Vers l'Oligomorphie

Impressions de Washington D.C

Par Guy Millière

Après avoir passé l’été en Californie, je me suis rendu pour quelques jours, à Washington D.C. avant de rentrer en France. Ce fut pour moi, l’occasion de rencontrer divers amis néo-conservateurs, proches de l’administration Bush ou membres de celle-ci.

Le premier constat que j’ai pu faire est l’étendue des dommages infligés par le tandem Chirac-Villepin aux relations franco-américaines. Non seulement, les gouvernants français sont apparus, et apparaissent encore comme des traîtres, cyniques et sans scrupules, mais ils sont aussi considérés comme des imbéciles. S’il s’agissait de préserver des contrats ou des intérêts économiques, il apparaît clairement à Washington que les choix qui ont été faits par « la France » ont été très mauvais. S’il s’agissait de sauver Saddam Hussein, les choix effectués étaient très mauvais aussi.

On a conscience à Washington de ce que la France souhaite un enlisement des États-Unis et a tendance à prendre ses désirs pour des réalités. On considère que Chirac et Villepin, Villepin en particulier, vivent dans un univers fantasmatique. J’ai plusieurs fois entendu qualifier Villepin de « lunatique » dément. Et l’adjectif était en général accompagné de descriptions de saillies verbales ou de comportements que la décence morale m’interdit de rapporter…

Nul ne s’inquiète à Washington, par contre, d’un réel écart politique susceptible de se creuser entre l’Europe et les États-Unis. On a plutôt tendance à penser que le couple franco-allemand, et en lui la France plus spécifiquement, s’isolent de l’Europe où ils sont minoritaires. Divers signes diplomatiques survenus pendant mon séjour ont contribué à me montrer que l’analyse est exacte : l’Italie, l’Espagne, l’Irlande, les Pays-Bas, les pays scandinaves et ceux d’Europe Centrale se montrent concrètement beaucoup plus proches des positions américaines que des positions françaises. La récente tentative d’organiser une défense européenne indépendante de l’OTAN n’a réussi à rassembler, derrière la France et l’Allemagne, que la Belgique et… le Luxembourg. « La France autrefois pouvait sembler arrogante, maintenant, elle ne peut, en l’état actuel des choses, qu’inspirer le mépris ou la pitié », m’a dit un ami journaliste, et je n’ai pu qu’acquiescer.

Vues de France, les rodomontades de quelques intellectuels égarés dans le post-modernisme tels que Régis Debray apparaissent comme cohérentes et étayées ; vues des États-Unis, elles semblent n’être que le fruit pourri d’une décadence morale parvenue à son dernier stade. « Cela ne vaut pas la peine qu’on s’y arrête cinq minutes, pas même une minute », m’a dit un autre ami.
Lorsque j’ai parlé à Bill Kristol, rédacteur en chef du « Weekly Standard », de son passage sur le plateau d’Ardisson et que je lui ai demandé si tout cela ne l’avait pas un peu irrité, il m’a répondu avec un sourire : « Non, pas du tout, c’était si français »...

Cette perte de crédibilité de la France au niveau de ses élites politiques et intellectuelles va de pair avec les réactions de l’Amérique profonde au sein de laquelle les informations concernant la France d’aujourd’hui circulent : la consommation de produits français est en baisse très nette, les entrepreneurs qui ont le choix entre un produit français et un produit concurrent ont tendance à choisir le produit concurrent. Des T-shirts se rencontrent ici ou là ; celui-ci, par exemple, « Mon chat a été castré, maintenant il est français ».

Ceux qui, en France, voudraient se draper dans leur orgueil blessé devraient se méfier : la France n’est pas en position de force. L’amende que la justice américaine vient d’infliger au Crédit Lyonnais pour diverses opérations litigieuses (600 millions de dollars) est un signe, d’autres signes suivront. La France me semble devant un choix : ou un sursaut qui impliquera de chasser Chirac et Villepin, ou un déclin qui va s’accélérer. Car Chirac et Villepin ont choisi de faire de la France le chef de file du tiers-monde.

