Brèves polémiques

Irak et Proche Orient: les erreurs magistrales de la politique française

Commençons par l'Irak, prenons le quotidien américain Herald international Tribune (de tendance démocrate) du 25 août 2003. Dans deux articles majeurs, l'un descriptif (Violence and calm: dual realities in Irak, p1), et l'autre analytique (The wider stakes in postwar Irak, p6), il est énoncé pour le premier qu'il existe en Irak une réalité "duelle" en ce sens que dans un pays grand comme la France, les trois quarts du pays sont plutôt calmes tandis qu'il existe en effet deux principales zones de turbulences, l'une autour de Bagdad, dans la zone sunnite, l'autre dans la région de Tikrit, celle de Saddam Hussein.

Cette information recoupe celle que donne Bernard Kouchner lorsqu'il explique qu'au Kossovo il fallait compter au début jusqu'à 50 morts par semaine, tandis que quatre ans de stabilisation ont à peine suffi pour installer la démocratie dans ce pays rongé par les mafias albano-serbes. Par contre le fait que les américains aient sous-estimé l'après-guerre en croyant qu'il s'agissait de construire la démocratie à l'instar de ce qui s'est passé en Allemagne en 1945,Thomas L. Friedman ne fait pas faute de le souligner dans le second article et il critique vertement le Pentagone sur ce point, tout en soulignant, et, là, le constraste est saisissant avec ce qui est raconté non seulement en France, mais également aux USA même, que la présence américaine en Irak n'est pas en échec du fait qu'elle attire de plus en plus un grand nombre d'islamistes étrangers pour venir la combattre.

Friedman pense au contraire que l'Irak est devenu une sorte de front entre le totalitarisme et la démocratie non seulement américaine mais mondiale (l'attentat contre l'ONU le démontrant par exemple) en ce sens qu'une victoire de cette dernière en Irak serait non seulement une lourde défaite pour les tenants du totalitarisme islamiste, mais sonnerait également le glas des régimes corrompus du feu nationalisme arabe en passant par l'accélération de la décomposition du régime tyrannique iranien.

Friedman avance ainsi l'idée que pour les totalitaristes de toute obédience et qui font d'ailleurs aujourd'hui alliance (peut-être d'ailleurs était-ce là le plan de Saddam : refuser le combat classique pour devenir un second Ben Laden, voir le premier...), cette guerre est la "Big One" qu'ils ne peuvent pas se permettre de perdre sous peine de voir toute la région (sans parler de l'Asie et de l'Afrique) basculer dans le camp démocrate. Ce qui ne peut pas avoir également des répercussions au Proche Orient.

Une victoire de la démocratie en Irak aurait un effet concentrique redoutable non seulement en Egypte, en Syrie, en Iran, en Lybie, au Soudan, voire jusqu'en Algérie et au Maroc, mais également sur le conflit israélo-palestinien puisqu'il renforcerait les efforts de l'actuel premier ministre palestinien et permettrait aux partisans de la paix en Israël de freiner les velléités extrémistes visant à empêcher toute constitution d'un Etat palestinien.

On comprend dans ce cas que face à de tels enjeux les américains acceptent de battre leur coulpe en demandant un élargissement du mandat de l'ONU afin que des pays comme la Turquie et l'Inde puissent envoyer les troupes nécessaires pour gagner cette "Big One". On comprend également qu'ils soutiennent le nouveau premier ministre palestinien qui doit se battre sur plusieurs fronts, en particulier Arafat dont les principaux efforts visent à saper son autorité.

On comprend moins la position française qui, toutes tendances politiques confondues, se gargarise à la moindre difficulté américaine, (comme si naguère au Rwanda et aujourd'hui en Côte d'Ivoire, elle aurait des leçons à donner), sans voir que d'une part l'enjeu irakien devient stratégiquement un élément majeur de la stabilisation planétaire nécessaire pour un développement réellement durable du Sud et, par là, du Nord, tandis que, d'autre part, l'insouciance française au Proche Orient préférant soutenir Arafat (et au fond le feu nationalisme arabe, reflet de son propre miroir brisé), fait le jeu des extrémismes et, au fond, accentue de plus en plus le fossé entre une Amérique en passe de corriger ses erreurs, et une France s'enfonçant dans le marasme politique économique et moral tout en montrant du doigt la paille dans l'oeil américain.

(Voir également cet article: http://forums.lemonde.fr/perl/showthreaded.pl?Cat=&Board=guerre&Number=1038293&page=0&view=collapsed&sb=5&part=&vc=1www.alexandreleupin.com

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Palestine-Israël: deux poids, deux mesures

On croit rêver: avant que le dernier attentat de Jérusalem réalise ce que veut dire la nouvelle alliance entre le Hamas le Djihad et le Tanzim (bras armé d'Arafat), plusieurs soldats israéliens avaient été déjà assassinés le week-end de la Pentecôte mais comme il s'agissait de militaires cela n'a fait réagir personne, sauf que lorsque Israël a répliqué, à deux reprises, en montrant à ce nouveau front du refus que leurs crimes ne pouvaient pas rester impunis, tous les médias français se sont empressés d'accuser Israël de mettre à mal la dite "feuille de route", et même Bush et Powell se sont mis au goût du jour en se sentant obligés d' admonester seulement une des deux parties à savoir et toujours Israël (ils ont dû rectifier le tir depuis l'hécatombe de Jérusalem).

Cette réaction "unilatérale", selon le mot à la mode, n'est pas juste et d'autant moins objectif que les attentats renforcent plutôt l'idée que jamais les palestiniens ne voudront la paix. D'ailleurs le numéro deux du Hamas a bien avoué sur son lit d'hôpital qu'il luttera jusqu'à ce que tous les israéliens quittent la palestine, on ne peut être plus clair.

Les USA sont donc rendus impuissants par la haine et la folie meurtrière, or le tandem Chirac-De Villepin, si donneur de leçons, pourrait faire revenir la France dans le jeu en condamnant fermement lors d'une conférence de presse mondiale les divers attentats, soutenant ainsi le nouveau premier ministre palestinien et le premier ministre israélien, au lieu d'aller saluer Arafat qui, malgré ses condamnations médiatisées, vient, en réalité, de rejoindre les extrémistes islamistes de façon tout à fait officielle cette fois via son bras armé.

Pourtant la France pourrait créer la surprise en proposant des pistes sérieuses:
Imaginons que les colonies (2% de l'étendue territoriale) ne soient pas démantelées mais qu' elles s'ouvrent, peu à peu, aux palestiniens et même payent au futur Etat de ces derniers un impôt foncier...
Imaginons que les produits agricoles palestiniens ne soient pas surtaxés, qu'un marché commun à terme s'organise, que des entreprises aux capitaux mixtes puissent voir le jour...

Imaginons que Jérusalem ne soit ni la capitale d'Israël, ni celle de la Palestine, mais que Tel-Aviv le (re)devienne pour Israël, et Jéricho pour la Palestine...

Imaginons que Israël aide le nouveau ministre palestinien à désarmer ses extrémistes et calme les siens rêvant de façon similaire à un monde sans l'autre en croyant qu'auparavant il y avait un Age d'Or, un Eden permanent et sans conflit.

Imaginons donc que soit privilégié l'intérêt commun au-delà des égoïsmes nationaux, est-ce trop demander ? Sans doute. Tout ce qui vient d'être énoncé semble être de plus en plus au fond hors de portée sans un désir profond d'affinement de soi.

Nous en étions pas loin pourtant il y a trois ans lorsqu'il existait un aéroport international à Gaza, financé par des capitaux libanais! lorsque il aurait été possible de choisir le développement économique plutôt que la guerre, lorsqu'il était encore possible de s'en prendre, d'abord, aux extrémistes islamistes afin de placer Arafat devant ses responsabilités, telle celle, entre autres, d'assurer le monopole des armes.

Et que dire de ceux qui, en France, ont soutenu le jusqu'auboutisme en conseillant à Arafat de ne pas signer les accords finaux de camp David tant que les trois millions de "réfugiés" palestiniens (la majorité étant partie volontairement) n'étaient pas réintégrés en Israël même!

Ne serait-il pas tant de tourner la page en arrêtant de faire le jeu des extrémistes pseudo-religieux, de part et d'autre, -(mais plus d'une part que de l'autre : il n'y a pas eu de bombes humaines fabriquées par les extrémistes juifs)-,pour que cette Feuille de route puisse enfin trouver le terrain d'entente nécessaire pour une paix durable et susceptible d'ouvrir une ère, réelle, et non pas seulement imaginaire, de prospérité ?

