21 Avril 2002 : Mea-culpa

J'ai passé la soirée du 1er tour à Djerba, près de Médoun, étonné et amer d'observer que j'ai sous-estimé le degré de rejet des solutions mièvres et immobiles. La victoire des socialistes en 1997, et leur conquête de Paris et de Lyon m'ont fait oublier qu'il ne suffit pas de dire qu'ils sont seulement là grâce aux triangulaires imposées par le FN alors que ce dernier peut se permettre ce petit jeu parce que l'incapacité de la gauche et de la droite à répondre aux préoccupations et aux défis du temps le fait gonfler...

Néanmoins je ne crois pas que cela soit en le diabolisant que son attraction sera stoppée pour autant. Et il n'est pas vrai que la gauche soit le meilleur rempart contre lui, surtout l'extrême gauche dont les thèses au contraire alimentent le FN, comme ce fut le cas en 1933 en Allemagne où les massacres par millions en Russie firent très peur et permirent la montée de Hitler.

Par ailleurs le fait que l'on se demande pourquoi dans telle ou telle contrée un tel vote soit possible alors qu'il n'y a pas de problèmes d'immigration et/ou de délinquance, revient à réduire le vote à des élections nationales au rang de réaction municipale donc locale alors que cela n'a rien à voir puisque chaque citoyen réagit aussi comme membre d'une communauté de destin et qui ici en l'occurrence s'énerve sur l'insécurité, le centralisme bruxellois, et plus généralement les affres de la société moderne aux médias perturbants.

En fait c'est toute une analyse sur l'impact non pas de la "société de consommation" mais de la société technique et urbaine, ne serait-ce déjà pour comprendre la furie d'une jeunesse dont les aspects immigrés et non formés n'expliquent pas tout. Un tout qu'il faudrait mieux déjà percevoir dans le phénomène Loft Story pour commencer.

J'en dirai un peu plus la prochaine fois, et j'aborderai également la dérive national-populiste actuelle. J'ajouterai seulement que Jospin a peut-être également perdu parce qu'il a commencé sa campagne au centre gauche et de façon alambiquée ("ce n'est pas un programme socialiste mais moderne") et qu'il a fini à l'extrême-gauche en vrai-faux quatrième candidat trotskiste proposant tout et son contraire. Résultat : deux à trois pour cent centre gauche sont partis rejoindre Bayrou et sa claque. C'est là toute l'ambiguïté socialiste : à force d'osciller entre le parti de la réforme et le parti de la conservation Jospin a perdu sur les deux tableaux.