À Washington, on se préoccupe de choses plus essentielles : faire la paix au Proche-Orient, rétablir l’ordre en Irak. On sait que c’est dans cette région du monde que se dessine l’avenir, et on sait que l’avenir dépend de la réponse à une question simple. Nul parmi ceux que j’ai rencontrés ne doute que la victoire sera américaine. Nul ne doute qu’en France, on souhaite sans le dire explicitement, la victoire de l’islamisme. Nul, parmi ceux que j’ai rencontrés, ne doute que les islamistes jouent leurs dernières cartes en Irak et y déploient l’énergie de ceux qui savent que la fin de partie approche. Nul ne doute que les gouvernants français n’ont pas compris qu’il s’agissait d’une fin de partie et ont déjà cédé à leurs plus bas instincts : ceux qui mènent à la capitulation devant l’adversaire.

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« Mythes et Réalités du conflit
du Proche-Orient »
Best –seller de Mitchell G.Bard
traduit de l’anglaiS par
Liliane Messika
porte-parole de Primo-Europe

Présentation et soirée dédicace de ce livre référence

Samedi 8 novembre 2003 au CCEEE
2, rue Jules Verne
A 20h30

MYTHES ET REALITES DES CONFLITS DU PROCHE ORIENT répond aux multiples interrogations de chacun en reprenant les principaux chapitres de la genèse des conflits et en s’attardant sur les divers aspects des grands thèmes qui les traversent :
Les réfugiés, les frontières, Jérusalem…

Sous une forme simple de questions-réponses, admirablement documenté et impartial, ce livre resitue dans leur objectivité les éléments fondamentaux nécessaires à la compréhension de ces conflits, loin des stéréotypes et des mythes




Plan d’accès sur le site :
http://cceee.free.fr Bar / Buffet

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La lapidation d'Amina a été confirmée!!!

Prière de diffuser ce message : trop peu de signatures contre sa
lapidation
ont été recueillies. Le tribunal suprême du Nigeria a ratifié la
condamanation à mort par lapidation d'Amina. Ils n'ont fait que
retarder
l'exécution de la sentence de deux mois pour qu'elle puisse se séparer
de
son bébé. Après ce délai, elle sera enterrée jusqu'au cou et lapidée,
sauf
si une avalanche de signatures arrive à convaincre les autorités
nigérianes.

Amnesty International vous demande de signer la pétition sur leur page
web.
C'est par une campagne de signatures similaire que Safiya, une autre
femme
- qui était dans la même situation - a été sauvée. Il semble que trop
peu
de signatures soient arrivées pour Amina. Vous pouvez signer sur

http://www.amnesty.org.au/e-card/petition.asp

Ne pensez pas que ça ne sert à rien, une autre femme a ainsi eu la vie
sauve. Faites circuler ce message le plus possible.

Ce que nous nommons la rationalité oligomorphe s’attache à étudier toute signification dans ce qu’elle détient comme cohérence formelle intrinsèque et historiquement située. Ce qui implique d’observer, sous divers angles –dont la science mais point seulement-, l’invariant repérable dans tous les particularismes comme nature . C’est-à-dire comme fondement dynamique en devenir dont le lot de questions et de réponses, de solutions et de problèmes, relève à la fois de l’ontologie propre à l’Humanité comprenant un nombre donné de fonctions de développement, et à la fois de l’Histoire en tant qu’agrégation voulue et non voulue de transformation, de mutation, de métamorphose dans des circonstances données.

C’est cette articulation entre plusieurs angles, complémentaires, de représentations et plusieurs fonctions de développement qui forme oligopolarité. C’est-à-dire dont l’émergence est oligomorphe parce que l’effort humain n’est pas uniforme et qu’il n’apparaît pas n’importe comment en ce sens que les forces ou raisons qui assurent son développement se caractérisent par un certain nombre (oligos) d’éléments constitutifs et fonctionnels et elles ont besoin de certaines conditions ou formes (morphê) pour persister dans leur être.

Ce qui nécessite de se demander en quoi certains de ses angles constitutifs comme les fins, les moyens et les formes , ce que nous nommerons l’eschatologique, le téléologique, l’entéléchique, et qui se constituent sociologiquement en perceptions et pratiques spécifiques, -(ou ordres sociaux dont le religieux, le technique, l’éthique, l’art, la science, l’économique, le politique…)-, s’avèrent être nécessaire à ce que nous avons nommé ailleurs les quatre fonctions qui dynamisent le plus au moins quatre éléments constitutifs de l’auto-développement -(liberté de penser et d’entreprendre dans le respect de soi et d’autrui)- du soi (individu, entreprise, institution, Etat).