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ADM: Les nouveaux donneurs de leçons

Prenez donc des mauvais perdants et d'autant plus qu'ils voient avec effarement plutôt des crânes et des os sortir du sable irakien en guise d'ADM ! Mais c'est affreux! atroce! Comment! ce texan, ce suppôt de la soit disante troisième voix heureusement et vigoureusement et vaillamment combattue par notre Laurent F national, ce Blair donc, qui nous prend pour des blaireaux ! tous ces pseudo vainqueurs seraient des menteurs ! lance gaillardement l'édito du Monde, avec, en choeur, les éternelles harpies et c'est l'hallali, le hurlement absolu...et si vengeurs que les oreilles de Saddam en ont été stupéfaites : jamais, ô grand jamais elles n'avaient entendu, contre elles, de tels décibels, ne parlons pas de Castro qui peut emprisonner tranquillement pour de longues années sans que Le Monde Diplo et les "altermondialistes" ne bougent le petit doigt, Cuba étant précisément l'alternative qu'ils proposent.

Pourtant, sur LCI, dans l'émission de Laurent Bazin ce mercredi 3 juin, les invités disaient des choses très intéressantes : le 2 mars une usine soupçonnée de fabriquer des armes biologiques aurait été bombardée, personne n'a relevé l'info, le journaliste de Libé a souligné qu'il a fallu, dans les années 90, "quatre ans" aux inspecteurs de l'ONU pour trouver des armes prohibées, Tony Blair demande encore quelques mois...

Est-ce à dire qu'il faille donner un chèque en blanc à nos alliés (et amis) anglo-américains dans la manière dont ils ont "vendu" l'affaire ? Non parce qu'ils ont exagéré certainement en utilisant des informations pas assez vérifiées ou tronquées par des fonctionnaires zélés. Néanmoins à l'émission de Bazin il a été rappelé que les accusations de génocide programmé par les Serbes, qui avaient en partie servi à justifier l'intervention de l'OTAN, auraient été infondées...

Le problème est alors le suivant qu'il est possible de décliner au moins en trois hypothèses : est-ce que Bush et Blair ont bluffé en espérant que la nouvelle donne apporte les cartes promises (et même distribuées...) ? Est-ce qu'ils ont menti parce qu'ils voulaient uniquement faire la guerre pour le pétrole, changer de fournisseur etc ? Est-ce qu'ils ont été obligés de parer au plus pressé parce que le cadre onuséen les incitait à le faire, en particulier la menace de veto chiraquo-poutinien qui aurait forcé d'attendre plusieurs mois voire plusieurs années pour découvrir que Saddam ne s'approvisionnait sans doute pas au Niger mais peut-être en Corée du Nord via la Syrie et l'Iran : who knows ?

Je crois à la première et à la troisième hypothèse. Qu'il y ait une part de bluff, certainement parce que Saddam avait expulsé les inspecteurs depuis 1998 (pourquoi ?) et qu'il existait seulement des "faisceaux de présomptions" sur les programmes biologiques et nucléaires parce qu'il avait sans doute trouvé le moyen de les produire à distance, en pièces détachées, qu'il suffisait de rassembler le moment voulu. Pourquoi ne les a-t-il pas utilisé dans ce cas ? Mais il l'a déjà fait ! Et s'il n'a pas réitéré c'est bien parce qu'il ne voulait pas se griller puisque leur absence était son seul argument : or s'il espère revenir au pouvoir en semant la zizanie par ses attaques larvées quotidiennes il a intérêt à ne pas dilapider cette unique munition auprès de ceux qui font l'opinion et qui sont si dépités de ne pas avoir la vedette qu'ils sont prêts à traîner en justice ceux qui les empêchent d'haïr en paix.

Attendons donc un peu avant d’appeler le bourreau…et puis…il est si désopilant de voir ceux qui n’ont que faire du droit, même “bourgeois“ à Cuba et ailleurs (au Zimbabwe par exemple), s’égosiller et même s’étouffer (en ces temps caniculaires c’est dur…) de rage, d’hystérie, du moins si ce vieux concept freudien pouvait servir à quelque chose…ou alors s’agirait-il des séances de transes si bien décrites par Orwell dans 1984 ?…

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Le chiraquisme ou l'amateurisme en politique

Chirac sait sans doute gagner une campagne électorale, à la différence de Barre et de Balladur, mais contrairement à ce qu'il fait croire il ne connaît rien au peuple et encore moins en politique étrangère. La preuve sur ce dernier point ? La France a été écartée des négociations directes de Sharm-el-Sheikh. Chirac n'a pas émis la moindre idée nouvelle en la matière hormis la vieille outre de la Realpolitik repeinte au goût du jour sous le vocable "monde multipolaire" oubliant de signaler que durant les deux premières guerres mondiales la France, l'Allemagne, la Russie puis l'URSS, Les USA et la GB incarnaient précisément cette "multipolarité" qui a mené où l'on sait...Donc zéro pointé.

Il est certes un redoutable bateleur, moins bon néanmoins que Giscard et, bien sûr, que Mitterrand qui les domine tous deux dans le genre, (De Gaulle était cependant bien meilleur, y compris dans l'échec).

Chirac a donc reculé sur la décentralisation des personnels non enseignants, sur l'autonomie des universités...bientôt sur les retraites, sans comprendre ce que son aîné, Alain Peyrefitte, lui avait conseillé dans Le mal français et dans La France en désarroi: il faut élargir le champ d'application du référendum. Pourquoi ? Parce qu'en France seul le suffrage universel direct permet de trancher les questions cruciales (comme ce fut le cas pour la Constitution de la 5ème République, l'élection du Président de la République au suffrage direct, la décolonisation...) or la Fonction Publique, (tout comme la régionalisation/décentralisation...) en est une en France de question quasi-religieuse, et cela remonte au moins à Louis XIV lorsqu'il était possible d'acheter des charges et vivre ainsi sous la protection du marché public.

La césure Paris/Province est par ailleurs encore bien vivante et de plus les bureaucraties syndicales enseignantes préfèrent frapper à la tête, au coeur du pouvoir centralisé, plutôt que voir leur capacité de pression être érodée à force de dispersion des centres de décision.

Rentrons un instant dans les détails. Qu'avait Chirac a se précipiter ainsi ? Parce que ses conseillers ( De Villepin ? Encore ?...) lui disait d'aller vite, de faire comme Balladur en 1993 lorsqu'il a allongé l'âge de la retraite pour le privé. Sauf qu'aujourd'hui il s'agit du public, que les bureaucraties syndicales y sont bien plus présentes, et qu'elles peuvent d'autant plus s'appuyer sur le dogme du "service public au service du public" que celui-ci reste suffisamment ancré dans l'opinion comme synonyme d'égalité, de protection des petits contre les gros alors que jamais il n'y a eu, ces vingt dernières années, autant de scandales politico-financiers touchant précisément la sphère publique : sang contaminé, Crédit Lyonnais, vache folle, Elf... soit au moins Enron puissance quatre, sans compter les innombrables gaspillages relevés consciencieusement (et inutilement) par la Cour des Comptes.

Et pourtant, dans ce contexte de corruption, de pourrissement, les bureaucraties syndicales arrivent à drainer la sympathie du public, y compris à droite. Pourquoi ? Parce qu'il ne suffit pas d'afficher une volonté de réformes, il faut l'expliquer, l'expliquer encore, dramatiser, en appeler au Salut Public, c'est ainsi, on ne parle plus en France à la façon des Grands s'adressant à la piétaille porteuse de sabots, mangeurs potentiels de brioches, ce n'est pas comme cela que cela marche le peuple, surtout en France.

Il ne suffit pas de serrer des paluches, discuter le bout de gras au bistrot et tapoter la croupe de la Marguerite pour comprendre l'alchimie du peuple de France prêt à clamer que le roi est nu lorsque celui-ci se trouve dans l'incapacité de l'incarner. La France en ce sens est un pays latin : le tribun n'est pas seulement celui qui parle bien, mais aussi qui sait tenir la destinée du peuple, tel le tribun romain qui tient entre ses mains, au coeur de ses décisions, l'avenir de Rome.

Chirac avait le temps de prendre encore une année pour bien discuter, enlever cet argument dans la bouche des bureaucraties syndicales qui exploitent le malaise de leurs mandants et profitent de leur désarroi pour détourner leur colère vers les boucs-émissaires habituels: le marché, la liberté.

Il faut élever le niveau du débat là où précisément les bureaucraties syndicales le placent et même plus haut encore : quelle société voulons-nous, quelle école, quelle économie ? Lorsque les principaux syndicats militent directement, en tant que responsables, parties prenantes (à la direction d'Attac par exemple), contre la mondialisation " néolibérale", ils prennent des positions politiques, (croyant par exemple que les termes "lutte" et "conflit" découlent des notions de " propriété" et de "classe"...alors que ce sont des termes coextensifs à l'existence même des sociétés humaines depuis au moins la sédentarisation du néolithique, prémisse à la naissance de la guerre...).

