Premiers signes de rébellion techno-urbaine en provenance de Riyad

En Arabie Saoudite la Saint Valentin a été interdite et des homosexuels condamnés ont été décapités. En même temps le Herald Tribune du vendredi 22 février nous apprend que certains jeunes saoudiens s'ennuient et errent dans les rues en bloquant le trafic, harcelant les femmes au volant, vidant les limousines en transportant fastueusement, et, in fine, se déguisant en femmes pour entrer dans les espaces leur étant réservées, tout en s'en prenant aux policiers :

"Late one night in mid-December on the coastal road in Jidda, about 1,000 young men went wild. According to the Arabic-language Saudi daily, Al Watan, they whooped and hollered, harassed females in passing cars, blocked traffic, attacked police officers and smashed car windows." (...) " Shortly afterward in the city of Dammam, more than a dozen young men surrounded a limousine, beat the driver and dragged his three female passagers out of the car (...)" .

S'agit-il d'islamistes ? Il semble que non, même si le côté " outlaw " de Ben Laden -plutôt que religieux- ne les laissent pas indifférents... En fait il s'agit bien de spleen...mais urbain ; c'est-à-dire lorsque la ville devient étranger à soi et transforme le rêve ambulant, -cher à Simmel lorsqu'il observe Venise ( et que je propose de généraliser conceptuellement...)- en cauchemar permanent puisque rien n'est possible, tout est interdit :

"By all accounts, the youthful exuberance was touched off not by politics but by ennui. Saudi Arabia is, after all, a theocratic kingdom that bans dating, cinemas, concerts halls, discotheques, clubs, theaters and political organizations and offers few oases like museums, librairies or gyms (...) ".

Les causes sont également sociales ( coût prohibitif du mariage, décalage entre éducation traditionnelle et modernité, telle la liberté d'être, même si elle est vue par le prisme déformant des médias ) et économiques ( baisse drastique du prix du pétrole, démographie en hausse, restriction, de fait, de la consommation à cause des interdictions religieuses touchant au comportement, au vestimentaire... ) mais elles n'expliquent pas tout :

"The pressures have left many young people confused and restless, and admiring of the radical defiance of the Saudi-born Osama bin Laden. However, there appears to be little appetite for the terrorism and violence advocated by bin Laden. Rather, young men are rebelling in others ways : by luring police officers into 190-kilometer-per-hour, chases on the freeways, tossing firecrackers into crowds at soccer matches, even disguising themselves as women to infiltrate women-only spaces.

Rebellion often takes the form of Tom-and-Jerry chases with the police. On a main intersection of the capital city, Riyadh, after the soccer game against Qatar, for example, two men stopped traffic, turned up the volume of their rock music, jumped out of their car and started dancing wildly. (...) ".

Certains parents deviennent compréhensifs et permettent que filles et garçons se rencontrent en privé :

" At a recent private party in a mansion in Jidda, a port city that historically has been much freer than Riyadh, about 50 young men and women in various states of dress and undress talked, sipped soft drinks, danced, even groped each other. "

Qu'en penser ? Seulement ceci pour l'instant, du moins en ce qui me concerne : la modernité rime avec la liberté d'être de penser d'entreprendre, au delà du pire et des appétits de puissance qui la dépassent historiquement, c'est ce que j'ai tenté de démontrer à plusieurs reprises.

Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que la jeunesse saoudienne ne puisse plus admettre qu'au sein des différences culturelles il existe des traditions qui se donnent l'apparence d'en être alors qu'elles sont plutôt des expressions de pouvoir absolutiste des hommes sur les femmes, de certains clans sur le peuple et qui se servent de la religion, de " l'exception culturelle ", comme remparts pour préserver leur pouvoir : cela ne vous dit rien quelque part ?...