Il s’agit des fonctions de conservation, d’affinement, de dispersion, de dissolution. Nous nommons leur régime naturel le mode positif. Et leur régime perverti ou contre-nature, le mode négatif (au sens non hégélien du terme parce qu’antinomique à toute positivité).
Soit par exemple la fonction de conservation : dans son mode positif ou naturel qui se distingue qualitativement d’une croissance quantitative en se renforçant par la fonction d’affinement dans son mode positif, elle ira puiser dans les trois angles un contenu symbolique et sémiotique donné et historiquement situé.
Mais, il en sera aussi de même s’il s’agit de détruire. Ainsi, la conservation lorsqu’elle dérive dans un mode négatif ou contre-nature ira chercher sa justification ultime (eschatologie) ses moyens (téléologie) et les formes de procédure (entéléchie) dans diverses perceptions et pratiques. L’affinement au sens de la contre-nature agira de la sorte lorsqu’elle se transforme en sophistique réduisant par exemple la liberté à la licence et le raffinement en luxure.

Avançons ensuite que pour les deux autres fonctions sensées être à la base du développement, à savoir la dispersion et la dissolution, précisons que la dispersion dans son mode naturel est perçue comme l’organisation de l’effort sous les angles oniriques et ludiques, tandis que la dissolution désigne l’aspect décisionnel de l’action en ce sens qu’il faut bien en hiérarchiser la tension dans l’effort et choisir la meilleure stratégie/tactique. Leur mode négatif ou contre-nature consistera pour la dispersion de maintenir l’effort uniquement sous un mode onirique et ludique et également de le disperser au sens littéral du terme. Quant à la dissolution sous son mode négatif, elle confondra déconstruction et destruction et cherchera à discréditer toute notion d’évaluation et de choix.

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Il nous faut ainsi repenser à nouveaux frais à partir de ces évènements historiques qui ont définitivement installé la Ville et la Technique comme horizons de civilisation.

La Ville comme creuset démocratique. La Technique comme univers du confort, du gain de temps, pour en perdre ailleurs, au fin fond des imaginaires bucoliques, trépidants, créateurs de sens.

Il s'agit de ne plus confondre croissance et développement, parce qu'il s'agit de penser qu'aller vers l'affinement ne peut pas être un voeu pieux, mais une nécessité. Du moins si l'on veut atteindre le mieux qui soit, pour soi, si l'on veut susciter les meilleures émotions et réflexions, jouir de cette félicité, ce demi-sourire permanent (du Bouddha).

Ce qui passe aussi par faire le bien aux autres.

Ce qui nécessite de proposer des créations qui veulent vraiment penser le monde et soi-même agissant dans un cadre articulant le résolument moderne et le sens de l'affinement envers soi et envers autrui.

Comment ?

Partons de cette anecdote raconté par le plasticien multimédia Jean Marie Dallet rappelant l’étonnement extasié d’un Fernand Léger se promenant en compagnie de Duchamp à un salon aéronautique: il resta un long moment émerveillé devant la parfaite courbure d’une... hélice.

Emparons-nous de cette hélice, faisons là tournoyer et observons en quoi elle pourrait aider à classer les actuels courants intellectuels en trois principaux profils : les Modernes, les Anti-Modernes, les Néo-Modernes.

Les Modernes verront en cette hélice le triomphe de la raison appliquée,

Les Anti-Modernes regrouperont d'un côté les partisans du temps immobile: pour eux les temps anciens sont supposés toujours supérieurs aux temps nouveaux. Mais cela ne les empêchera pas d'utiliser cette hélice pour répandre la terreur totalitaire puisque "anti" ne veut pas dire seulement être "contre" verbalement.

De l'autre côté, se regrouperont les partisans du temps réduit à l'instant éternel. Et dissemblable. A chaque fois. Puisqu'il revient, sans cesse. Ils verront l’hélice comme l’un de ces instruments maudits qui arrache définitivement l’homme à ses racines pour lui donner une vision vertigineuse au-dessus de la Terre, voire du divin, et qui met à mort l'espace horizontal, l'espace du village, du clan, du corps commun, du lien.