C'est sur ce terrain, là, des principes fondamentaux de philosophie politique qu'il faut répondre, le duel est là, -(par exemple au coeur de l'idée d'Emancipation que d'aucuns veulent réduire à la notion de Propriété Sociale restaurant ainsi un discours néo-communiste)-, et non dans la politique à la petite semaine, petite semelle, petite ruse, celle des petits cerveaux (récitant scrupuleusement quelques poètes sagement épinglés dans la boîte à papillons, ou confondant érudition archéologique de collectionneur endimanché et science de l'Histoire), (petits) éjaculateurs précoces du politique qui continuent à rabaisser, à saigner, la force de la France qui, sans cela, pourrait à nouveau laisser exploser la force de son génie endormie depuis la Défaite puisqu'elle a pu montrer entre temps ses capacités.

Il suffirait que la France secoue les sangsues pendues à son coup depuis les années 50, qu'elle tourne la page du 20 ème siècle, qu'elle laisse venir une nouvelle génération afin qu'en Europe, dans le monde, elle participe à la construction de l'universel démocratique basé sur la liberté de penser et d'entreprendre dans le respect de soi et d'autrui. Mais le veut-elle ? Là est la question.

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Comment l'anti-américanisme mène au racisme

Dimanche après-midi j'ai fait la connaissance d'une jeune franco-américaine (son père est français, sa mère américaine), elle m'a raconté que récemment dans une soirée quelqu'un, sachant qui elle était, s'est présenté tout de go comme "antiaméricain", non pas "antiBush" ou anti"républicain" mais "antiaméricain" comme cela, dès le premier mot, en guise de bonjour.

Il semblait bien être français, et même de "souche" comme on dit.

Ce qui a le plus blessé cette jeune femme, ce n'était pas le fait que l'on soit critique envers son pays, ou, plutôt, l'un de ses deux pays, surtout lorsqu'il est sous-entendu généralement que l'on en veut à l'équipe au pouvoir à ce moment là; elle-même est démocrate et ne soutient pas la politique actuelle, -(ce qui nous a permis d'avoir une conversation intéressante étant d'un avis contraire); ce qui l'a le plus blessée c'est de voir un bloc de haine se dresser devant elle et lui dire, calmement, alors qu'il ne la connaissait pas, qu'il ne l'avait jamaie vue, qu'il n'aimait pas ce qu'elle était, dans sa chair, le tout exacerbé par le fait qu'étant à moitié française, c'était comme si une partie d'elle-même insultait l'autre partie.

Ainsi les USA n'étaient pas visés pour ce qu'ils faisaient, mais parce qu'ils existaient. Ce qui est bel et bien là le racisme, de la plus pire eau, parce qu'il dépasse le côté passionnel de la haine pour s'énoncer avec préméditation.

Je suis resté songeur et je me suis dit que je m'étais bel et bien trompé en pensant que l'aspect de plus en plus passionnel des débats vis à vis de l'Amérique était le point ultime du non dialogue; j'ai reçu en pleine figure le fait que la passion peut s'éteindre et laisser place à la détermination, froide, en ce qu'elle n'a plus besoin du tumulte de la polémique pour stabiliser sa décision, elle est prise, réfléchie, la haine peut alors se transformer en racisme (puis à la compréhension lorsque des assassinats sont programmés).

Certes celui-ci a tout de même besoin, du moins au début sans doute, de justifications. Ainsi lorsque l'on lit la prose dite critique envers les USA, il est clair qu'hormis les tempêtes (et encore : car Kyoto...), non, hormis les tremblements de terre, tout, absolument tout ce qui ne va pas sur Terre est d'origine USA : la faim dans le monde, la pauvreté, la dictature. Même la France avec sa politique africaine désastreuse (le Rwanda en a été le sommet, voire sur ce point Bayart, L'illusion identitaire, p37 et suivantes), n'est pas autant montrée du doigt.

Et lorsque l'on gratte un peu les arguments lorsqu'en lisant les mots "faim", "pauvreté", "dictature", certains commencent à penser "oui!" lorsque le mot "usa" y est à chaque fois accolé, il ne faut pas être grand clerc pour reconnaître le racisme, celui-là même qui a toujours associé un fléau à la présence, à l'existence, d'un groupe...

Et même lorsque l'on regarde de plus près ces trois arguments, quoique rapidement, que voyons-nous ? Le fait qu'est confondu, à chaque fois, des nocivités produites par des enchaînements de circonstances corrélés à une volonté de puissance débridée et non pas produits nécessairement par elle : il est par exemple faux de dire que l'état, actuel, de l'Algérie est le résultat de la colonisation française vieille de 40 ans! par contre le fait que les gouvernements français aient choisi de soutenir l'Etat algérien en ne se souçiant guère de son régime politique et de ses choix économiques peut être un facteur aggravant.

C'est précisément cela que j'appelle l'oligopolarité qui, à la différence de la multipolarité, se soucie du régime politique et des choix économiques mais ce non pas quant à la forme diverse qu'ils prennent (en ce sens que les institutions et la balance privé/public peuvent différer d'un pays à l'autre) mais quant à leur fond universel qui, depuis au moins les Grecs maintenant, s'articule autour de l'idée de liberté de penser et d'entreprendre dans le respect de soi et d'autrui. Si cette idée vient à manquer, aucun développement n'est à terme durable.

De même pour la pensée proprement dite qui l'appréhende : si celle-ci n'articule pas analyse objective, imagination, représentation esthétique qui conforte et/ou questionne, sagesse qui permet de corréler patience et modestie... quelque chose manque dans l'appréhension, c'est ce que j'ai nommé la Raison oligomorphe en ce sens qu'elle n'existe pleinement qu'en déployant un certain nombre de principes et non pas n'importe quoi n'importe comment car autrement cela vire au cynisme et son pendant le nihilisme.

Il en est de même de la Raison dans l'Histoire. Il n'est pas possible de faire n'importe quoi, de dire n'importe quoi, de laisser croire qu'il suffit d'énoncer de grands principes sans se demander si par exemple l'ONU, actuelle, est bien le lieu de leur concrétisation alors que nombreuses dictatures empêchent son fonctionnement réel : la paille américaine dans l'oeil onuséen n'est rien comparée à la poutre qui aveugle de plus en plus ceux qui pensent que l'ONU représente "la conscience universelle" comme le dit Dominique Villepin, c'est faux, on le voit encore en Afrique, au Congo, au Libéria, en Côte d'Ivoire, alors que l'ONU n'est aucunement empêchée d'agir par les USA...

Pourtant, seuls ceux-ci, en tant que repoussoir, bouc émissaire, de tout ce qui ne va pas dans la société moderne, en fait, reçoivent l'opprobe qui, de plus en plus, surtout en France, s'alimente maintenant de racisme antijuif, Israël et USA étant des termes interchangeables d'ailleurs, ce qui ne change guère de la prose fasciste française des années 30 et de la propagande nazie, les deux relayées par la presse stalinienne.
Nous en sommes là en France, degré zéro de la pensée et de l'action charriant des modèles caducs ou tronqués, prélude aux pires excès, alors que les problèmes de fond touchant à l'organisation du monde sont de moins en moins perçus objectivement, comme si l'on persistait à penser dans des schémas qui ont pourtant produits là où nous en sommes...

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USA-France : une amitié brisée

Il est peu courant de mettre la parole d'un ami en doute. Le fait de la comparer à celle d'un fieffé menteur, qui plus est dictateur par cette possibilité même, est quasiment improbable. Pourtant Chirac a bel et bien non seulement douté du dit ami américain, mais aussi et surtout placé sur la même balance son propos et celui de Saddam Hussein.

Le seul argument auquel se raccroche bec et ongles l'actuelle équipe dirigeante française tient à la notion de "légalité internationale" que n'aurait pas respectée l'ami américain. Rien n'est, hélas, plus faux: déjà parce que la Charte des Nations Unies ne relève pas du droit international au même titre qu'un traité, et a fortiori d'une loi reposant sur une légitimité démocratique; ensuite, comme il ne s'agit, seulement, que d'une Charte et afin qu'elle puisse avoir force de loi s'imposant à tous, cette dernière ne peut reposer que sur un consensus; que certains Etats prennent la décision de passer outre à celui-là ne veut donc pas dire qu'ils violent "la" légalité internationale, mais qu'ils s'arrogent le droit de l'interpréter, ce qui peut être discuté, mais n'a cependant rien à voir avec un "viol".

Ce dernier est en effet un acte criminel sanctionné par un droit pénal sous-tendu par une Constitution soumise à la Souveraineté populaire. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le fait de refuser le diktat d'un véto à la procédure autoproclamée par le rapport de forces issu de la Seconde guerre mondiale, n'a rien à voir avec un viol de légalité mais s'apparente plus à la constitution d'un Comité de Salut Public cher à la Révolution française.

