Un film pas si "sucré" que cela l'histoire de cette jeune indienne voulant devenir footballeuse. Elle se heurte aux refus de ses parents, spécialement la mère qui voit surtout en elle une fille à marier sachant cuisiner, tout en faisant des études d'avocate.
Ce film met ainsi en évidence, sous les modes ironique et humoristique,et au delà des des différences culturelles, le choc éternel entre le sacrifice pour le développement du groupe et le stress du désir de développement personnel.
Il signifie aussi, (et les applaudissements dans la salle des Gobelins, populaire s'il en est, l'ont prouvé), qu'il n'est pas "réac" de trouver un juste équilibre entre un groupe qui veut préserver toutes ses traditions, surtout lorsqu'il est minoritaire dans la société dans laquelle il vit, et un individu, en l'occurrence ici une jeune femme, qui aimerait se séparer de celles qui l'entravent, l'empêchent de s'affiner, pour agir en conformité avec ses désirs.
Le débat est là, vers le centre (de gravité) et non aux extrêmes.
Ce n'est donc pas parce que ce désir de vivre sa vie heurte les traditions qu'elles sont toutes à jeter. La vie au fond les filtre et seules celles qui accompagnent plus qu'elles ne freinent, perdurent.
Mais il y a plus encore dans ce film. Vouloir vivre sa vie, faire du foot alors que l'on est une fille, ne veut pas dire qu'il faille obligatoirement succomber aux modes, errer systématiquement au gré du désir des autres. La jeune footballeuse n'a par exemple jamais encore "couché", elle ne fait pas nécessairement attention à ses toilettes, attend le grand amour, même avec un "anglais" (qui est irlandais dans le film...), alors que toutes ses copines indiennes ont déjà couché, mais avec des indiens uniquement,et s'habillent comme des héroïnes de clips sexy, avec pour unique but trépidant (tremendous) le mariage traditionnel.
Ses copines sont donc dans une ambivalence stressante à la longue : elles adoptent jusqu'à l'excès un individualisme forcené, stimulé plus que suscité par la société anglaise, mais, en même temps, et comme par compensation, rémission, elles vont se marier dans un cadre qui ne va pas nécessairement les aider à s'épanouir en tant qu'être humain, c'est le moins que l'on puisse dire.
Cela me fait penser à cette forte pensée de Machiavel dans Le Prince qui remarquait que les peuples colonisés adoptaient peu ou prou les valeurs du peuple conquérant, moins par nécessité, que par désir de comprendre pourquoi ils ont été vaincu afin d'apprendre, de s'affiner, y compris lorsque cela vient de l'ennemi.
Lorsque les Gaulois devinrent Gallo-romains, il s'agissait moins pour eux d'imiter pour ramasser des miettes de pouvoir, que de devenir aussi romains afin d'absorber l'énergie qui les a vaincu pour s'en servir, peut-être encore mieux que les vainqueurs.
Aussi l'idée qui prétend tout rejeter pour revenir aux racines d'une culture, ou qui stipule que c'est précisément cet abandon qui aurait suscité la défaite, ne comprend pas (ou alors comprend trop...) que "la" culture, "la" tradition, ne sont pas fixées une fois pour toutes, elles ne sont pas "bonnes" en soi. Et il ne sert à rien de les calfeutrer dans une religion pour leur donner un caractère sacré qu'elles n'ont pas. (Puisque Dieu nous a fait libres, jusqu'à lui désobéir, comme Adam et Eve l'ont montré, ils n'ont pas été tués pour autant...).
Elles expriment des façons de vivre et de se comporter, qui peuvent cependant évoluer si elles ne correspondent plus, non pas au sens qu'elles seraient devenues désuètes (comme le prétend un modernisme de bazar),mais parce qu'elles ne permettent plus de faire face à de nouvelles situations.
Joue-là comme Beckham a été applaudi dans la salle parce qu'il exprimait sans doute tous ces problèmes, parce qu'il signifiait aussi que l'on peut fort bien apprécier se marier avec tout le faste d'une fête indienne où l'on sent la force du groupe et la joie d'y être reconnu, et, en même temps, qu'il est possible d'y vivre de manière distincte, néomoderne, de s'en aller en Amérique avec une bourse en poche pour aller jouer comme footballeuse professionnelle.
Nous ne sommes plus dans cette situation où le présent est le seul vrai, et le passé vainqueur le seul horizon.
L'Histoire marque positivement et se dépose aussi dans les contes et les légendes et aujourd'hui dans les films parce qu'elle retient ce quelque chose en plus sur lequel les nouvelles générations s'appuieront pour tisser les fibres d'avenir.
Une douceur de ce genre...de temps à autre...pourquoi pas ?