Ils tenteront d’édifier des hélices qui ne fonctionnent pas. Pour empêcher toute tentative de maîtrise, source de puissance honnie et de "récupération" par l’industrie cet instrument schizo du "kapital".

On y observe là les pattes de tous les néo-puristes excommuniant tous ceux qui s'opposent à leur simplisme en les traitant de "néo-réactionnaires" alors qu'ils ne font que se désigner eux-mêmes dans le miroir de l'Autre.

Les troisièmes, que l’on pourrait nommer les néo-modernistes d'une Nouvelle Renaissance: l'oligomorphie, veulent s’émanciper de tout cela en considérant que l’art et l’industrie sont fonctionnellement distincts et peuvent se rencontrer voire cohabiter, quoique conflictuellement, dans ce no man’s land qu’est le moment du prototype ou de l’oeuvre originale.

Ce qui implique que dans ce dernier profil, l’hélice, en tant que telle, et l’hélice en tant qu’élément industriel, restent deux choses bien distinctes.

Mais l'art et l'industrie ont tous deux besoin que l’hélice atteigne sa vérité absolue. Et donc qu’elle puisse fonctionner en tant que telle; réel inédit ayant sa spécificité en effet bouleversante, créatrice en effet de meilleur et de pire

Il est temps de retrouver et poursuivre vigoureusement, -car le temps, européen, qui est le temps universel, celui du Droit et de l’Emancipation, est de plus en plus compté-, la voie ouverte par Léonard de Vinci :

Est artiste celui ou celle qui use de nouveaux matériaux, de nouvelles formes, tout en arc-boutant cette technicité au projet humain qu’apporta la Renaissance :
Celui de l’humanité libre et épris de justice.

Cette nouvelle voie se mettrait alors en position de supporter également une critique sans concession des travers de la civilisation, aujourd’hui techno-urbaine et arrivée mondialement à stance.

Car il s’agit d’asseoir l’idéal du Droit et de l’Emancipation sur l’affinement de soi plutôt que sur sa seule conservation ou sa seule destruction négatives. Celles-là ne peuvent en effet qu’amener (vers) le péril et non le conjurer. Par peur précisément du mouvement dont la gravité, toujours en expansion, se condense en style et en époque, en inédit qui en effet bouleverse les situations acquises y compris dans la pensée du monde.

Ainsi si toute manipulation de matériaux nouveaux et d'idées inédites s’inscrit dans une tradition et un être ensemble, les œuvres et les artistes qui en surgissent donnent toujours le sentiment d’émerger précisément en vue de donner une direction adéquate au mouvement nouveau. Son Esprit.
Et ce dernier, tel le magma, est en perpétuelle intégration de données dont une forme inédite vient peu à peu distordre l’ordre du visible et y répandre des airs nouveaux dont l’émergence disait Baudelaire peut concourir à la mélodie de l’ensemble, cet écho à venir.

Aussi serait-il peut-être temps d’en écouter les notes afin qu’un réalisme détaché du positivisme scientiste et couplé à un néo-rationalisme qui n’oppose pas science et poésie mais les articule distinctement comme le faisait Goethe puisse devenir l’alternative néo-moderne. C'est cela la rationalité ou le principe oligomorphe.

Il s'agit de penser à nouveau le lien sinueux entre l’art la technique et le politique et ce de telle sorte que soit considéré la spécificité nécessaire de leurs fonctions et la nécessité de subsumer leur épaisseur conflictuelle.

C'est cela la Nouvelle Renaissance à laquelle nous espérons contribuer.
Son cadre théorico-esthétique fort permet d'affronter, sans concession (dans tous les sens du terme), le monde techno urbain arrivé aujourd’hui à stance.
Il est fort car il peut en en effet en éclairer, librement, les linéaments tissés à la fois de félicité et de souffrance, sillons, tortueux et joyeux, de tournesols pétris d’une lumière stridente striée par les travaux et les jours.
Sans avoir besoin pour autant de refuser le monde ou de se détruire en son sein. Pas même une oreille.

Car il s’agit de se développer malgré le péril de se déployer sans retenue. Ce qui de toute façon n'est pas supportable, puisque précisément l’enjeu de toute conscientisation est d' analyser préventivement les conséquences lorsque la liberté d’autrui, son potentiel d’émancipation, peut être mis en péril.