Lorsque les principes fondamentaux, la dimension ultime, celle dont l'absolu est si évident, si prégnant qu'il façonne la loi invisible, comme la Constitution anglaise par exemple (non écrite), lorsque donc ce qui fait corps, ce qui cimente la morphologie d'un souffle destinal est en jeu, comme c'est le cas depuis le 11 septembre 2001, alors,oui, la légitimité prime sur une certaine forme de consensus mou qui a toujours fait le lit des tyrannies et a charrié encore plus de morts.

Il n'est donc pas étonnant que "l'ami" se rebiffe et que voyant sa parole mise sur le même plan que celle d'un bourreau, il décide de rompre. Le tandem Chirac-Villepin a ainsi réussi à réitérer la dissolution de 1997, puissance mille.

(A suivre...)

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Irak: pourquoi la grande majorité des politiques, des intellectuels-artistes et des journalistes français est-elle si ignare ?

Parce qu'ils confondent l'Irak et le régime qui le saigne à blanc, il suffit d'ailleurs d'observer les images éparses pour évaluer le degré d'abandon, surtout au Sud, pendant que Saddam vole de palais en yacht et retour. Bagdad ne sera jamais Stalingrad dans ces conditions parce qu'à l'époque il existait une alliance de fait entre les USA la GB et l'URSS contre Hitler, les russes ne pouvaient pas l'ignorer. Aujourd'hui l'alliance objective entre Saddam et Chirac ne pèse pas suffisamment et elle ne se concrétise pas sur le terrain pour animer une flamme patriote.

Dans ce contexte, seul les nervis de Saddam résistent en se cachant derrière les civils, jetant en pâture l'armée régulière, infime, c'est ce que ne veulent pas voir nos borgnes politico-intello-journaleux et autres artistes niais. Pourtant deux onces d'analyse auraient montré que s'ils admettent l'aspect totalitaire de ce régime, alors, nécessairement, la population, passées les premières années de distribution des miettes de privilèges, ne fait que subir un joug qui la ronge, qui nourrit tous ces vautours envieux, tenant la viande des civils, y becquetant leur pitance, leur envoyant de temps à autre un missile pour faire pleurer les "no war " à l'encéphalogramme plat.

Il n'existe donc pas de résistance "irakienne", pas plus que de guerre "de Bush", ce sont des affabulations qui non seulement révèlent un degré zéro de l'analyse, -(voilà pourquoi il est préférable de lire la presse anglophone. Par exemple l'Herald international tribune, de tendance démocrate, sait rester objectif), mais dévoilent également le degré d'intoxication, de misère idéologique, atteint en France. C'est dément, il faut parfois se pincer pour savoir si l'on cauchemardise en permanence.

En même temps il semble bien que lorsque la vague de l'infamie se retirera, plus rien ne sera comme avant. Il ne sera plus possible de lire les mêmes qui affichent une telle haine anti-américaine, anti-israélienne, anti-moderne au fond, et qui ensuite veulent continuer à pérorer sur les petits oiseaux et les damnés de l'Histoire.

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Comment la désinformation nourrit le mouvement antijuif en France

La façon dont la guerre contre Saddam Hussein et ses nervis est racontée par certains médias et condamnée par la classe politique dans sa grande majorité alimente la haine de divers jeunes beurs qui n'en demandait pas tant pour s'enflammer puisque depuis des lustres le simplisme et la manipulation au sujet du conflit palestinien sont les deux puissants leviers de l'antisémitisme antijuif qui trouve aujourd'hui les moyens de croître.

Dans certains médias il sera par exemple question en long et en large d'erreurs de ciblage, mais jamais des exécutions de soldats américains faits prisonniers -une balle dans la tête- tandis que leurs cadavres sont jetés en pâture aux caméras vautours de la télévision aux ordres. De même la manière dont les nervis saddamiens s'attaquent aux services de maintenance, agitent le drapeau blanc, se déguisent en civils, pour ensuite vomir la mort et cracher sur les lois de la guerre stipulant que l'on ne se sert pas du drapeau blanc, des hôpitaux, des ambulances, sont à peine signalés et, bien entendu, guère condamnés par une classe politique française au garde à vous.

Le fait qu'Arafat ait refusé le plan Barak-Clinton est à peine souligné, non seulement dans les médias mais au coeur de l'enseignement public. Le fait que l'on ne puisse pas rayer d'un trait de plume près de 40 ans d'implantations, sans qu'aucune autre solution alternative hormis l'expulsion unilatérale, ne soit avancée, ne serait-ce qu'un impôt foncier, une réduction de la taxation des produits d'un futur Etat palestinien, en dit long sur le désir sous-jacent d'en finir avec Israël. Il est par exemple rarement expliqué qu'Arafat a laissé le Hamas et le Djehad islamique agir, alors que le principe même d'un Etat souverain c'est le monopole de la violence; or Arafat l'a sciemment partagé avec une force qui n'avait rien à faire des accords d'Oslo.

Quant à la guerre contre Hussein, la plupart des médias français et la quasi-totalité de la classe politique la présente comme non seulement illégale mais illégitime, parlant de résistance " irakienne", de guerre "contre l'Irak", ce qui ne peut pas ne pas exciter tous ceux qui ont sifflé la Marseillaise alors que leurs ainés à Alger l'ont applaudie.

Par haine anti-juif l'extrême droite a déjà choisi son camp et soutient le camp national-intégriste. L'extrême gauche lui emboîte le pas, malgré ses protestations hypocrites après l'odieuse attaque de juifs lors d'une des dernières manifestations "no war". Et si Hollande remarque que les banderoles traitent Bush et Blair d'assassins, mot d'ordre hurlé par une Buffet par exemple, mais oublient Saddam, le parti socialiste a cependant rejoint l'aventurisme chiraquien dans une politique de vassalité envers un monde arabe conservateur, inégalitaire au possible, belliciste.

Dans ces conditions, et sans parler des cours d'histoire tronqués, des menaces faites sur les enseignants qui parlent de la Shoah, il n'est pas étonnant que des laissés pour compte beurs compensent leur défaut d'intégration, d'instruction, dans la haine totale, devenant ainsi les nouveaux S.A d'une classe politique française bien plus soucieuse de se moquer de "l'enlisement" de la Coalition, de mettre sur le même pied d'égalité la parole d'un Powell, d'un Bush ou d'un Blair et la parole d'un Hussein, que de combattre la poutre qui grossit à vue d'oeil dans le blanc de ses propres yeux aveugles.

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L'arrogance du saddamo-husseinisme

L'arrogance c'est empiler des corps, vivants ou morts, et les montrer pour s'en moquer. L'arrogance c'est se servir de civils comme boucliers en se cachant dans les maisons le revolver sur la tempe des familles de Bassorah et d'ailleurs. L'arrogance c'est le mépris, l'insulte, c'est donner à pitié pour apitoyer alors que l'on vogue de palace en palace, six milliards de dollars de fortune personnelle vampirisée sur le dos des enfants dont la mort est mise ensuite sur le compte des méchants américains.

L'arrogance c'est aussi dire d'un côté que le méchant cowboy va tout écraser et de l'autre que le gentil husseinien est incapable de se défendre alors qu'il menace d'employer des armes chimiques en cas d'attaque terrestre de Bagdad. D'autant qu'il ne s'agit pas d'une résistance "irakienne" comme il est dit en France, mais d'une résistance baassiste, celle des sbires de saddam qui ont tout à perdre avec un changement de régime.

Il est d'ailleurs assez piquant d'observer l'arrogance de certains journalistes français se moquant avec mépris des difficultés présentes, comme si une guerre pouvait être gagné en six jours, tout le temps.

Une semaine ne s'est pas encore déroulée depuis le début et les experts du Café du Commerce made in Paris parlent d'enlisement, tout comme Saddam qui se vante en se cachant derrière les femmes et les enfants, alors que les reportages non soumis aux partis pris montrent bien que sans la prise d'otage effectuée par les nervis husseiniens, la libération viendrait plus vite encore.

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Le cynisme et l'hypocrisie des syndicats de la SNCF

A quoi sert cette grève désastreuse ? Chirac ferait mieux de s'en soucier au lieu de pérorer sur CNN et tirer une balle dans le dos des américains comme le disait Villepin en off à propos du véto, du moins au début.

Il serait en effet bien plus urgent d'expliquer à la Nation en quoi la notion de Service Public est de plus en plus mis à mal par ceux-là mêmes qui sont censés la rendre accessible pour tous alors qu'ils prétendent se mettre en grève "en notre nom". Car le fret transporté par la SNCF est des plus déficitaires, et a perdu en pourcentage face à la route pour deux raisons bien simples : le retard et la rigidité. En un mot le client doit se plier aux desiderata des employés du fret, comme dans n'importe quelle république bananière et autre Etat au Parti Unique.

