'est pas séparable d'un déploiement sinon harmonieux du moins équilibré de ses composants (J. Piaget et J.Nuttin l'emploient dans cette acception) ne se met pas au diapason de cette résurgence du mot d'ordre " croissance zéro" sous le vocable de "l'antidéveloppement".
Ce remake aurait alors pour objet de déconseiller aux pays "émergents" d'atteindre notre niveau de développement à nous méchants et impériaux occidentaux et de rester plutôt dans une espèce de frugalité respectueuse de "Terre-Patrie".

Or je ne vois pas pourquoi ne serait-il pas possible de développer la planète sous le principe d' une vie meilleure c'est-à-dire faisant à la fois attention aux devenirs des humains et de tout ce qui est vivant. Par exemple en substituant progressivement l'hydrogène au pétrole, le thorium à l'uranium en matière nucléaire pour diminuer la difficulté d'en éliminer les déchets. Et aussi en acceptant que les mégapoles du Sud puisse en effet atteindre un stade techno-urbain suffisant et un environnement institutionnel satisfaisant pour développer les acquis, tout de même, de la civilisation européenne -nourrie en effet d'autres civilisations- ce qui permettrait de donner un contenu positif au mot" humain" que des régulations nouvelles au niveau mondial développerait vers l'affinement plutôt que vers le pire.

Mais si Morin préfère la frugalité, libre à lui, à partir du moment cependant où elle ne devient pas la nouvelle utopie obligatoire imposée à tous, surtout aux gens du Sud, qui, les pauvres ! ne savent pas que nous vivons l'enfer dans les pays développés. Développement qui a bien plus à voir -comme le soulignait récemment le président Sénégalais-avec la capacité, conflictuelle, d'articuler innovation et protection, que "pillage". Car il est bien facile d'oublier que la gabegie dans laquelle se noie actuellement la plupart des pays du Sud en difficulté, par exemple en Afrique, découle bien plus de la dérive totalitaire d'essence "occidentale" importée que fut le socialisme soviétique, qu'aux diktats des "gnomes" du FMI et de la Banque Mondiale. Mais, chut! la nouvelle pensée hégémonique qui refait son fonds de commerce du fait des méandres et autres manques de la politique mondiale a besoin de dire le contraire. Dommage que Morin s'en soit fait le porte-voix pour se donner bonne conscience. Alors que le Sud n'a que faire de cette pitié de nanti : il veut du développement !