Que les syndicats se soucient de l'existence d'une réglementation est une chose, mais qu'ils s'en servent comme prétexte pour masquer que c'est par leur faute que le fret, et plus profondément la SNCF, sont en déficit, dévoile bien le degré de cynisme atteint. D'autant qu'il est facile de montrer du doigt les "obligations financières de l'Autorité de tutelle" à savoir le contribuable, lorsque l'on sait que ces mêmes syndicats refusent l'ouverture de capital qui permettrait justement que les réformes de structure ne se fassent pas dans l'urgence.

Mais ici, comme à EDF, (et comme avec les dockers, la Presse, l'Education nationale...) certaines fractions de syndicats se comportent comme des clans, pour ne pas dire plus, et s'accaparent le Bien commun à leur propre profit, tout en agitant "la défense du service public" comme feuille de vigne. Pourtant Air France, et France Télécom, (hormis les bourdes technocratiques sur les licences UMTS) montraient la voie.

Il serait judicieux d'organiser un référendum sur le Service Public en expliquant bien cependant que celui-ci est avant tout une clause d'équité qui doit être encadrée dans un strict cahier des charges, peu importe ensuite que ce service, national, et bientôt européen, soit assuré par une entreprise privée ou mixte.

Le passage à la concurrence du fret, comme de l'électricité, loin de détruire le Service Public, peut donc le renforcer, du moins si sa modernisation se met, réellement, au service du public.

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L'aspect désastreux de la position, minoritaire, chiraquienne

Chirac est minoritaire au Conseil, même si la résolution présentée par la Grande Bretagne n'atteind pas le quorum, puisqu'aucun autre pays que la Chine et la Russie ne le soutient, préférant s'abstenir ou hésitant encore à voter oui. Or quelle était la position de ce dernier depuis l'été dernier ? Que le fait de guerre doit être du seul ressort du Conseil de Sécurité. Sauf que lorsqu'il s'agit de décider, Chirac se dérobe et en vient à exiger l'impossible puisque l'on ne peut forcer un menteur à respecter la règle, surtout lorsqu'il a eu plusieurs années devant lui pour préparer son affaire.

Des milliers d'inspecteurs en plus ne résoudront rien, d'autant que leur mandat est ambiguë car leur présence signifie que Saddam ment, or s'il ment (et il ment) rien ne leur assure qu'ils trouveront ce qu'ils cherchent alors que leur mandat était seulement de vérifier si Hussein désarme réellement. Or comment s'en assurer ? Que faire lorsque l'activité des inspecteurs se trouve entravée par Hussein lorsqu'il refuse par exemple d'avouer sa possession d'armes chimiques et neurotoxiques (en réservant la primeure, comble de l'absurde, aux troupes alliées anglo-australo-américaines) ?

L'attitude de Chirac est donc de plus en plus incohérente, d'autant qu'il n'a pas, lui, et encore moins que les autres, la majorité, alors qu'il persiste pourtant à vouloir utiliser son véto. Il n'a pas été assez souligné en quoi cette position, certes légale, repose néanmoins sur un déni de légitimité puisqu'elle veut imposer, même minoritaire et contre l'évidence, sa propre vision des choses alors que Hussein n'a toujours pas répondu aux "cent questions" en suspens et que rien ne dit qu'il ne réitérera pas, même en cas de désarmement "total".

Chirac n'a eu de cesse d'en appeler au respect du Droit International pour geler, en fait, les possibilités concrêtes d'en finir, au moins ici, avec la prolifération des armes de destruction massive; Chirac niant même que Saddam en détienne avant qu'un de ses représentants admette avoir "oublié" d'en reférer dans le dernier décompte de 12 000 pages, tout en traînant des pieds pour en retrouver les quantités cachées.

Il est en fait invraisemblable de voir nombre de commentaires déblatérer bien plus sur les crimes passés et les soifs de puissance à venir des USA ("la guerre de Bush" titre Le Monde daté du 13 mars) que sur ceux de Saddam, tout en oubliant les millions de morts des Goulag russes et chinois, sans parler des centaines de milliers de morts du Rwanda et de la guerre d'Algérie (ou qui lui précédait : par exemple les milliers de morts de Sétif en 1945 dus aux massacres de familles européennes effectués par les extrémistes nationalistes algériens dont l'acte fut confondu avec les revendications des manifestants menés par Ferrat Abbas et Messali Hadj demandant seulement d'être reconnus comme citoyens à part entière). 

Tout le monde est prêt à passer l'éponge sur ses propres crimes, mais quand il s'agit des USA il n'en est pas question; d'aucuns allant même leur reprocher (le Télérama du 12 mars) d'envier les racines glorieuses de Bagdad faute d'Histoire et de traditions prestigieuses...

Nous sombrons dans le comble du ridicule, le triple axel de Chirac dévoilant de plus en plus ce qu'il est : un saut dans l'abîme. Car loin d'être l'aventure, le sursaut américain, après la douche froide du 11 septembre, permettra, au moins dans cette région, de soutenir ces Etats courageux comme les Emirats Arabes Unis, le Koweït, la Jordanie, et de montrer aux peuples de la région, las du sous-développement et du pillage d'Etat sous couvert de lutte "antisioniste", qu'un autre monde est possible. Il aurait été bon que Chirac hisse la France à la hauteur de cette ambition au lieu de l'enfoncer dans le statu quo des lendemains immondes.

http://www.revue-politique.com/6_01_06947.htm

Armes toxiques: la magouille continue


Dans le rapport remis ce matin vendredi 14 mars 2003, fourmillant de schémas et de formules, aucun document officiel n'a été ajouté mentionnant à une date précise l'ordre de destruction. C'est donc du pipo. Et le camp dit de la "paix" alors qu'il s'agit plutôt du camp des dupes, laisse son temps à Hussein du genre: désarmez quand vous voulez.

Du reste comment le pourrait-il puisqu'il n'a rien? Le camp des dupes agit avec lui comme lorsque l'on parle à un enfant: je sais que tu as caché quelque chose, donne-le et tout ira bien. Saddam étant du "Sud", il ne peut être que gentil, donc s'il a ces armes, cela ne peut-être qu'un moment d'égarement que les gentils psy franco-germano-sino-russo-syriens vont ramener à la raison. Ce serait à mourir de rire si cela n'était pas si sérieux. Pendant ce temps les frustrés de tout poil, les haineux, les illuminés, les béats, vont défiler en chantant "no waaar" tout en se dandinant histoire de se construire une identité artificielle.

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Le show chiraquien "anti war"

Chirac bascule dans le genre grande diatribe façon Fidel ou Chavez, jouant de sa présence, de l'éloquence, celle du démagogue (au sens grec du terme) qui sait brosser dans le sens du poil des heures durant, surfant par exemple en virtuose sur la mode "antiwar" au sens métaphysique et revival de ce qu'elle pouvait dessiner dans les années 60, toute pétrie de bonnes intentions (prononcez: antiwaaaaaaaar, sur le ton Moi? Je suis anti-waaar!, puis passez une main dans les cheveux façon romantico-gargouille).

Sauf qu'il ne s'agit plus ici de contester la présence US au Vietnam mais d'empêcher qu'elle puisse enfin réaliser ce que la Communauté internationale, aveuglée par les bons sentiments, les boniments et les tromperies, se refuse à faire: mettre à bas le tyran qui trahit tous ses engagements au nez et à la barbe de tous, surtout des inspecteurs.

Car il ne s'agissait pas, dans leur mandat, de certifier que Saddam désarme effectivement, à la façon d'un audit comptable, (parce qu'un audit présuppose que quelque chose comme des comptes, vérifiables, existent...ou alors c'est Enron...) mais de s'assurer qu'il existe une collaboration active dévoilant les sites cachés jusqu'à présent, bref, mettant tout sur la table. Or il n'en est rien. Et tout le monde le sait.

Mais comme Saddam fait mine de détruire quelques missiles (tout en refusant de dévoiler, jusqu'à présent, ses caches chimiques et neurotoxiques), et comme il existe un puissant apriori contre le fait d'aller jusqu'au bout, les différentes variantes des "no war" au-delà de leur oscillation sur la nécessité de la pression armée américaine, se retrouvent toutes pour préférer le statu quo à la marche en avant. Quitte à se retrouver dans une situation identique à celle fomentée par Kim Sung il dans cinq ans. Hussein va sans doute montrer quelques caches chimiques en un dernier coup de poker menteur, et Villepin va sûrement danser sur son pupitre en l'entendant, sauf qu'il est trop tard et qu'il ne s'agit pas d'être "prowar" (et donc macho,pas beau), mais d'utiliser la force comme moyen pour enfin créer les conditions d'une paix durable.Y compris au Proche Orient.

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Le trompe l'oeil des inspections et la manip chiraquienne

Si les inspections marchent aussi bien que cela pourquoi poursuivre ? Parce que continuer supposerait que Hussein aurait quelque chose à cacher. Or il jure qu'il n'en est rien. Villepin, Blix et ElBaradei considèrent d'ailleurs que tout se passe bien, même s'il faudra "plusieurs mois" pour détruire les armes prohibées. Mais pourquoi ? Puisqu'elles n'existent pas. Et pourquoi vouloir interroger des scientifiques à l'étranger ? Pourquoi faire (alors que c'était la proposition de Powell en septembre) puisque tout roule depuis "un mois" (sic) ? Il y a là une contradiction de plus en plus évidente. D'autant qu'il suffirait, dans ce climat d'allégresse et de coopération, de dire à Saddam qu'il rassemble toutes les armes prohibées en un lieu donné afin que les inspecteurs les détruisent devant les caméras du monde entier.

Pourquoi chercher ainsi la petite bête puisque les officiels husseiniens disent sur tous les tons (en particulier lorsqu'ils ont en face d'eux un koweitien...) qu'ils n'ont absolument plus rien à montrer? Bref, pourquoi les inspecter par surprise comme s'ils pouvaient mentir alors qu'ils sont très coopératifs, actifs ? Se pourrait-il qu'il existât des sites cachés, secrets ? Mais comment est-ce possible ? Les officiels husseiniens se seraient empressés de les désigner à nos célèbres Dupont et Dupond, c'est évident, puisqu'ils sont "actifs" et soucieux de montrer à la face du monde leur bonne volonté.

On le voit, nous nageons dans l'incohérence la plus totale. Et le comble de l'absurdité, ou, plutôt de la manipulation de haute voltige, s'affiche avec la proposition de Villepin stipulant que cela soit les chefs de gouvernement, donc en l'occurrence Chirac, qui viennent le 17 mars exposer leur point de vue et, en fait, continuer leur politique intérieure sur le dos des Nations Unies.

Chirac adopte ainsi la tactique vieille comme le monde, celle du détournement d'attention qui lui permet de faire une pierre deux coups : cimenter encore plus l'union sacrée de l'extrême gauche à l'extrême droite pour réformer le minimum requis à sa ré-élection triomphale en 2007 (plus que 4 ans !) d'une part, et, d'autre part, se sculpter une place dans l'Histoire du monde en se posant comme son sauveur puisque se faisant il éviterait comme le dit Villepin "le choc des cultures" alors qu'il ne fait que colmater la vieille politique de la sauvegarde des Etats au détriment des peuples.

Parce que ce qu'il aurait été plutôt utile de dire et de faire c'est d'une part soutenir le réveil inédit américain engoncé avant le 11 septembre dans un relativisme qui les faisait soutenir des régimes anti-démocratiques et anti-modernes, et, d'autre part, insister auprès des américains pour qu'ils empêchent que la Turquie profite de sa position pour sabrer les efforts kurdes d'obtenir enfin une autonomie dans un cadre à définir.

Là, oui, ce serait de la grande politique parce que, d'une part, en évinçant Saddam, la démocratie installée se serait répercutée jusqu'à influencer positivement les palestiniens pour qu'ils ne s'entêtent pas à soutenir la politique suicidaire du Hamas et autres, et, d'autre part, en dialoguant avec les turcs, la France aurait montré sa capacité à consolider la Porte de l'Europe. Au lieu de cela nous avons la petite monnaie de la petite grandeur effilochant un peu plus encore l'image de la France, y compris dans les pays arabes, parce que le temps des illusions n'est pas fait pour durer alors que la grande politique, elle, marque les siècles.

http://forum.liberation.com/ADmb/vlist.vfo?page=4&fid=151

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France-Allemagne-Russie: soutien objectif à Saddam Hussein

Qui croire ? Colin Powell ou Saddam Hussein ? Là est la (seule) question. Colin Powell ment-il lorsqu'il annonce que la dictature husseinienne continue de fabriquer des missiles, même si elle en détruit quelques-uns devant les caméras, et qu'elle balade ses machines de mort bio-chimiques le long des frontières syriennes et iraniennes pour échapper aux inspections ? Saddam Hussein ment-il lorsqu'il annonce qu'il se conforme aux résolutions de l'ONU ? Il semble bien que Chirac-Shröder et Poutine préfèrent croire Hussein. Non! rétorqueront leurs défenseurs, ils croient ni en Hussein ni en Powell mais en Blix. Soit. Récapitulons.

Qui a fait en sorte que les inspections recommencent ? Blix? Non. Hussein ? Non. Il les avait prohibées. Comment se fait-il qu'elles aient recommencé ? Parce qu'une armada américaine a commencé à prendre place au fur et à mesure qu'il était sûr que Hussein semblait proche d'avoir la Bombe et que Powell a préféré en prévenir la Communauté Internationale (contre l'avis de Bush). Mais il n'avait pas prévu que se conjuguerait contre sa stratégie, pourtant respectueuse du dialogue entre les Nations, le mouvement anti-mondialisation (alter et extrême droite confondus), le mouvement plus informel d'un pacifisme teinté de mal-être devant les soubresauts d'une société techno-urbaine en manque de repères, enfin le mouvement totalitaire anti-moderne brassant des ex-communistes jusqu'aux courants les plus absolutistes prônant une société frugale et ultra-conservatrice en matière de mode de vie et de moeurs.

Ces trois mouvements, (antimondialisation, phobie pacifiste, néo-totalitarisme), en se conjuguant, permettent aux trois Etats européens les plus conservateurs, les plus recroquevillés sur le passé antérieur, sur une carte du monde qui ne correspond plus aux attentes de l'heure, les plus frileux aussi pour répondre précisément aux exigences existentielles de leurs propres populations en quête de réponses, de se donner une base sociale et politique qui leur assure la possibilité d'esquiver les réformes intérieures à faire, d'offrir une chance à Hussein de s'en sortir, de geler toute la région dans un national-intégrisme qui la mine et la pousse vers la seule issue : l'expansionnisme, comme ce fut le cas contre le Koweït en 1991.

Hussein peut masquer cependant cette stratégie en optant pour la tactique imaginée par Ben Laden : contre les USA, l'alliance avec les ex-communistes, les socio-démocrates, et les nationalistes néo-gaulliens doit être recherchée, parce que sont des éléments faibles, en perte de vitesse, faciles à noyauter, des compagnons de route qu'il sera aisé d'éliminer ensuite lorsque l'ennemi principal sera à terre.

Comment se fait-il qu'un Villepin ne comprenne pas que l'on puisse détruire et construire des missiles, de l'anthrax? Puisque lorsque l'on ment, la contradiction n'est pas un problème. Lénine et Hitler l'avaient parfaitement démontré pourtant.

Comment se fait-il que nos trois compagnons de route du nouveau totalitarisme en marche ne s'aperçoivent pas que les paroles de Powell et de Hussein ne se valent pas ? Qu'en éliminant le menteur, la paix peut s'amorcer dans toute la région du Proche Orient, du Kurdistan, autonome, jusqu'en Palestine et ses deux Etats ? Tel est l'espoir, la formidable possibilité de paix et de développement que des calculs à courte vue sont en train de tuer, en enfonçant, dans le dos, le poignard de la honte et du déshonneur. Pendant ce temps Kim sung IL en profite et Hussein attend son heure.

Ainsi "soudainement" comme l'écrivent quelques commentateurs, l'anthrax, le gaz moutarde, et autre inoffensif bacille font leur entrée en scène, non seulement ceux supposés avoir été détruits en 1991, mais aussi de plus récents. Or selon les dirigeants husseiniens, non seulement il n'y en avait plus, mais cela n'avait jamais existé. La preuve ? Aucun officiel husseinien ne reconnaît le gazage des 50 000 kurdes à 80. 000 kurdes.

Quelle leçon en tirer ? Le fait que les "inspections marchent bien" comme le dit Villepin? Non. Parce que tout le monde sait que ce ne sont pas les inspecteurs mais la menace imminente d'être balayé de la scène qui motive aujourd'hui les rafraîchissements de mémoire d'Hussein et de ses sbires. Même Chirac, après avoir nié qu'il existait de telles substances, a été obligé de dire à Alger qu'il faut que Saddam se montre plus " actif " dans le désarmement. Or celui-ci ne suffit pas visiblement. Pourquoi ? Non pas parce qu'il faut en "découdre" pour en découdre avec Hussein, certains commentateurs allant jusqu'à dire que Bush aimerait que Hussein refuse de désarmer, mais bien parce qu'il n'existe aucune garantie qu'il ne recommence pas à les fabriquer. Et que nous ne nous retrouvons pas d'ici quelques années dans une situation à la Kim Sung IL.

Aussi est-il possible de renverser l'observation récurrente stipulant que les révélations actuelles des dirigeants husseiniens gênent les plans "bellicistes" anglo-américains par le fait que les partisans de la paix à tout prix sont, eux, de plus en plus embarrassés pour expliquer comment il serait possible de faire confiance à quelqu'un qui ment à ce point.

L'argument de Villepin avançant qu'il n'est pas question de renverser Hussein mais seulement de le désarmer tient donc de moins en moins. Puisque les dernières révélations montrent sa totale duplicité. Lorsqu'un régime est une menace permanente pour la paix, il faut le détruire. Avant qu'il ne le fasse. Il n'est même plus besoin d'entamer un débat sur l'universel, les droits de l'homme, le droit d'ingérence, comme le font, courageusement, certains contre un Villepin relativiste à souhait.C'est une question de vie et de mort, pour toute la région, pour sa stabilité et son renouveau. C'est une règle intangible des relations internationales, trop souvent violée: les tricheurs doivent être exclus du jeu, il ne suffit pas de leur retirer les cartes truquées. Tant qu'il est encore temps.

Sur quoi repose la position de Jacques Chirac en dehors d'un pacifisme facile qui a eu les résultats que l'on sait à Munich (avec, à l'époque, des millions de personnes manifestant contre la guerre) ? Sur le fait que l'actuel Président de la République française connaîtrait, et mieux que quiconque, l'effet "désastreux" de la guerre sur l'opinion publique arabe. D'où lui vient cette connaissance ? Nul ne le sait. Et rien n'est plus faux.

Déjà parce que "l'opinion publique arabe" n'existe pas. Pour cela il faudrait des médias, libres, des institutions démocratiques, où sont-ils ? Et cette fois il n'y a pas besoin d'envoyer d'inspecteurs pour les dénicher. Ensuite, lorsque l'on va sur le terrain et que l'on lit quelques études sérieuses, qu'apprend-on, du moins quand la parole n'est pas aux ordres ? Une aspiration forte à la prospérité que seul le changement démocratique, c'est-à-dire les libertés de penser et d'entreprendre, peut apporter.

Lorsque je me promenais dans les rues du Caire, il y a un an, l'on sentait que la vague national-intégriste était passée de mode, les femmes regardaient avec envie les magasins de lingerie flambant neuf et, à Louxor, les égyptiens rencontrés sur le Nil, au fond d'une felouque buvant le thé au moment du crépuscule, me disaient la haine qu'ils avaient contre un Ben Laden qui "avait tué le commerce"; l'un d'entre-eux nous a présenté à sa famille, sa mère regardait à la tv le Dallas local et, après avoir mangé un délicieux plat à base de boulettes de riz de menthe et de poulet grillé, il nous a fait écouter de la pop anglaise avant de nous emmener assister à un spectacle de danse orientale où quelques barbus buvaient en catimini de la bière et se rinçaient l'oeil.

La science infuse chiraquienne repose, semble-t-il, sur la fascination traditionnelle de l'Occident, accentuée depuis les Croisades et renconduite par Bonaparte, envers l'Orient, lorsque celui-ci semble encore résonner, dans le grand miroir du temps, de l'époque épique et épicée de strates immémoriales tissées par ces liens claniques et symboliques qui rendent redevables et placent l'honneur au-dessus de tout. Il ne faut pas oublier que c'est la France qui a ré-introduit la langue arabe écrite en Algérie, croyant que musulman rime avec arabe alors qu'en Afrique du Nord la majorité de la population est berbère et que la langue parlée de l'algérois moyen n'a rien à voir avec ce qui a été importé depuis d'Egypte et de Syrie. La renaissance du nationalisme arabe au proche Orient vient d'Occident et spécialement d'Angleterre, le film Lawrence d'Arabie en explique bien le mécanisme.

Après s'être enivré de nationalisme, pétri d'Occident, les élites arabes se sont sevrées de socialisme forgé lui-aussi en Occident (lorsqu'elles allaient y étudier) avec les résultats dont on peut palper encore les effets, réellement désastreux, eux. Ne connaissant de l'Occident que les grosses voitures et les fausses blondes en mini-jupes, voyant comment l'idéologie du Parti unique avait conduit ces pays vers l'anti-développement, ces nationaux-socialistes (antijuifs et accueillant à bras ouverts quelques férules nazies en fuite) se soumirent à nouveau à l'influence de la métaphysique occidentale anti-moderne (d'un Heidegger, via Corbin, et, aujourd'hui, d'un Garaudy, Baudrillard, Derrida). Ils furent rejoints par les déçus du soviétisme et de la jouissance sans frein propre à la consommation ostentatoire pour se réfugier dans le dernier bastion récusant toute évolution surtout féminine : une lecture ultraconservatrice de la religion.

Ce courant eut son moment de gloire avec Khomény, (conséquence, indirecte, des erreurs américaines, en pleine guerre froide néanmoins, réagissant durement à l'expérience socialiste de Mossadegh dans les années 50 et au refus des divers Shah de démocratiser l'Iran), il l'eut aussi avec l'Algérie, le Liban, enfin avec l'Afghanistan et aujourd'hui avec la Palestine, sans oublier le long de la frontière pakistano-afghane et l'Indonésie. Mais cela n'a eu et cela n'aura qu'un temps, car le totalitarisme, du point de vue de l'expérimentation historique, n'a pas d'autres solutions pour survivre que de s'exporter, conquérir et vivre sur les impôts des nouvelles populations soumises, ou alors s'éroder et se transformer en mouvement protestataire.

Sur quoi repose donc l'expertise chiraquienne ? Du moins en dehors de la bienveillance envers le nationalisme arabe, et le fait que Chirac aurait prévu la déconvenue de Jospin lorsque celui-ci reçut des pierres lors de sa visite à une université palestinienne pour avoir prononçé les seules paroles courageuses de sa vie dénonçant le choix politique d'Arafat escamotant les Accords d'Oslo en voulant arracher la décision finale par la force de la terreur ? Ce fut là la seule prévision, effective, de Chirac. Il n'y a cependant pas de quoi fonder une politique.

Que nous propose d'autre le couple Villepin-Chirac à part soutenir des généraux algériens à bout de souffle, de fermer les yeux sur un Kadhafi maquillé en défenseur des droits de l'Homme, d'appeler de manière incantatoire à la "paix" au Proche Orient ? Sur le fait, seul, de forcer Hussein à rendre des armes, en particulier les substances, qu'il ne veut pourtant pas détruire de lui-même et qu'il a sans doute bien caché dans quelques territoires amis et depuis longtemps.

Or Hussein n'est pas un enfant que l'on forcerait à rendre son pistolet à eau. Déjà parce qu'il ne s'agit pas d'eau, mais aussi parce que l'enfant recommencera aussitôt que l'adulte aura le dos tourné. De plus l'on ne force pas un âne qui ne veut pas boire. En fait Chirac, et tout l'infantilisme arabisant nostalgique de l'Orient de Grand papa avec lui, semblent ne pas reconnaître en Hussein un désir d'adulte et de tyran: celui de vouloir s'imposer dans la région par la guerre pour fonder le Grand Califat du Maroc à l'Inde.

Ce but est totalement nié par un Chirac puisqu'il ne voit en Hussein qu'un brave oriental un peu dérangé par quelques rêves de grandeur importés d'Occident. Sauf que cette fois, et à la différence du nationalisme du socialisme et de l'intégrisme en effet importés pour une grande part (comme ce fut le cas d'ailleurs avec le nationalisme d'un Gandhi), le mélange est authentiquement composé par l'idéologie baassiste aujourd'hui ré-oxigénée avec du totalitarisme anti-moderne à base religieuse.

Que faire dans ce cas ? Parler de la Corée du Nord, n'est pas inintéressant mais ne résout pas le cas husseinien. De plus il n'est pas question "d'attaquer l'Irak". Il s'agit en fait de renverser le tyran pour qu'il ne recommence plus du tout. Cela ne sert à rien de revenir tous les dix ans. D'autant qu'il sera trop tard, comme aujourd'hui avec Kim Sung Il.

Le couple chiraquo-villepinien ferait donc beaucoup mieux de ne pas laisser les USA promouvoir, seuls, les redécoupages démocratiques et géostratégiques. Ainsi, au lieu de chercher à laisser croire que Hussein, désarmé, ne recommencera plus, il conviendrait plutôt de s'intéresser au différend turco-kurde et de prévenir la Turquie qu'elle joue son avenir dans l'Union Européenne si elle continue à empêcher la montée en puissance d'une autonomie kurde forte.

C'est aussi là l'enjeu dans la région : faire en sorte qu'enfin l'un des peuples les plus vieux du monde cesse d'être massacré et de se venger en se réfugiant dans des idéologies surannées.

Il y a une semaine j'étais à Prague. Pour la première fois. Nous déambulâmes dans ses rues millénaires pétries de vie et de ville, ce rêve éveillé dont parle Simmel lorsqu'il décrit Venise, du fait de cette capacité incessante à croiser des univers parallèles faits en chair humaine, et je me disais que, vu de Prague, vu de cette ville qui retrouvait enfin le souffle de vie, malgré la dureté des temps perceptible dans les regards emplis de souffrance au fond des tramways, je me disais que la parole, désastreuse, elle, de Chirac sur les pays "mal élevés", résonnait, ici, comme une insulte à ce qu'il y a de plus profond dans l'âme européenne.

Car ce que j'ai ressenti de plus poignant à Prague venait de cette conjuguaison heureuse entre un désir immmense de vie, imbibé de liberté et de justice, avec une beauté, multicolore, celle d'une architecture mariant tous les styles dans une symbolique qui tisse encore la chair européenne et qu'il s'agit de continuer, de renforcer, d'exposer à la face du monde pour qu'il puisse lui aussi s'y embellir.

A ce moment précis, au coeur du souffle praguois, sur la place de la Vieille Ville, lorsque les Apôtres de l'Horloge viennent se montrer et que la Mort secoue la cloche du temps, j'ai ressenti la parole chiraquienne comme un crachat injuste, tout enduit de politique intérieure, de politicaille franchouillarde, cisaillant par sa haine l'espoir européen, le renouveau du Monde.

http://www.revue-politique.com/6_01_06762.htm

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Irak: les vraies raisons de Chirac

Dudoit/L'Express-Montage : Luna

Contrairement aux apparences il s'agit d'une affaire intérieure française: en prenant l'exact contre-pied de Bush, Chirac pense pouvoir amadouer la gauche et l'extrême gauche française, en particulier la CGT et FO, dont le service public est le bastion, afin de mieux faire passer la pilule du réajustement des retraites et à terme des finances publiques, réformes indispensables pour sa réélection en 2007, lui évitant ainsi la mise en examen, voire plus encore .

Ce n'est donc pas du tout pour sauvegarder une politique étrangère inexistante, que ce soit au Proche Orient, où les tentatives françaises de forcer Arafat à contrôler ses extrémistes ont échoué, que ce soit en Côte d'Ivoire où l'idée absurde de confier les postes de l'Intérieur et de la Défense aux rebelles a été avalisée et, pis, défendue par De Villepin en dépit du bon sens.

Le fait de fricoter avec un Poutine tout fier d' écraser femmes et enfants tchéchènes en dit long sur le degré de cynisme atteint par l'arrivisme et l'aventurisme en France...et en Allemagne.

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Pour un soutien aux pays "mal élevés"

Il est tout de même époustouflant d'entendre Jacques Chirac infantiliser ainsi de futurs membres, comme si l'on n'avait pas le droit d'avoir son avis et surtout de marquer son désaccord lorsqu'aucune concertation n'a été établie avec eux puisque s'ils sont des membres potentiels de l'Union, ils n'ont pas été invités à participer aux réunions au sommet.

Par ailleurs il ne faut pas s'étonner que ces pays se sentent redevables vis-à-vis des USA parce que c'est bien à cause de leur politique pugnace contre l'ex-URSS que le Mur de la Honte est tombé, et non par le fait de la subtilité de la diplomatie européenne et surtout allemande lorsque les Verts manifestaient au cri de "plutôt rouge que mort".

Quant à la question du "tiroir-caisse" soulevée par Villepin, la France en connaît un bout avec les subventions agricoles dont l'excès a entraîné un productivisme tel qu'il est pour une part à l'origine des farines animales de sinistre mémoire, et, pour une autre part, à la source de l'effondrement des agricultures vivrières en Afrique. Et lorsque le nouveau Président brésilien, Lula, est venu voir Chirac, ce n'était pas seulement pour montrer qu'il était bien élevé mais surtout pour faire en sorte que l'Europe ouvre ses frontières aux produits venant du Sud. Car ce serait là la vraie solidarité et non pas la seule réduction de dette qui ne profitent de toute façon qu'aux dictateurs et aux généraux puisque l'économie est principalement entre leurs mains.

Il est donc proprement affligeant de voir l'exécutif français actuel pavaner dans une suffisance rare alors que les problèmes du monde, loin d'être soulagés par la science infuse chiraquienne, s'aggravent, sans parler du Proche Orient et de la Côte d'Ivoire où l'on voit ce que cela donne.

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En France et en Allemagne la chose est entendue: quand bien même y-aurait-il un lien entre Ben Laden et Saddam Hussein, (http://www.lci.fr/news/monde/0,,989376-VU5WX0lEIDUy,00.html), ils sont tous deux des victimes qui se vengent de l'Occident. Voir en eux une stratégie de destruction anti-moderne est une vue de l'esprit puisqu'ils sont du Sud, le Sud est gentil, donc s'ils sont méchants c'est seulement parce qu'ils sont devenus des produits occidentaux qui se rebiffent néanmoins à force d'humiliation.

Devant cette logique hallucinante de bêtise, il faut que le Nord supplie de se faire pardonner pour espérer une mort sans douleurs.

Pendant ce temps en Iran, en Corée du Nord, on profite du climat anti-américain pour manipuler du nucléaire, histoire de pouvoir entrer dans le club occulte du crime organisé légal, comme l'actuel (ras) Poutine, (r.a.s: rien à signaler).

Dormez braves-gens, les " Pas en mon nom" vont défiler au nom du vôtre.

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C'est un peu le racisme de grand papa revisité ou la théorie du bon sauvage qui, au lieu d'être mort, doit tendre toujours la main : le noir, l'arabe, sont trop "opprimés" (entendez trop "primitifs") pour être méchants. Saddam Hussein, Ben Laden, des victimes! de purs " produits" occidentaux. Dire le contraire serait d'ailleurs "raciste".

Le néo-racisme se targue en effet d'anti-racisme : c'est parce que Bush, texan, est raciste qu'il veut la guerre, pétrole à l'appui pour faire tourner le moteur. Du fric.

Peu à peu l'irrationnel, pis, l'antirationnel envahit tout, ronge les nuances et les dentelles conceptuelles, Bush pourrait fort bien faire des affaires sans la guerre s'il ne s'agissait que de cela, rien n'y fait, un peu comme dans les années 30 sans doute lorsque la montée, conjointe, des extrêmes s'accompagnaient d'une paralysie de la pensée, de l'action, de la Société des Nations.

De Villiers, Le Pen, Mamère, Besancenot, Hollande, Chirac, marchent séparément mais frappent ensemble sur les USA, sur les "vassaux" qui s'y connaissent pourtant en tromperie, -(demandez à un parapluie bulgare...même si les excès de zèle comme le plagiat anglais d'un document datant de 1991 n'aident pas à la compréhension des enjeux)- en le justifiant par tout ce que les USA ont fait de terrible depuis qu'ils existent. Comme si aucun de ces gens n'étaient eux-aussi responsables devant l'Histoire d'aucune erreur, de n'avoir jamais sinon trempé leurs mains dans le sang, du moins fermé les yeux pendant l'omelette révolutionnaire des lendemains qui chantent.

Aujourd'hui les USA deviennent le bouc émissaire des frustrations et des rancoeurs, et Saddam Hussein le méchant malgré lui qui incarne un Sud victime uniquement des appétits de puissance, ceux, bien sûr, du "néo-libéralisme" et non des dictateurs arabes et africains qui ne le sont d'ailleurs que parce qu'ils ont été contaminés par l'Occident. Le terroriste est dans ce cas le héros de ce que "nous" (l'Occident) serions désormais incapables de faire : se révolter contre l'agression exprimée jusque dans l'architecture des Twins (dixit Baudrillard...).

Un Sud imaginaire est ainsi créé, de toutes pièces, âge d'or de l'accueil ancestral, sa lenteur du vivre, son hospitalité (pendant que les femmes restent dans la cuisine et préparent les folles réjouissances). Il vient venger la mort de la communauté villageoise d'autrefois, (l'exode rural est somme toute assez récent en France) noyée dans les délices du monoparentalisme à la tv réalité comme perfusion, du moins lorsque l'on voit la modernité uniquement par les lunettes nostalgiques vantant toujours l'ancien au détriment du présent.

Une telle virulence treissée de vanité outrancière suinte à flux tendu d'égos paumés mais médiatiquement illuminés par encore plus délirants qu'eux.

Ces vaniteux règlent leurs comptes avec une société techno-urbaine narcissique et à l'imaginaire délocalisé dans mille univers parallèles. Autant la liquider puisqu'elle leur échappe de plus en plus préférant la culture d'exception (lorsqu'elle existe) à l'exception culturelle obligatoire,tamis zéro d'une politique atone, caricature qui sort de son dessein et traite d'arrogant son propre reflet.

Pendant ce temps la mort vengeresse, gentille, puisqu'elle vient du Sud, se prépare dans les labos mobiles et par les haines de fortune, la mort aiguise sa faux, et ses faux, et ne devient une "preuve" que lorsqu'elle s'abat. Pas avant, cela serait trop "unilatéral", "injustifié".

Triste trope.

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